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Discours

JOSÉ MIGUEL INSULZA, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L'ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS
CÉRÉMONIE D’OUVERTURE – QUARANTIÈME SESSION ORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

6 juin 2010 - Lima, Peru


Je remercie le Président Alan García, le peuple péruvien et en particulier les autorités et les citoyens de cette belle ville qu’est Lima, pour le chaleureux accueil qui nous a été réservé et pour le soin et l’efficacité démontrés dans la préparation de cette Quarantième Session ordinaire de l'Assemblée générale de l'Organisation des États Américains. Le Pérou a toujours été un solide appui du multilatéralisme continental et spécialement au cours des dernières années, durant lesquelles ce pays a rempli un rôle transcendant dans l’élaboration de quelques-uns de nos principaux instruments, le premier d’entre eux tous étant notre Charte démocratique interaméricaine.

Monsieur le Président, notre présence au Pérou est particulièrement importante, à une étape de son développement caractérisé par des taux de croissance figurant parmi les plus élevés de la région. Il faut joindre à tout cela un ambitieux programme social qui a permis de réduire la pauvreté et de perfectionner la fourniture de services sociaux essentiels à la population.

La démocratie péruvienne a également été consolidée au cours des dix dernières années et, en tant qu’organisation, nous sommes fiers d’avoir apporté notre petit grain de sel à cette avancée fondamentale.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs les délégués,

Année après année, depuis 2005, je me suis adressé à vous durant cette cérémonie qui marque l’ouverture de la Session ordinaire de notre Assemblée générale. Aujourd'hui, je m’acquitte de cette tâche, honoré et reconnaissant du renouvellement de la confiance que vous avez placée en moi en me réélisant au poste de Secrétaire général pour les cinq prochaines années. Je m’engage une fois de plus, devant cet organe principal de l'Organisation, à ne ménager aucun effort pour que l'OEA soit toujours plus d’actualité et efficace, accomplissant sa mission qui est de faire des Amériques un continent démocratique, libre, développé, juste, solidaire et sûr.

Il y a quelques jours seulement, j’ai fait un exposé sur les priorités qui orienteront l’action du Secrétariat général durant mon deuxième mandat, à savoir:

1. Développer un multilatéralisme large, moderne et accessible à tous, dont le principal instrument ne soient non pas les sanctions, les exclusions ou les divisions mais le dialogue et les ententes pour régler les problèmes qui peuvent entraver notre objectif démocratique commun.

2. Renforcer la gouvernance démocratique en encourageant le respect de l’État de droit et des institutions, une justice indépendante et efficace, la pleine liberté d’expression pour tous les citoyens, la transparence et la responsabilité au sein des pouvoirs publics.

3. Renforcer le potentiel de notre système des droits de la personne en encourageant le respect et l’observation de ses décisions, la ratification par tous les pays de la Convention interaméricaine relative aux droits de l'homme et la lutte contre toutes les formes de discrimination.

4. Rechercher un meilleur équilibre entre nos tâches de construction démocratique et de promotion du développement intégré, en concentrant notre action sur les mandats issus de nos Sommets des Amériques qui portent sur les questions de pauvreté et d’emploi décent, de migration, de compétitivité, d’énergie, d’environnement et de changement climatique, de développement technologique et d’éducation et ce, en coordination avec les autres organismes du système interaméricain.

5. Contribuer à la sécurité multidimensionnelle, en donnant la priorité à la grave crise de sécurité publique résultant du trafic de drogues, du blanchiment de capitaux, de la criminalité organisée, du trafic d’armes et de la traite des personnes.

6. Donner une impulsion nouvelle à la question du genre au sein de l'OEA, aux thèmes relatifs à la violence contre les femmes, à l’égalité dans l’emploi, à l’accès aux postes de direction dans les secteurs public et privé, et à la pauvreté de la majorité des femmes qui sont chefs de famille.

Croire que ces réalisations sont possibles démontre non seulement mon engagement, mais aussi mon optimisme par rapport à l’évolution de notre région, de son économie et de sa démocratie. Je suis bien conscient des enjeux en suspens, mais, je demeure convaincu que notre continent est en passe de devenir l’une des deux régions démocratiques du monde, que la confiance dans la démocratie et la force de ses institutions s’est accrue, et que le multilatéralisme régional a un rôle crucial à remplir dans ce domaine.

