Centre de médias

Discours

HERVÉ DENIS, MINISTER OF DEFENSE OF HAITI
MINISTER OF DEFENSE OF HAITI PRESENTS THE “WHITE BOOK ON NATIONAL DEFENSE AND SECURITY FOR SUSTAINABLE ECONOMIC AND SOCIAL DEVELOPMENT IN HAITI.”

24 janvier 2018 - Washington, DC


Monsieur le Secrétaire Général Adjoint
Monsieur le Secrétaire Général adjoint
Excellence, Monsieur le Président du Conseil Permanent
Excellences Mesdames, Messieurs les Représentants Permanents des Etats-membres
Excellences, Mesdames, Messieurs les Représentants des Pays Observateurs
Mesdames, Messieurs les Représentants suppléants,
Mesdames, Messieurs

Permettez-moi, d’entrée de jeu, au nom du Président de la République d’Haïti, Son Excellence Monsieur Jovenel Moise, au nom du Gouvernement dont j’ai l’honneur de faire partie et en mon nom personnel, de vous adresser un remerciement spécial pour avoir accepté de convoquer cette séance spéciale du Conseil Permanent, en vue de recevoir ma visite, en qualité de Ministre de la Défense de la République d’Haïti.

Permettez-moi aussi de remercier chaleureusement cette auguste Assemblée de l’OEA, réunie ce matin en Conseil Permanent en vue de m’écouter. Qu’il me soit permis également de présenter mes plus vifs remerciements à tous les Etats membres ici présents indistinctement, à nos principaux partenaires et amis en particulier, qui n’ont jamais cessé de nous soutenir dans nos efforts pour la reconstruction et le développement d’Haïti.

Je voudrais, dans ce contexte, souligner le rôle capital joué par la Junte Interaméricaine de Défense dans l’appui au Gouvernement haïtien pour la conception d’une stratégie de sécurité et de défense. Je veux parler du dévouement du Président du Conseil des Délégués de la JID d’alors, le Général de brigade Victor Araya Menguini du Chili, ainsi que du Secrétariat Général sous le leadership de l’Amiral brésilien Bento Lima Costa de Albuquerque Junior sans oublier les Professeurs, Guillermo Holzmann du Chili, Guillermo Pacheco du Perry Center, et Gisela Armerding de l’Argentine qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour finaliser le travail combien important qu’est l’élaboration d’un Livre blanc pour l’avenir de mon Pays.

Monsieur le Président, sans vouloir m’attarder sur les faits qui ont marqué dans un sens ou l’autre la vie de ce coin de terre appelé Haïti qui nous est très cher, permettez-moi de prendre quelques minutes pour faire un rappel sur les causes historiques de la situation actuelle d’Haïti et de cette grande richesse de notre culture, fruit d’un long processus d’interaction entre les diverses ethnies aux origines multi-continentales qui composent sa population «créole».

Haïti a l’une des histoires les plus riches de la région, voire même du monde. Mon pays est le seul au monde à avoir conquis son indépendance d’une révolution faite par des esclaves et à avoir créé le premier Etat souverain composé de noirs. Haïti, c’est aussi le symbole de la liberté et de la quête de l’égalité étendue à tous, sans distinction de race, de classe et de nationalité. Haïti est un pays né d’un extraordinaire combat qui a fait vaciller tout le système colonial et esclavagiste.
Alors qu’Haïti a montré la voie de l’émancipation aux peuples opprimés à travers l’histoire, elle a aussi connu de regrettables tumultes historiques. Cependant, Haïti reste un peuple debout, fier, résilient et doué d’une capacité de création artistique et culturelle faite pour constamment étonner. Autant dire que la force d’Haïti dans la région des Amériques, réside dans son histoire et dans l’originalité de sa culture.

Monsieur le Président,

J’ai sollicité votre indulgence en vue de m’adresser à votre assemblée dans le cadre de la toute première session du Conseil Permanent de l’OEA pour l’année 2018, non pas dans l’optique de vous parler des problèmes de mon pays, mais surtout pour vous entretenir des efforts de solution entrepris par la République d’Haïti, avec l’appui indéfectible de nos partenaires et amis de la région des Amériques. Ainsi, suis-je venu vous parler de solution, avec l’intime conviction que celles-ci seront d’autant plus efficaces, si nous continuons à les mettre en œuvre ensemble, avec le ferme appui de tous.

