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Discours

CÉSAR GAVIRIA TRUJILLO, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L'ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS
L’OUVERTURE DE LA XXXIIIE ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’OEA

8 juin 2003 - Santiago, Chili




Monsieur le Président,

Nous sommes venus des confins des Amériques guidés par la grande admiration qu’inspire la solidité des institutions démocratiques de votre pays, ainsi que par la force et le courage avec lesquels votre peuple a lutté contre l’autoritarisme et la violation systématique des droits de la personne et des libertés publiques. On ne parle plus du dilemme entre démocratie et développement. Vous, le peuple chilien, avez dit clairement et de façon catégorique que l’on ne peut pas sacrifier les droits au détriment de la croissance.

Nous remercions le peuple du Chili de son hospitalité toujours généreuse. Nous adressons nos remerciements à la Ministre des affaires étrangères du Chili, Madame Soledad Alvear, pour le dévouement dont elle a fait preuve pour assurer le succès de cette assemblée, pour la politique extérieure chilienne active et rénovée en faveur de l’unité et de l’intégration, ainsi que pour ses conseils toujours précieux et justes. Nous remercions également l’Ambassadeur Estebán Tomic de son efficacité et son professionnalisme.

Nous vous remercions tout particulièrement, Monsieur le Président Lagos. Vous êtes sur le Continent américain un leader sans aucun doute, dont tous reconnaissent l’intégrité, la vision, l’intelligence, la sagesse, la grande connaissance de la chose publique. Vous incarnez les valeurs démocratiques pour lesquelles nous luttons tous.

Monsieur le Président Lagos, votre pays a également réussi à mettre sur pied une économie qui a permis une dynamique de croissance plus grande, diminué la pauvreté, accru le revenu per capita, et favorisé des taux plus élevés d’épargne et d’investissement. Cette économie a aussi fait du Chili une pépinière d’idées nouvelles en matière de politique sociale. Enfin, à partir de la stabilité démocratique, de la paix sociale, et du respect de l’État de droit, vous avez créé un environnement favorable à l’investissement et renforcé la gouvernance démocratique.

Ce n’est pas par coïncidence que la gouvernance démocratique a été aussi le thème de la récente réunion à Cuzco. Le début du nouveau millénaire a été sans doute tumultueux. Lorsque la première version de la Charte démocratique a été soumise à notre Assemblée au Costa Rica, les idées et les mécanismes qui y sont consignés semblaient ne devoir être contredits que de façon sporadique, et la Charte semblait par moments un bon exercice théorique opportun pour mettre à jour la résolution 1080 qui a fait œuvre de pionnier et l’Engagement de Santiago envers la démocratie.

Depuis l’Assemblée de 2002 à la Barbade, nous avons pu apprécier la pertinence de la Charte démocratique. Et depuis la dernière année nous nous sommes accrochés fermement à ses principes étant donné les nombreuses difficultés qu’affrontent nos leaders pour répondre aux demandes des citoyens, satisfaire à leurs revendications, leurs protestations et leur malaise que causent les décisions ou politiques du gouvernement, contre la mondialisation ou contre l’intégration régionale, dont certains sont fondés et d’autres à peine justifiés. La Charte est ainsi devenue peu à peu un document capital, vivant, indispensable, nous pourrions presque dire, impératif. C’est dans la Charte que sont consignées les multiples dimensions de ce qu’est aujourd’hui la démocratie.

Les changements provoqués en Amérique par la mondialisation et qui se multiplient de manière exponentielle les problèmes et les enjeux, sont de grande portée. Nous avons déjà eu l’occasion de parler de la volatilité des capitaux, qui est la caractéristique la moins souhaitée des caractéristiques de la mondialisation et qui représente actuellement l’écueil le plus important auquel se heurte la gouvernance démocratique dans les Amériques.

Quand nous parlons de gouvernance démocratique, il faut aussi mentionner comment la mondialisation a exercé de fortes pressions sur nos systèmes politiques, mettant subitement en exergue toutes les failles, les faiblesses et les vices. La mondialisation met à jour les problèmes présents dans nos sociétés pendant des décennies.