Monsieur le Président, Messieurs les Ministres et chefs de délégations,

Permettez-moi en cette occasion d’aborder quelques-unes des questions inscrites à notre ordre du jour immédiat et qui seront certainement examinées par cette Assemblée.

1. Crise économique

En 2009, plusieurs années de croissance soutenue ont été brusquement freinées. Tant l’économie du Canada que celle des États-Unis ont réduit leur rythme de croissance et ont connu une augmentation du chômage, tandis que, selon des estimations de la CEPALC, les pays d’Amérique latine et de la Caraïbe ont connu, en moyenne, une contraction économique de 1,9%, qui a produit un impact sur le chômage, interrompant ainsi la tendance favorable enregistrée durant les années antérieures.

Au-delà des chiffres, il importe de noter les conséquences dramatiques de ces données. Neuf millions de personnes de plus sont en situation de pauvreté et il a été enregistré une hausse de cinq millions en situation d’indigence. /

Toutefois, un effet politique, que nombre d’entre nous ont craint l’an dernier, nous semble avoir épargnés. En effet, la dernière enquête de Latinobarómetro nous enseigne que, au milieu de cette crise, l’adhésion à la démocratie par les citoyens de la région, y compris dans les pays les plus touchés, a augmenté. Cette situation engage encore plus la responsabilité de nos gouvernants, surtout face à ceux qui s’attendent à ce que la démocratie leur donne un emploi décent, des revenus justes et une vie digne.

La semaine dernière, nous avons assisté à la Quarante et unième Session de la CEPALC et j’ai eu le sentiment que, au-delà des problèmes en suspens, il règne un nouveau climat d’optimisme à l’égard de la sortie de crise et de la relance de la croissance susceptible et permettre une réduction de la pauvreté et de l’inégalité. Le titre audacieux de la proposition de la CEPALC, «L’heure de l’égalité», marque une rupture radicale par rapport à ce qu’ont connu nos pays à l’égard des idées qui ont prédominé dans le passé et qui ont appauvri nos politiques publiques sans produire de croissance. Au centre de cette nouvelle vision, il y a le rôle d’un État démocratique plus fort et capable d’orienter nos économies vers un développement marqué par la justice et l’égalité. Il semble que nous soyons aussi à l’heure de la politique, prise dans le sens d’une construction collective, d’un dialogue rationnel et d’une recherche de consensus.

L'OEA a fort à contribuer dans ce sens, et les États d’Amérique latine sont encore loin de disposer des ressources et de la capacité institutionnelle pour relever les grands défis à la démocratie qui sont du domaine de la gouvernance. L’idéal de la république démocratique exprimé dans notre Charte démocratique interaméricaine ne suppose pas seulement la création démocratique du pouvoir mais aussi le développement d’institutions stables, le respect des droits de la personne et la liberté d’expression, ainsi que la présence d’une autorité de plus en plus légitimée non seulement par son origine mais par la qualité de sa gestion. Durant les cinq dernières années, nous avons focalisé nos principaux programmes sur les questions de gouvernance et d’amélioration de l’efficacité dans l’action publique. Les citoyens de notre région croient de plus en plus en la démocratie mais ils admettent que cette dernière doit aussi s’exprimer par des résultats tangibles dans leur vie quotidienne et cette exigence s’affermira de plus en plus à l’avenir.

2. Honduras

Il y a près d’un an, le coup d’État, un fléau politique que nous croyions avoir éliminé de la région, a surgi une fois de plus. Dans la matinée du 28 juin, un commando de l’armée a faisait irruption dans la résidence du Président du Honduras José Manuel Zelaya et, après l’avoir capturé, l’a expulsé du pays. Après avoir exigé en vain son rétablissement dans ses fonctions, notre organisation a décidé, à l’unanimité de tous ses États membres, de suspendre le Honduras, qualifiant la situation de coup d’État qui violait la Charte de l'OEA et la Charte démocratique interaméricaine. L’ensemble de la communauté internationale a appuyé notre politique.