Dans cette perspective, je voudrais vous exprimer toute ma reconnaissance, pour l’une des plus belles réalisations faites dans le cadre du partenariat entre la République d’Haïti et cette prestigieuse organisation hémisphérique, à savoir l’élaboration du « Livre Blanc sur la Sécurité et la Défense Nationale pour le Développement économique et social durable d’Haïti ».

Monsieur le Président,

Comme vous devez le savoir, il y a quelques années de cela, le 7 Février 2014, le 55e Président de la République d’Haïti, Monsieur Michel Joseph Martelly, avait présenté une requête formelle à la JID en vue de mettre son expertise en matière de sécurité et de défense pour de l’élaboration du Livre Blanc de sécurité et de défense de la République d’Haïti.

Après seize (16) mois de travail assidu, le document final a été remis au Président la République d’Haïti, lors d’une cérémonie officielle le 25 Juin 2015, en présence des secteurs vitaux de la nation et de nos partenaires de la Junte Interaméricaine de Défense.

Ce document à la fois stratégique et pédagogique est en effet :
 Le Premier livre blanc sur la sécurité et la défense en Haïti
 Le Premier Livre blanc à avoir fait de la sécurité et de la défense des compléments indispensables au développement durable.
 Le Deuxième livre Blanc sur la Sécurité et la défense dans la Caraïbe, et 19e dans l’Hémisphère.
 La 5ème génération de Livre Blanc, qui associe l’armée au développement durable.

L’élaboration de ce livre blanc a été une réussite à bien des égards. Il a été l’un des facteurs d’unité nationale dans le pays. La formation d’une Commission présidentielle, qui était composée de beaucoup de secteurs de la société civile et de la classe politique haïtienne, a été une belle démonstration que le Livre Blanc fut une occasion pour les Haïtiens, toutes tendances confondues, de s’asseoir et de réfléchir ensemble sur des thématiques ô combien importantes pour Haïti. Aussi, les travaux en atelier réalisés à la fois à Port-au-Prince et à Washington DC, ont-ils montré le vif intérêt des Haïtiens pour tout ce qui concerne la sécurité et la défense de leur pays. Leur enthousiasme demeure la preuve que la soif de changement est grande.

Monsieur le Président,

Je voudrais prendre le temps de présenter au Conseil Permanent de l’OEA les principaux aspects importants du livre blanc et surtout vous faire part des grandes initiatives entreprises par le Président de la République d’Haïti Son Excellence Jovenel Moise, en vue de rendre opératoires les recommandations de cet important document.

En effet, par ses observations, analyses et recommandations, le Livre blanc pose la première pierre et jette les fondations pratiques d’un édifice à la fois solide et nécessaire en vue de répondre aux grandes préoccupations du peuple haïtien en matière de sécurité et de défense, tout en répondant aux prescrits de la Constitution de la République d’Haïti qui, dans ses articles 263 à 267.3, définit la Force publique haïtienne comme comprenant deux (2) corps distincts: Les Forces Armées d’Haïti et la Police Nationale d’Haïti, tout en précisant les attributions des forces armées d’Haïti en matière de sécurité et de défense.

Il est, de ce fait, opportun de noter que le Livre Blanc se révèle être un instrument constituant le socle pour la réalisation de notre nouvelle vision stratégique. Il s’agit d’une vision qui tient compte des défis de sécurité d'Haïti au XXIe siècle et de l’obligation de renforcer les conditions de sécurité multidimensionnelle pour que tous les acteurs sociaux, politiques et économiques puissent orienter leurs actions futures pour le développement durable d’Haïti.

C’est dans cette perspective, que vous me permettez de relater les grands axes de cette nouvelle vision stratégique guidant les travaux ayant conduit à l’élaboration du Livre blanc :

Premièrement, concevoir une Force publique pour une Haïti qui se veut « un Etat démocratique ou l’être humain, sa dignité, sa liberté, sa prospérité, et sa sécurité constituent des axes sans exclusion d’aucune sorte, conformément aux vœux des pères fondateurs de la patrie »

Deuxièmement, poser les conditions d’une Haïti conçue comme « un Etat de droit qui promeut la paix à travers la démocratie et qui respecte ses engagements régionaux et internationaux »

Troisièmement, articuler la conception d’une force publique haïtienne autour de la vision d’un « Etat économiquement équitable et socialement moderne, qui consolide ses institutions et qui accorde une importance prioritaire à l’environnement. »

En résumé, il s’agissait de concevoir la force publique pour une «Haïti souveraine, pacifique et orientée vers le développement économique et social durable, et mue par la volonté de protéger ses citoyens contre tout risque et contre toute menace ».