À notre époque tellement peu prodigue en conquêtes matérielles, une conscience planétaire s’est créée en faveur de la justice sociale et des conquêtes démocratiques; des élections libres et justes; de la séparation des pouvoirs; de l’indépendance de la justice et de la lutte contre l’impunité; de la guerre sans merci contre la corruption et en faveur de la transparence; de la reddition de comptes; du verdict très sévère des partis politiques. La défense de la liberté de la presse et de la liberté d’expression a atteint de nouveaux sommets; la présence croissante de la société civile assortie de critiques sévères, les cris et les protestations, ébranlent nos institutions mal gérées. Jamais dans notre histoire, nous n’avions observé des luttes si acharnées contre la discrimination, la défense des droits des plus faibles, des femmes, des autochtones, des enfants.

Dans la fourniture de services publics, plusieurs pays accusent de grandes déficiences, ce qui empêche aux citoyens de mener une vie digne. Ils sont tous offensés du fait que l’Amérique latine soit la région du monde où les inégalités sont les plus importantes. Il importe peu que ce soit une conséquence du modèle économique antérieur ou du modèle actuel. Et tout cela menace la gouvernance démocratique.

Devant l’ampleur de ces défis, nous devons préparer l’OEA et le système interaméricain pour que les gouvernements en difficulté aient la possibilité de bien utiliser leurs institutions, de faire face aux problèmes et comme vous dites, Monsieur le Président Lagos, de gouverner en deçà de la mondialisation.

Tous connaissent le processus inachevé qui a permis au Guatemala et à Belize de commencer à trouver des propositions en vue de régler les importantes divergences concernant leur frontière commune. En recourant au mécanisme de facilitateurs des deux parties et avec le Secrétaire général de l’OEA comme témoin d’honneur, nous avons parcouru un long chemin qui, nous l’espérons, pourra connaître un dénouement heureux dans un avenir rapproché. Merci aux nombreux pays membres et observateurs qui ont coopéré à financer ce processus.

Je désire aussi mentionner le travail efficace de l’Ambassadeur Luigi Enaudi et de son équipe pour assurer le respect des mesures de confiance entre le Nicaragua et le Honduras pendant que la Cour internationale de justice règle le litige de fond. Je désire également mentionner les travaux en cours avec l’appui de l’Institut panaméricain de géographie et d’histoire pour aider le Honduras et El Salvador à respecter le jugement de la Cour de La Haye relativement au tracé de la frontière commune.

L’OEA a également créé une espace mener des enquêtes rapides et efficaces. C’est ce qui a été fait dans le cas du trafic illégal d’armes qui a entraîné des opérations et des transactions dans trois États, soit la Colombie, le Nicaragua et le Panama. L’enquête menée par l’Ambassadeur Morris Busby sera utile aux autorités judiciaires, policières, militaires, ainsi qu’aux gouvernements, dans leur engagement à contrôler le trafic illicite d’armes dans le cadre de la CIFTA.

En ce qui concerne les graves incidents qui se sont produits en Bolivie les 12 et 13 février, nous avons réussi, avec la collaboration d’experts des États-Unis, du Brésil et de la Colombie, à faire une première description des faits, à aider le pouvoir exécutif à établir les responsabilités politiques de ses fonctionnaires et à faire des recommandations pour éviter que des faits semblables ne se produisent de nouveau. Notre rapport propose des mesures grâce auxquelles le Procureur pourra achever l’enquête et établir les responsabilités individuelles.

J’aimerais attirer l’attention sur les programmes de notre Unité pour la promotion de la démocratie qui contribuent à améliorer la gouvernance démocratique: le Réseau interaméricain de décentralisation, le Forum interaméricain sur les partis politiques, les réunions sur les parlements et les autorités électorales, la conférence sur le financement de la politique que nous parrainons conjointement avec le Centre Carter, et l’ambitieux processus de recherche auquel nous travaillons avec l’ONG IDEA.

En matière de sécurité continentale, nous désirons signaler que cette préoccupation est devenue une activité hautement prioritaire à l’OEA. Le Chili est lié aux débuts de ce processus car il a été l’hôte de la première réunion sur les mesures d’encouragement de la confiance et de la sécurité. La deuxième Réunion sur les préoccupations particulières des petits États insulaires, qui a eu lieu cette année à Saint-Vincent-et-Grenadines, a renouvelé la validité des aspects multidimensionnels des questions de sécurité continentale. À cette occasion, le Secrétariat général a présenté le rapport sur la sécurité dans le transport de matériaux nucléaires dans les Caraïbes et l’on a constaté le rôle extrêmement important des catastrophes naturelles pour les petits États insulaires des Caraïbes.