Conformément aux mandats de l'Assemblée générale, le Secrétariat général a entrepris par la suite une série d’initiatives diplomatiques visant à rétablir la démocratie et l’État de droit dans le pays, y compris l’appui aux efforts de médiation du Président du Costa Rica, Oscar Arias, deux missions à Tegucigalpa auxquelles j’ai participé ainsi que des ministres des Affaires étrangères, des consultations directes et permanentes avec les deux parties et d’autres acteurs concernés et, enfin, la promotion et l’intermédiation du Dialogue Guaymuras entre les représentants du Président Zelaya et du dirigeant de fait Roberto Micheletti, lequel a abouti à la signature de l’Accord Tegucigalpa/San José le 30 octobre.

Néanmoins, les efforts internationaux n’ont pas abouti au rétablissement du Président Zelaya pour qu’il puisse achever son mandat présidentiel. Tous les pouvoirs de facto dans ce pays et quelques forces intéressées à l’échelle internationale ont appuyé Micheletti. Cette situation à la proximité des élections, convoquées avant le coup d’État et prévues pour cinq mois plus tard, a permis au gouvernement de facto de se maintenir au pouvoir jusqu’à la fin du mandat.

Aujourd'hui, le Honduras demeure suspendu de sa participation à notre Organisation et nous continuons d’œuvrer pour régler cette situation. Le Président Porfirio Lobo a pris des mesures très importantes pour normaliser la vie démocratique dans ce pays en formant un gouvernement élargi, ouvert à la participation des différents secteurs du champ politique hondurien. Il a créé la Commission de la Vérité prévue dans le Pacte de San José-Guaymuras, adopté une loi d’amnistie pour les délits politiques et connexes commis durant la période de crise, permis deux visites de la Commission interaméricaine des droits de l'homme et démontré en général sa disposition à dialoguer avec la communauté internationale et, en particulier, avec les gouvernements représentés dans cette Organisation sur sa réintégration complète. C’est la raison pour laquelle, en application des mandats de la session extraordinaire de l'Assemblée générale du 4 juillet 2009, le Secrétariat général a maintenu un dialogue permanent avec le gouvernement du Président Lobo; nous avons contribué à ses efforts et nous avons été présents à l’investiture des travaux de la Commission de la Vérité, présidée par l’ancien vice-président du Guatemala, Monsieur Eduardo Stein.

Nous sommes tous d’accord au sujet de l’utilité d’un prompt retour du Honduras à l'Organisation. La seule différence réside dans le fait que certains considèrent que cela doit se produire sans plus attendre et d’autres qu’il est nécessaire d’exiger certaines conditions supplémentaires à ce retour. Parmi ces dernières il faut principalement citer la situation d’exil que connaît l’ancien président constitutionnel José Manuel Zelaya, en violation des normes en matière de droits de la personne et de la Constitution même du Honduras.

Sur le plan personnel, j’ai déclaré qu’un retour du Honduras est positif pour ce pays et pour l'OEA, parce que ce serait là une manière d’épauler les efforts de ceux qui souhaitent une normalisation complète, sans exclusion ni poursuite et parce qu’elle permettrait de mieux traiter les problèmes de droits de la personne et d’autres problèmes en suspens. Cependant, je comprends la réticence du Président Zelaya à revenir dans son pays pour se soumettre au jugement d’un procureur et d’une Cour de justice, qui sont parmi ceux qui ont encouragé son départ et l’ont souvent condamné en public.

3. Les limites du multilatéralisme

Au-delà de la situation particulière du Honduras, il est important de mettre en exergue la leçon à tirer des limites du multilatéralisme. Ces derniers mois, nous avons été les témoins et les acteurs de la tension prévalant au sein de la pierre angulaire du multilatéralisme qu’est l’existence de principes communs – dans ce cas les principes démocratiques – et du fondement de base des relations internationales qu’est le principe de souveraineté ou de non-ingérence dans les affaires internes d’autres États. Ces deux principes sont clairement établis dans nos documents juridiques fondamentaux, depuis la Charte fondatrice de notre Organisation à la Charte démocratique interaméricaine, et je crois que l’heure est venue d’avancer sur la voie de la recherche de moyens de faire en sorte que ces instruments soient compatibles et se complètent.