C’est dans le cadre de ces lignes stratégiques que le Livre blanc sur la sécurité et la défense nationale pour le développement social et durable d’Haïti a été élaboré.

Monsieur le Président,

Après avoir finalisé le livre blanc, le temps est maintenant venu de nous donner les moyens de son implémentation. C’est en effet à cette tâche difficile que le Président de la République, Son Excellence Monsieur Jovenel Moise, et le Gouvernement haïtien tout entier, s’attèlent sans relâche.

Nous sommes néanmoins pleinement conscients que pour parvenir aux résultats escomptés, la symbiose des efforts de l’État avec les aspirations du peuple haïtien et l’appui de nos partenaires internationaux sont autant de conditions sine qua non à l’atteinte de tels objectifs.
Voilà pourquoi nous sommes déterminés à faire converger toutes les énergies de nos partenaires en vue de nous permettre de répondre aux défis majeurs de défense et de sécurité.

Ces défis ne sont un secret pour personne. Haïti, comme tous les autres pays de la région, doit faire face aux défis du changement climatique et de désastres naturels. Cependant, en raison de la faiblesse de nos institutions, le pays est particulièrement vulnérable à ces catastrophes. J’en veux pour preuve le passage du cyclone Matthew qui a fait environ un millier de morts en Haïti en 2016, alors que dans les autres pays de la région, les pertes en vies humaines étaient nettement moins élevées.

J’aurais pu multiplier les exemples, mais comme je vous ai dit dans l’introduction, je suis venu à l’OEA pour vous parler de solutions ; des solutions que nous devons implémenter ensemble. Dans ce sens, l’initiative du Président de la République d’Haïti de rétablir l’armée d’Haïti avec une nouvelle orientation, est un impératif en vue de répondre aux besoins de protection de la population face aux désastres naturels.

Ainsi, en termes de renforcement institutionnel, il est indispensable de créer une unité spécialisée de la force publique, dont le but principal est de rétablir les communications et de procurer une assistance rapide aux populations touchées. Pour ce faire, les capacités d’intervention de cette unité devront s’orienter vers le prompt rétablissement des infrastructures essentielles de l'État, à partir desquelles peuvent être coordonnés les ressources et les outils de l'ensemble de la structure gouvernementale pour surmonter l'état d'urgence en vigueur.

En effet, l'assistance et la coopération d’autres États, organismes et institutions nécessiteront une coordination adéquate en termes de besoins, de logistique et de mécanismes de distribution. Dans ce contexte, la création d'un système de défense civile est plus que nécessaire. Et cela est d’autant plus fondamental que la Constitution haïtienne dans son article 266 fait obligation à la Force publique de défense d’« aider la nation en cas de désastre naturel; et d’être affectée à des tâches de développement. »

Je voudrais ici mentionner que le Président de la République Jovenel Moise a déjà exprimé son intention de mettre l’emphase sur le renforcement des capacités de réponse des Pays de la région des Caraïbes face aux catastrophes naturelles et sur la mise en place d’un plan d’assurance post-désastres au cours des six mois de sa Présidence tournante de la CARICOM.

Monsieur le Président,

Outre les points que je viens d’évoquer, notre stratégie nationale de sécurité et de défense poursuit, entre autres objectifs, le renforcement des relations de coopération avec les pays frères de la Caraïbe, ceux de l’Amérique latine et de l’Amérique du Nord. Ainsi, avons-nous accordé une importance spéciale, dans le cadre du Livre blanc, au renforcement de la promotion des Amériques comme zone de paix et de sécurité au profit des peuples du continent. Cette coopération entre les États pour faire face aux menaces, défis et autres préoccupations communs à nos sociétés est une urgence de l’heure. A travers ces efforts, nous posons la défense de notre nation en des termes essentiellement dissuasifs et défensifs, tournés autour de la protection contre les menaces à son existence et à sa survie.

Dans le contexte spécifique de notre pays, il est fondamental de reconstruire l’armée, en accord avec les prescrits constitutionnels et en mettant l'accent sur ses missions de protection des frontières, d’intervention rapide en cas de catastrophes naturelles et d'actions de surveillance permanente des infrastructures critiques et stratégiques du pays, ainsi que des moyens de communications nationaux.

