Communiqué de presse

La CIDH envoie une affaire sur Haïti à la Cour interaméricaine

27 mai, 2020

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Washington, D.C. - Le 19 mai 2020, la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) a présenté le cas de Baptiste Willer et des membres de sa famille à la Cour interaméricaine des droits de l'homme, concernant Haïti.

L'affaire concerne la responsabilité internationale de l'État pour le manque de protection des droits de M. Baptiste Willer et de sa famille face aux multiples menaces et tentatives de meurtre dont ils ont fait l'objet entre 2007 et 2009, le manque de diligence dans l'enquête et l'impunité entourant la mort de son frère Frédo Guirant (ou Guirand), âgé de 16 ans, ainsi que les menaces et agressions susmentionnées.

Les événements se sont produits dans le contexte de menaces et de harcèlement continus de Baptiste Willer et de sa famille par des membres de gangs agissant en toute impunité. Le 4 février 2007, Frédo Guirant (ou Guirand) a été assassiné par les mêmes individus qui avaient tenté de tuer son frère Baptiste Willer quelques heures auparavant. M. Willer a alerté les autorités que sa vie et celle de sa famille étaient en danger et a demandé une assistance judiciaire par le biais d'une lettre adressée à différentes autorités, fournissant des informations sur l'identité des suspects et le type de menaces et de harcèlement dont il a fait l'objet. Il les a également informés que, craignant pour sa sécurité et celle de sa famille, il avait été contraint de quitter sa résidence habituelle. Après avoir informé les autorités de ce qui s'était passé, et sans recevoir aucune protection, assistance ou réponse de l'État, Baptiste Willer, sa femme et ses enfants mineurs ont continué à être déplacés, éprouvant un sentiment permanent d'insécurité et étant victimes de menaces continues par téléphone et en personne, ainsi que d'attaques.

Dans son rapport sur le fond, la Commission a conclu que l'État a manqué à son devoir de protéger les droits à la vie et à l'intégrité personnelle de Baptiste Willer et de sa famille, étant donné que l'État n'a pas adopté de mesures pour protéger les droits des victimes, alors qu'il était conscient de la situation de risque et que les faits étaient particulièrement graves. La Commission a également établi qu'étant donné que les trois enfants de M. Willer étaient mineurs au moment des faits, l'État avait le devoir particulier de sauvegarder leurs droits. En outre, compte tenu du fait que l'absence de mesures de protection de la part de l'État a entraîné le déplacement forcé des victimes, la Commission a également conclu que l'État avait violé le droit à leur libre circulation et à leur résidence. Enfin, la Commission a estimé que l'État a manqué à son devoir d'enquêter avec diligence et dans un délai raisonnable sur le meurtre de Frédo Guirant (ou Guirand), sur l'agression de Baptiste Willer, ainsi que sur les menaces et le harcèlement dont Baptiste Willer et sa famille ont fait l'objet. À la lumière de ce qui précède, la Commission a conclu que l'État d'Haïti a violé les droits consacrés par les articles 4(1), 5(1), 8(1), 19, 22(1) et 25(1) de la Convention américaine relative aux droits de l'homme, en liaison avec l'article 1(1) de celle-ci.

Dans son rapport sur le fond, la Commission a recommandé que l'État: (i) accorde des réparations intégrales pour les violations des droits humains déclarées dans le rapport sur le fond, tant matérielles que non matérielles, y compris des mesures de compensation économique et de satisfaction ; (ii) prévoie les soins de santé physique et mentale nécessaires à la réadaptation des victimes; (iii) prévoie les mesures nécessaires pour établir un diagnostic efficace de la situation de risque de Baptiste Willer et de sa famille immédiate et, si nécessaire, adopter les mesures de protection pertinentes en accord avec eux; (iv) assure les conditions de sécurité nécessaires pour faciliter, s'ils le souhaitent, le retour volontaire, dans la dignité et en toute sécurité, de Baptiste Willer et de sa famille vers leur lieu de résidence habituelle ou leur réinstallation volontaire dans une autre partie du pays ; (v) entreprenne une enquête pénale approfondie, de manière diligente, efficace et dans un délai raisonnable, afin d'éclaircir complètement les faits, d'identifier toutes les responsabilités possibles et d'imposer les sanctions appropriées; (iv) prévoie les mesures nécessaires pour prévenir la répétition des violations des droits humains mentionnées dans le rapport, en particulier adopter un programme de protection des personnes menacées par la criminalité organisée.

A CIDH est un organe principal et autonome de l'Organisation des États américains (OEA), dont le mandat découle de la Charte de l'OEA et de la Convention américaine relative aux droits de l'homme. La Commission interaméricaine a pour mandat de promouvoir le respect et la protection des droits de l'homme dans la région et agit comme organe consultatif auprès de l'OEA en la matière. La Commission est composée de sept membres indépendants élus par l'Assemblée générale de l'OEA à titre personnel et qui ne représentent ni leur pays d'origine, ni leur pays de résidence.

No. 121/20