Surtout, je crois que le moment est venu d’analyser la voie à suivre pour continuer d’employer nos instruments juridiques afin d’agir au profit de la paix, de la cohabitation pacifique et de la démocratie mais en anticipant les événements et non en y réagissant, pour prévenir avant d’essayer de guérir. Ces dernières années, nous avons connu plusieurs expériences positives d’application de notre Charte démocratique lorsqu’il a fallu prévenir une crise institutionnelle et des exemples d’inefficacité à deux occasions où des mesures ont été entreprises au lendemain d’une crise (le Venezuela en 2002 et le Honduras en 2009). Cela nous prouve que, plus qu’une modification de la Charte, ce qui est à mon avis dangereux et peu pratique, nous devons nous concentrer sur l’adoption de mesures visant à améliorer et élargir son application. Récemment, j’ai proposé certaines options au Conseil permanent pour qu’elles motivent un débat sur cette question importante.

4. Haïti

Toutefois, il est probable que le début de l’année 2010 ne sera pas tant notoire pour les faits économiques et politiques que je viens d’évoquer, mais pour les catastrophes naturelles qui se sont produits à une fréquence alarmante et ont causé une grande destruction dans de nombreux pays du Continent. Le tremblement de terre survenu en Haïti le 12 janvier, celui du Chili le 27 février, les inondations au Brésil et en Bolivie au mois de mars, les récents dégâts de la tempête tropicale Agatha au Guatemala, à El Salvador et au Honduras laissent en leur sillage un spectacle de désolation auquel s’ajoute l’annonce d’une saison d’ouragans qui pourrait être dévastatrice. La catastrophe écologique provoquée par la fuite de pétrole dans le golfe du Mexique prend elle aussi des proportions formidables, n’ayant pas encore été contenue et ce, malgré les efforts considérables déployés par le Gouvernement des États-Unis et par son Président pour faire face à cette urgence.

Tout en reconnaissant le caractère imprévisible de nombreux de ces drames, il est indiscutable que nos préparatifs pour répondre à ces situations, réduire leur impact et atténuer leurs effets demeurent insuffisants. En particulier, demeure peu efficace la réponse internationale qui, caractérisée par une solidarité énorme et croissante, accuse d’importantes lacunes en matière de coordination.

Le tremblement de terre d’Haïti du 12 janvier est la plus grande tragédie humaine qu’ait connue notre continent en plus d’un siècle. Quelques jours après la catastrophe, le Conseil permanent de cette organisation a adopté une nouvelle déclaration, «Appui au peuple et au Gouvernement d’Haïti au lendemain du foudroyant tremblement de terre du 12 janvier», par laquelle cet organe a réaffirmé son engagement à «épauler les efforts que déploient les autorités haïtiennes pour maintenir la stabilité politique, la démocratie, la bonne gouvernance et l’état de droit, renforcer les institutions et promouvoir le développement socioéconomique».

Dans ce contexte, nous avons participé activement, de manière directe et au moyen de la Fondation panaméricaine pour le développement, à la grande opération d’urgence en Haïti et aussi aux préparatifs du lancement d’un Plan de reconstruction qui puisse répondre de manière adéquate à la situation créée par les nouveaux défis que doivent relever le peuple et le Gouvernement d’Haïti après ce tremblement de terre dévastateur.

Je viens de participer au Sommet convoqué par la République dominicaine, un pays qui a déployé durant toute cette période un effort inoubliable de solidarité avec son pays voisin. Je suis en mesure de vous annoncer avec satisfaction que la Commission internationale pour la reconstruction d’Haïti, présidée conjointement par le Premier ministre d’Haïti Monsieur Jean Max Bellerive et l’ancien président des États-Unis Monsieur Bill Clinton, a commencé à fonctionner et que le Fonds qui l’accompagne a déjà été constitué à la Banque mondiale, le Brésil étant le premier grand donateur. Considérant les secteurs prioritaires établis par les autorités haïtiennes dans leur Plan de reconstruction et les offres d’appui spécifiques réalisées par une large gamme d’acteurs, cette commission coordonnera tous les efforts de reconstruction pour garantir que ces derniers soient exécutés de manière transparente et en évitant le gaspillage de ressources et le double emploi. /