À San Salvador, lors de la réunion du CICTE, les pays du Continent américain ont renouvelé leur engagement envers la lutte contre le terrorisme. Lors de la réunion des ministres de la défense, tenue ici au Chili, aussi bien qu’à la réunion d’experts sur les mesures d’encouragement de la confiance, à Miami, l’on a souligné l’importance qu’ont prise la transparence et la confiance mutuelle pour la sécurité et la défense du Continent américain. Les ministres de la défense et la Commission sur la sécurité continentale ont réussi à dresser un agenda commun.

À la CICAD, nous avons approfondi l’application du MEM. Cette année, pour la première fois, la Commission a pu appuyer des programmes prioritaires identifiés par les pays et choisis par la Commission, comprenant, entre autres, un programme visant à mesurer l’impact des drogues sur la délinquance quotidienne. Je veux aussi souligner la proposition intégrale visant à renforcer l’entraide juridique, préparée conformément à un mandat reçu des ministres de la justice, à Ottawa, ainsi que les progrès réalisés en matière de crime cybernétique.

La réunion spéciale sur la sécurité qui aura lieu à Mexico constitue une excellente occasion de définir une architecture flexible, souple sur la coopération, qui utilise et coordonne l’expérience des divers instruments, outils et initiatives conçus au sein de l’OEA pour affronter les nouvelles menaces non militaires.

Quant au déminage, nous désirons vous informer que le Nicaragua a déminé 65 % de son territoire; au Costa Rica les opérations se sont terminées en 2002; et au Honduras on espère terminer en septembre. De même, au cours des deux dernières années 500 000 mines emmagasinées en Équateur, au Honduras, au Nicaragua et au Pérou ont été détruites. Je désire remercier tous ceux qui ont fourni des fonds et du personnel de supervision pour leur précieuse.

Tous ces changements sont obtenus grâce à la vigoureuse transformation de notre agenda opérée par le processus des Sommets des Amériques. Demain, dans le cadre de notre Assemblée, les ministres auront l’occasion de tenir une réunion ouverte aux médias, aux invités spéciaux et à la société civile.

Cette année nous avons mis sur pied un Secrétariat exécutif, aujourd’hui dirigé par une illustre Chilienne, qui nous aidera à respecter les multiples responsabilités telles que conserver la mémoire institutionnelle du processus, servir d’appui au groupe de suivi et au Comité directeur et au Comité exécutif, et s’occuper de la coordination avec d’autres organismes internationaux: la BID, la Banque mondiale, l’IICA, l’OPS, l’Association andine de développement, la Banque centraméricaine d’intégration économique et la Banque des Caraïbes.

Le Secrétariat nous a servi au cours de l’année écoulée pour appuyer les réunions des ministres, qui constituent l’une des composantes principales des mécanismes de suivi et de mise en œuvre des Sommets. Les ministres de la culture ont créé une Commission interaméricaine pour exécuter leurs programmes collectifs. En août, les ministres de l’éducation progresseront sur trois axes thématiques dont le financement provenant des agences internationales pour le secteur. Les ministres du travail ont continué d’étudier les effets de la mondialisation et de l’intégration sur la dimension du travail, ainsi que la modernisation de l’administration dans le domaine du travail. La Conférence interaméricaine se tiendra au Brésil en octobre. Les ministres du transport se sont réunis il y a tout juste quelques jours à Ixtapa, où ils ont adopté le Programme d’action, dans lequel ils se sont engagés à mettre en œuvre une politique régionale visant à développer l’infrastructure des Amériques.

Cette année j’aimerais insister sur les efforts déployés par les États membres pour adopter dans leur législation les dispositions internes requises par le système interaméricain des droits de la personne et pour que ce système devienne universel en ratifiant la Convention américaine et en acceptant la compétence obligatoire de la Cour. Ce processus revêt une grande importance dans le renforcement de l’intégrité et de l’efficacité de la protection qu’offre le système aux habitants du Continent américain.