En termes de renforcement des infrastructures de communication du pays, et de développement économique et social durable, la création d'un corps de génie militaire s’avère indispensable. Ce corps contribuera ainsi, à travers les infrastructures qu’il aidera à étendre dans le pays avec la coordination du Ministère des Travaux Publics, à assurer la présence de l’Etat dans les endroits les plus reculés de son territoire national.

Il est nécessaire aussi, conformément à la Constitution, d’avoir une police professionnelle, ayant la capacité préventive associée à la neutralisation de la délinquance générale, et pouvant assurer les conditions de sécurité urbaine, pour une atmosphère de tranquillité et de paix sociale durable en harmonie avec les objectifs nationaux. De même, il faut aborder les problématiques issues du crime organisé transnational et son impact en Haïti, ce qui exige un corps professionnel hautement qualifié.

Nous devons aussi garder à l’esprit que la présence de l’armée sur le territoire national, à côté de la police, ne peut que contribuer à renforcer les recettes budgétaires de l’Etat à travers un meilleur contrôle des déficits dans le commerce frontalier, déficits liés à la contrebande qui est devenue un mal endémique. Ainsi, est-il important d’éviter tout amalgame entre les moyens financiers dont disposeront l’armée pour son fonctionnement et ceux qui sont alloués à la police.

Tout ceci en effet, indique que le renforcement institutionnel est la solution-clé pour améliorer l’environnement sécuritaire en Haïti. Dans la situation actuelle, tout effort de renforcement institutionnel restera insuffisant sans une armée efficace ayant parmi ses missions le contrôle et la surveillance de nos frontières. Nous avons parlé plus haut de renforcement de la promotion de l’Amérique comme zone de paix au profit des peuples de la région. Il y a lieu de souligner que cette exception n’est pas dû au hasard ou à un coup du destin. En effet, grâce aux instruments et mécanismes dont dispose l’organisation hémisphérique, expression juridique des aspirations des peuples de ce continent, la paix y est devenue une réalité et un acquis essentiel qu’il convient de consolider à tout moment. Le XXIème siècle a apporté des guerres asymétriques dont le terrorisme est l’expression privilégiée. Tous les États doivent adapter leurs systèmes de sécurité et de défense en vue de protéger leur territoire et leurs populations. La cybercriminalité, autre pieuvre aussi insaisissable que les catastrophes naturelles, fait partie de ces ennemis de type nouveau. C’est dans cette perspective qu’il convient d’inscrire les exigences de sécurité nationale ainsi que le respect des engagements internationaux en matière de sécurité multidimensionnelle. C’est dans cette perspective qu’il convient d’inscrire les exigences de sécurité nationale ainsi que le respect des engagements internationaux en matière de sécurité multidimensionnelle.

En ce sens des instructions ont été passées à la Mission Permanente d’Haïti auprès de cette prestigieuse organisation hémisphérique en vue de suivre la procédure régulière pour que les préoccupations d’Haïti en matière de Sécurité soient incluses dans le projet de résolution qui sera présentée par la Commission de Sécurité hémisphérique lors de l’Assemblée Générale de cette année.


Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs

Je voudrais conclure en précisant que l’avenir de la démocratie haïtienne dépend en grande partie de l’instauration d’un environnement sociopolitique sécuritaire, stable et viable qui passe inéluctablement par l’institutionnalisation d’une armée nationale, hautement professionnelle, isolée de l’arène politique, avec pour mission principale la défense de l’intégrité territoriale, la protection des frontières et la gestion des situations d’urgence post-désastres.
Dans cet ordre d’idées, hier, nous avons rencontré le Conseil des délégués de la JID pour solliciter un appui technique dans l’implémentation des recommandations du Livre blanc. Aujourd’hui, nous sommes venus soumettre nos requêtes à l’appréciation du Conseil Permanent, comme nous l’avons fait auprès des pays de la Caricom.
Nous comptons sur tous nos partenaires et amis pour répondre aux défis de toutes sortes qui nécessitent la constitution d’une force de sécurité et de défense, et nous voulons croire que vous saurez toujours nous accompagner dans l’application des solutions à la dimension des enjeux.

Je vous remercie

Hervé DENIS
Ministre