Grâce à son expérience reconnue et à ses connaissances, l’OEA exercera sa capacité de leadership dans les secteurs programmatiques où elle détient un avantage comparatif. Notre stratégie institutionnelle reconnaît qu’il sera indispensable de maintenir la stabilité politique du pays car le peuple et le Gouvernement d’Haïti doivent s’attaquer au relèvement et à la reconstruction, tâches éprouvantes qui nécessitent en même temps une gestion transparente et efficace et de solides institutions nationales. Forte des consultations menées auprès des autorités haïtiennes, l'OEA s’est efforcée d’appuyer sa stratégie institutionnelle sur le renforcement des institutions, le développement des capacités et la bonne gouvernance, essentiellement dans trois secteurs de spécialité précis, liés entre eux de manière fonctionnelle:

i. Renforcement du processus électoral. /

ii. Modernisation et intégration continues du registre d’état civil. /

iii. Modernisation du cadastre et de l’infrastructure de la propriété foncière. /

5. Migration

Nous sommes considérablement préoccupés par les événements survenus récemment dans certains pays d’Europe et d’Amérique contre les migrants. La migration est un phénomène américain par excellence. Nos nations sont le produit de la fusion de leurs populations originaires avec des vagues successives de migrants qui sont arrivés volontairement ou non sur leurs côtes au fil des siècles. Aujourd'hui, où la population de l’Amérique latine et de la Caraïbe avoisine les 8% de la population mondiale, ses migrants constituent 16% des migrants à travers le monde. La migration est une question clairement de portée continentale, parce que les Etats-Unis sont le premier point d’accueil des immigrants; mais il existe aussi une immigration interne importante, spécialement en Amérique du sud. Un examen séparé de ces questions ne rend pas compte du problème réel.

A posé des préoccupations spéciales pour nos pays membres l’adoption de mesures telles que la Directive de retour prise par l’Union européenne et plus récemment la loi SB 1070 de l’État d’Arizona, qui tendent à réprimer artificiellement des processus qui sont naturels et qui font état de possibilités d’emplois dans les divers pays et régions du monde. La Loi SB 1070 contient en outre un fond indéniable de discrimination contre des populations latines, migrantes et non migrantes de cette région.

La mission que je me suis proposé de remplir durant mon nouveau mandat est de rechercher un dialogue constructif entre les pays de la région qui permette de progresser vers la création d’ententes essentielles, de directives et de principes directeurs pour des activités futures de coopération régionale qui favorisent une migration contrôlée, ordonnée et sûre et qui favorisent les capacités des migrants en tant qu’acteurs politiques, économiques, culturels et scientifiques, qui sont essentiels pour impulser des processus de développement humain et économique dans les sociétés d’origine et d’accueil.

6. La paix, la sécurité et la coopération dans les Amériques

Monsieur le Président,

Vous nous avez convoqués à cette réunion pour discuter principalement du thème “La paix, la sécurité et la coopération dans les Amériques”. Ce thème revendique l’un des principes fondamentaux de notre Organisation. Le respect des normes et des institutions développées par le système interaméricain au cours de son histoire maintenant centenaire explique la raison pour laquelle le XXe siècle, l’un des plus sanglants de l’histoire de l’humanité avec deux guerres considérées comme mondiales, a également été le siècle le plus pacifique de l’histoire des Amériques. Cela explique aussi pourquoi ces normes et ces institutions engendrées par notre système ont servi de modèle à des institutions développées tout au long du siècle dans d’autres régions du monde qui cherchent également à régler les problèmes qui surgissent entre pays de façon pacifique.

C’est cette tradition que vous nous appelez à poursuivre et c’est pour cela que les gouvernements de la région ont unanimement salué votre proposition de rechercher, durant cette Assemblée générale, des façons qui permettraient une application plus efficace de ces normes et procédures qui ont jusqu’à présent régi notre coexistence pacifique.