Il sied de souligner aujourd’hui le rôle du Rapporteur spécial sur la liberté d’expression. Je veux aussi attirer l’attention sur comment, année après année, nous avons fait des progrès pour donner à la Cour et à la Commission l’autonomie institutionnelle la plus large possible. Cette année l’accent a été mis sur le thème du racisme et des droits des travailleurs migrants et de leurs familles. De même, nous sommes satisfaits des progrès réalisés relativement à la déclaration des droits des peuples autochtones.

En matière de corruption, nous désirons signaler le succès du mécanisme de suivi, qui nous a permis de produire un rapport sur l’Argentine et qui nous permettra vers le mois de juillet de produire des rapports sur la Colombie, le Paraguay et le Nicaragua, pays qui se sont offerts volontairement pour être analysés.

Le meilleur exemple d’une application intégrale de la Charte démocratique est sans aucun doute le cas du Venezuela, pour lequel, avec l’appui du Centre Carter et du PNUD, nous avons rempli une fonction de facilitation à la table de négociations et d’accords.

À ce sujet, la résolution 833 du Conseil permanent a défini notre mandat. Nous avons exercé nos fonctions en essayant d’éviter que les bouleversements politiques, l’agitation sociale et les gigantesques mobilisations des citoyens, au milieu d’une grande polarisation, ne débouchent sur des épisodes de violence ou sur le non-respect de l’État de droit et de l’ordre constitutionnel. Ont été enregistrés quelques actes que nous déplorons ainsi que quelques pertes de vie, mais en général il n’y a pas eu d’événements très graves, grâce en bonne partie à l’immense respect de la vie qui existe au Venezuela.

Une des réussites les plus importantes du groupe de négociations et d’accords a été de servir de canal ouvert de communication, particulièrement aux moments les plus délicats, ainsi que d’élément de modération et de retenue des passions politiques en toutes circonstances.

Les parties sont arrivées à un accord qui a été signé le 29 mai. L’utilisation éventuelle de l’article 72 de la Constitution de ce pays si les exigences constitutionnelles relatives aux signatures sont respectées, selon le Conseil national électoral, représente sans aucun doute la solution pacifique, démocratique, électorale et constitutionnelle que nous avons cherchée tellement intensément au sein du groupe de négociations et d’accords et à laquelle se réfère la résolution 833 du Conseil permanent.

L’accord envisage la disposition du gouvernement du Président Chávez à respecter les responsabilités qui lui incombent de fournir les ressources financières et en matière de sécurité pour sa réalisation éventuelle. Tous se sont engagés à respecter la Constitution, ainsi que les décisions du nouveau CNE et de la Cour suprême de justice. L’accord a été conçu dans la perspective du renforcement des institutions démocratiques du pays et des fonctions constitutionnelles des pouvoirs publics. Nous remercions le groupe d’amis du Secrétaire général, composé du Brésil, des États-Unis, du Mexique, du Chili, de l’Espagne et du Portugal, de nous avoir appuyés dans nos travaux.

J’aimerais à présent me référer à la liberté d’expression. Comme nous l’avons déjà signalé à Caracas, il est très important que les citoyens soient informés de leurs options politiques avec objectivité et impartialité. Dans le cadre de l’examen de la législation à l’étude au sein de l’Assemblée, il est fondamental qu’après un dialogue entamé avec les médias et les journalistes, la liberté d’expression demeure intacte, de sorte que le Venezuela puisse franchir cette phase bouleversée par des changements institutionnels dans le plein respect des valeurs démocratiques. Pour l’OEA, il est particulièrement important de noter que le gouvernement et l’opposition reconnaissent la Charte démocratique, ainsi que la référence expresse et particulière à tous les principes et normes qui y sont consignés.

Au Secrétariat, comme l’indique l’Accord, nous avons mis fin au processus de négociations et d’accords. Le facilitateur se tiendra à la disposition des parties pour résoudre n’importe quel problème significatif qui pourrait se poser. Nous souhaitons que les institutions, le gouvernement et l’opposition puissent surmonter toute impasse à la lumière des principes énoncés dans l’Accord et à travers le mécanisme de liaison que les deux parties se sont engagées à créer. Nous sommes disposés à remplir cette fonction de support que les deux parties nous ont confiée.