Durant cette Assemblée, les ministres des affaires étrangères des Amériques pourront examiner et renouveler leur engagement envers la paix, la sécurité et la coopération pour faire face aux menaces traditionnelles et aux nouvelles menaces qui touchent la région.

Ils pourront également réaffirmer l’importance de promouvoir un environnement propice au contrôle des armements, à la limitation des armes classiques et à la non-prolifération des armes de destruction massive et pourront déclarer leur engagement à promouvoir la transparence en matière d’acquisition d’armes tout en respectant les résolutions pertinentes de l’ONU ainsi que nos propres résolutions sur la question. Ils pourront souligner, en outre, l’importance de poursuivre les efforts bilatéraux, sous-régionaux et régionaux visant à atteindre une plus grande coopération en matière de sécurité et de mise en œuvre des conventions, des déclarations et des ententes adoptées sur les sujets touchant la paix, la stabilité, la confiance et la sécurité.

Je suis convaincu que nous avons besoin, pour agir conjointement sur ces questions, de mécanismes stables et communs pour faire le suivi des actions de chacun des pays en matière de contrôle et de transparence de ses dépenses et de ses politiques militaires. À ce sujet, il est important de rappeler que la transparence des dépenses militaires comme mesure d’encouragement de la confiance constitue un élément important de l’agenda de l’OEA en matière de désarmement et qu’il dispose maintenant de trois mécanismes principaux, à savoir: la première est la Convention interaméricaine sur la transparence de l’acquisition des armes classiques / qui a été souscrite par 20 États et ratifiée par 13 d’entre eux. La deuxième consiste en l’adoption de mesures d’encouragement de la confiance et de la sécurité approuvées par la Déclaration de Santiago, la Déclaration de San Salvador et le Consensus de Miami. / En troisième lieu, figurent les Livres blancs et de défense nationale. /

En somme, nous aimerions qu’à l’occasion de cette Assemblée, les États assument deux engagements principaux: premièrement, que ceux qui n’ont pas signé ou ratifié les accords le fassent dès que possible. Deuxièmement, que tous remettent suffisamment à l’avance leur rapport annuel sur les acquisitions au Secrétariat général de l’Organisation des Nations Unies et leur rapport sur le respect des mesures d’encouragement de la confiance et de la sécurité, conformément à la liste consolidée de 2009, au Secrétariat général de l’OEA. Enfin, troisièmement, que les pays qui ne l’ont pas encore fait formulent explicitement leurs objectifs et leurs politiques en matière de défense, par le truchement du système de Livres blancs, en informant le Secrétariat général.

Avec ces trois instruments, soit le registre complet des acquisitions d’armements, l’information relative aux mesures d’encouragement de la confiance et les livres blancs énonçant la stratégie en matière de défense, il sera plus facile de procéder au suivi que nous devons effectuer et de rendre plus transparentes les dépenses militaires, phénomène qui n’a pu jusqu’à maintenant être suivi que de façon incomplète.

Je crois que le climat actuel, auquel contribuent certains développements concrets qui se sont produits au cours des dernières années et qui, en eux-mêmes, signifient autant ou plus que les mesures officielles auxquelles nous faisons allusion, est propice à progresser dans ce domaine. Ces développements sont les suivants:

a. Les forces armées de 11 pays membres, huit pays d’Amérique du Sud et un d’Amérique centrale travaillent de concert avec la mission des Nations Unies en Haïti (MINUSTAH), et avec la collaboration du Canada et, plus récemment, des États-Unis.

b. Le rôle de militaires de la région dans le programme de l’OEA, qui a déjà permis de proclamer, il y a quelques jours, l’Amérique centrale libre de mines antipersonnel, est un autre exemple de coopération et de travail conjoint qui permet le rapprochement dans le travail technique de nos militaires.

c. La formation du Conseil de défense d’Amérique du sud et sa déclaration de l’Amérique du Sud.

7. Le Traité de Tlatelolco pour l’interdiction des armes nucléaires

Aucun traitement de nos politiques de désarmement ne serait complet sans une référence à un instrument vedette, qui est jusqu’à maintenant offert comme exemple et alternative à d’autres régions du monde: le Traité de Tlatelolco, visant l’interdiction des armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes. Dans ce document, les pays d’Amérique latine et des Caraïbes s’engagent à utiliser exclusivement à des fins pacifiques le matériel et les installations nucléaires soumis à leur juridiction, et à interdire et empêcher sur leurs territoires respectifs l’essai, l’utilisation, la fabrication, la production ou l’acquisition d’armes nucléaires; de même que la réception, le stockage, l’installation, le placement ou la possession de quelque façon que ce soit de toute arme nucléaire, directement ou indirectement, pour eux-mêmes, pour le compte de tiers ou de toute autre façon; ou la fabrication ou l’aide relative à n’importe laquelle de ces activités par d’autres.

Le degré d’interdiction contenu dans le Traité et la signature de ses protocoles additionnels par les puissances nucléaires a permis à l’Amérique latine et aux Caraïbes de devenir, en fait, la seule zone dénucléarisée. Il n’est jamais de trop de s’en souvenir, quand on parle pour la première fois de discuter d’autres zones dénucléarisées dans des régions du monde beaucoup plus conflictuelles. L’exemple de Tlatelolco nous montre que ces accords radicaux de désarmement sont possibles, en particulier en ce qui concerne les armes stratégiques, quand existe la volonté politique de les assumer.

Les thèmes du désarmement et de la coopération en faveur de la paix ne constituent toutefois pas la principale préoccupation actuelle des habitants de la majorité des pays de la région en matière de sécurité. Si nous regardons les sondages récents, l’insécurité publique est vue aujourd’hui comme l’une des principales menaces à la stabilité de nos États, au renforcement de notre démocratie et au développement de nos économies. Elle se situe entre les facettes prioritaires de l’agenda public de tous nos gouvernements et elle est sans aucun doute le principal motif de préoccupation de nos citoyens.

8. Sécurité publique

Suivant la vision établie par la Conférence spéciale sur la sécurité de 2003, en 2005 nous avons créé le Sous-secrétariat à la sécurité multidimensionnelle et en 2006 nous avons modifié le Statut de l’Organisation interaméricaine de défense pour en faire une entité de l’OEA. Aujourd’hui notre Organisation est le Secrétariat technique de la “Convention interaméricaine contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de munitions, d’explosifs et d’autres matériels connexes”, de la “Convention interaméricaine sur la transparence de l’acquisition des armes classiques”, du “Plan d’action continental contre la criminalité transnationale organisée”, de la “Commission interaméricaine de lutte contre l’abus des drogues” et son instrument, le “Mécanisme d’évaluation multilatérale”, du “Comité interaméricain contre le terrorisme”, et administre le “Programme d’assistance intégrée contre les mines antipersonnel”. Pour intensifier et renforcer la coopération en matière de sécurité publique, nous avons encouragé la tenue, en 2008, de la première réunion au Mexique des ministres de la sécurité publique des Amériques, dont la deuxième version a eu lieu en 2009 en République dominicaine.

Au cours des derniers mois, l’action des groupes criminels organisés et ses principaux aspects, à savoir le trafic de drogues, de personnes et d’armes ont suscité une inquiétude croissante dans l’opinion publique. Pour combattre avec succès ces trois trafics, nous devons porter un intérêt nettement plus grand à la consommation. Tant que les marchés de la drogue seront ouverts dans les pays consommateurs, nous ne gagnerons rien en renforçant seulement l’interdiction. La drogue entrera de la même façon et à un prix plus élevé. De même, il faut attaquer de front le trafic dans le sens opposé: les armes et l’argent de la drogue continuent de passer du nord au sud et d’armer de véritables armées de criminels auxquels doivent faire face nos policiers et soldats.

La présente Assemblée générale examinera l’adoption de la nouvelle Stratégie continentale anti-drogues, qui a été approuvée au début du mois de mai par la Commission interaméricaine de lutte contre l’abus des drogues (CICAD). Il y a un an, j’avais demandé à la CICAD de réexaminer l’ancienne stratégie et pour cette raison je suis très satisfait de ce résultat.