Je tiens à remercier, au nom de notre Organisation, le Gouvernement du Président Chavez, son Vice-président, le Ministre et tous les représentants aux négociations, du côté du Gouvernement aussi bien que de la Coordination démocratique pour leur extraordinaire dévouement et leur sérieux; le Président Jimmy Carter pour son attention et son appui constants; le Secrétaire Kofi Annan et son équipe; l’Ambassadeur Valero et mon chef de cabinet Fernando Jaramillo pour le dévouement et l’habileté avec lesquels il a exécuté sa tâche pendant ces derniers mois.

Il faut également inscrire nos travaux en cours en Haïti comme le recours à un mécanisme prévu dans la Charte démocratique. Depuis la dernière Assemblée, la CARICOM, les États membres et quelques pays observateurs nous ont accordé leur appui dans la recherche d’un règlement à la crise découlant des élections de 2000. Cependant, en dépit des meilleurs efforts déployés par le Secrétariat général, notamment par le Secrétaire général adjoint, les négociations ont stagné depuis juillet 2002.

En septembre, le Conseil permanent a adopté la résolution CP/RES. 822 qui contient d’importantes dispositions pour la normalisation de la coopération économique entre le Gouvernement haïtien et les institutions internationales de financement, la réaffirmation des mandats de la Mission spéciale de l’OEA chargée de renforcer la démocratie en Haïti et un appel à la « formation d’un Conseil électoral provisoire (CEP) autonome, indépendant, crédible et neutre » au plus tard le 4 novembre 2002. Le processus de normalisation avec les institutions de financement est en cours. Avec l’appui de plusieurs pays, nous avons poursuivi les travaux de la Mission, mais il n’a pas été possible de choisir le Conseil électoral conformément aux critères déjà convenus, ce qui met en danger la tenue des élections qui devraient avoir lieu en 2003.

Le Conseil permanent a détaché une mission à Port-au-Prince en mars 2003, dirigée par le Ministre des affaires étrangères de Sainte-Lucie et le Secrétaire général adjoint, et avec la présence de représentants d’entités multilatérales de crédits. Le groupe d’amis et le directeur de la Mission spéciale, aussi bien que moi, estimons qu’il est indispensable que le Gouvernement haïtien prenne les mesures nécessaires pour assurer la tenue d’élections libres, justes, transparentes, selon les termes de la résolution du Conseil. De même, si ces conditions sont satisfaites, l’opposition devrait aussi participer tant au Conseil électoral qu’aux élections.

Je crois que malgré l’inefficacité relative de nos actions jusqu’à aujourd’hui, nous devons persister avec la CARICOM et les pays observateurs qui nous appuient dans les efforts que le rétablissement intégral des valeurs démocratiques dans ce pays. Nous ne pouvons permettre, ni accepter que notre pays membre ayant le plus de problèmes sociaux et le plus en retard sur le plan économique, s’écarte graduellement de la voie démocratique. Je demeure confiant que l’Assemblée générale émettra un mandat en ce sens et que nous travaillerons avec une vigueur renouvelée. Il est certain que le Président Aristide aussi bien que ses adversaires nous accompagneront dans cet effort. Nous sommes encouragés par le fait que juste avant-hier, un directeur de police ait été choisi, ce qui permettra de créer les conditions de sécurité nécessaires pour un débat électoral.

Nous voulons faire ressortir comment l’Argentine émerge de sa crise avec ses institutions démocratiques intactes. Le Gouvernement du Président Kirtchner débute son mandat dans un climat d’espérance, grevé d’un fardeau économique, politique et social considérable. Tous les Américains ont intérêt à ce que cette démarche porte des fruits et que le système multilatéral d’institutions de financement, notamment le FMI, assume la responsabilité qui lui incombe de manière déterminée et réaliste pour assurer la pleine réinsertion de l’Argentine dans le système financier international. Ce facteur revêt une importance cruciale pour tous les Américains et non seulement pour l’Argentine.