Le processus ardu d’élaboration de la nouvelle stratégie, habilement mené par le Brésil, a fait appel à la participation de l’ensemble des États membres. Parmi toutes les nouvelles idées que contient cette Stratégie, j’aimerais en souligner trois:

Premièrement, le respect des droits de la personne dans la mise en oeuvre des politiques relatives aux drogues. Le problème mondial des drogues a considérablement évolué et la CICAD a jugé qu’il était indispensable d’inscrire la nouvelle Stratégie dans le cadre de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qu’il s’agisse d’actions coercitives ou de procédure régulière, soit de la santé et du traitement. Le rapport précieux de notre Commission interaméricaine des droits de l’homme sur la sécurité publique et les droits de la personne est lui aussi une contribution importante à ce plan.

Deuxièmement, la preuve scientifique doit être le fondement de l’élaboration des politiques anti-drogues. Dans le passé la prise de nombreuses décisions relatives aux politiques des pouvoirs publics en matière de drogues était davantage fondée sur un volontarisme bien intentionné que sur la preuve scientifique. Maintenant nos États membres sont pleinement conscients de la nécessité de disposer d’une base scientifique pour élaborer des politiques et des actions efficaces en ce qui concerne les drogues. Ils sont aussi conscients qu’à cet effet, il est nécessaire de créer des organismes qui soient en mesure de générer une information objective, exacte, fiable et comparable.

Troisièmement, la toxicomanie est une maladie chronique et récurrente qui doit être traitée en tant que question de santé publique. Cette affirmation aura un impact sur les politiques et actions de nos États membres en matière de santé publique, et sur la façon de traiter les contrevenants qui sont toxicomanes. Conformément à la nouvelle Stratégie, la toxicomanie doit être considérée par les services de santé publique selon des dispositions de nature à rendre adéquats le traitement, la réhabilitation et l’insertion sociale.

Il est nécessaire que nos pays appliquent des contrôles stricts pour prévenir le trafic illicite de drogues et mènent des activités visant à contenir les graves menaces contre la sécurité que la criminalité organisée, comme nous l’avons vu récemment, impose à l’État lui-même. Mais nos États doivent aussi s’efforcer, en premier lieu, de prévenir l’abus des substances de la part de leurs citoyens; et prendre des mesures pour aider ceux qui en abusent à retrouver une vie saine et productive, en les guérissant de leur toxicomanie. Ce que l’OEA essaie de faire est de mettre l’accent sur la nécessité de traiter la demande de drogues et la réhabilitation de pair avec l’interdiction.

Monsieur le Président, c’est en faisant appel à la coopération et en ayant la conviction d’avoir un avenir commun et solidaire à partager que nous progresserons sur ces sujets. C’est pourquoi, il appartient à l’Organisation des États Américains de contribuer sans relâche à l’élimination des situations de tension et au règlement des crises et d’appuyer les efforts, les accords et les mécanismes bilatéraux, sous-régionaux, régionaux et internationaux pour prévenir les conflits et résoudre les différends de façon pacifique.

Je n’ai aucun doute, Monsieur le Président, que ces objectifs seront atteints et constitueront une nouvelle affirmation digne de foi et incontestable de la vocation de paix et de l’aspiration à la sécurité de nos peuples et de nos dirigeants.

Monsieur le Président, Messieurs et Mesdames les Ministres et Chefs de délégation.

Notre oeuvre collective de coopération, de solidarité et de paix est immense et grandit d’année en année. Les décisions que vous voudrez prendre en matière de réduction, de contrôle et de transparence; et les décisions auxquelles vous parviendrez pour intensifier votre coopération dans tous les aspects de la sécurité multidimensionnelle, peuvent et doivent être appliquées par cette Organisation. Celle-ci est le siège de l’ordre juridique continental et le lieu dans lequel naissent et demeurent valides les principes qui engagent tous les États de notre région, des plus riches et plus puissants aux plus vulnérables et plus faibles. Elle est le berceau de la Charte démocratique interaméricaine, de la Convention relative aux droits de l’homme, de la Convention contre la corruption, du traitement commun en matière de drogues et de nombreux autres Accords, Traités et Conventions, qui forment la base des institutions de notre continent. Les décisions qu’adoptera cette Assemblée feront partie de cet héritage centenaire, qui est la raison d’être de notre Organisation.

Je vous remercie.