J’aimerais faire état du succès substantiel obtenu dans la politique économique appliquée par le nouveau gouvernement brésilien du Président Lula. Son leadership a créé une forte de dose de confiance non seulement au Brésil, mais aussi dans toute la région. Ses actions ont mis fin à une vague de volatilité qui a sérieusement affecté notre croissance au cours de ces deux dernières années. Je tiens aussi à souligner la stabilité économique qu’a pu établir le Président Guttierrez de l’Equateur. En Colombie, grâce à l’appui constant de la communauté de nations, le Président Urine, dans le cadre de sa politique de sécurité démocratique, a réalisé des progrès sensibles pour affronter les problèmes du narcoterrorisme qui ont tant affecté mon pays. De même, nous sommes pleinement satisfaits des élections démocratiques qui se sont tenues au Paraguay.

Nous espérons tous que les négociations en cours au sujet de la constitution de la ZLEA dans les délais fixés produiront des résultats équitables et équilibrés qui tiennent compte de toutes les régions. Comme nous l’avons déjà vu, la conclusion d’accords bilatéraux et le renforcement des accords sous-régionaux sont utiles pour l’intégration continentale. Nous nous félicitons de la signature du traité entre le Chili et les États-Unis. Il participe d’une vaste politique d’accords avec des pays et groupes de la région et en dehors de celle-ci. J’ai eu l’occasion, en ma qualité de Président de la Colombie, de conclure un tel traité avec le Chili il y environ dix ans. Nous ne pouvons oublier cependant l’importance de la conclusion d’un accord générique et global qui puisse élargir l’accès aux marchés de tous les pays du Système interaméricain et lier leurs économiques par des principes communs.

Il est important pour tous de donner suite à l’Accord ministériel de DOHA, notamment en ce qui concerne les normes régissant le système multilatéral de commerce. Pour concrétiser la ZLEA, les négociateurs doivent faire face à un enjeu, à savoir être très réaliste à cette étape finale. Il est urgent de parvenir à un consensus sur les aspects qui vont être négociés durant la phase multilatérale de Doha et sur ceux qui devront être maintenus dans la ZLEA. L’approbation à la Réunion ministérielle de Quito d’un Programme de coopération continentale pour renforcer les capacités relatives au commerce, nous a permis d’appuyer encore davantage le processus de négociation, notamment en ce qui a trait aux économies les plus petites et les plus vulnérables.

Grâce aux efforts déployés par notre principal contributeur, les États-Unis, 2002 s’est révélé une année record pour l’amélioration de la liquidité de l’Organisation, la réduction des arriérés et la sécurité de la situation financière à long terme. Simultanément, s’est poursuivie la détérioration dans le domaine budgétaire, vu que nous comptons déjà 8 ans de gel en termes nominaux. C’est en raison de ces développements dans le Fonds ordinaire que les secteurs de l’Organisation ont dû recourir à des fonds spécifiques, ce qui nous a supporté étant donné que ces fonds représentaient 15% de l’exécution budgétaire en 1997 et 46% en 2002. Pour certains secteurs, le recours à des fonds spécifiques a été encore plus substantiel. En 2002, ce pourcentage se portait à 81% pour le secteur de la démocratie et à 77% pour la CICAD.

Dans certains aspects, cette tendance est positive, mais il faut chaque fois une augmentation des ressources administratives et techniques consacrées à l’administration des fonds spécifiques et chaque fois, nous disposons de moins de ressources pour donner suite aux mandats des Sommets continentaux et de nos Assemblées. Lorsqu’ils envisagent l’avenir de l’Organisation, les pays membres doivent examiner ces aspects de financement parce qu’il n’est pas possible d’imposer indéfiniment des demandes croissantes d’activités et de ressources et en même temps de réduire le Fonds ordinaire. Cela ne correspond pas au rôle confié à l’OEA dans les questions continentales.

J’aimerais faire quelques réflexions susceptibles de nous permettre d’aboutir à une meilleure gouvernance démocratique.

J’estime nécessaire d’appeler l’attention sur la pertinence de la convocation d’un Sommet extraordinaire de chefs d’État et de gouvernement parce que nous vivons sans doute une époque qui non seulement a sévèrement affecté notre croissance économique, mais qui chaque jour provoque plus de questions sur les modalités d’action utilisées par nos dirigeants pour surmonter ces obstacles. Sous-estimer l’importance des variantes politiques durant les années 90 et avoir cru que le développement est déterminé seulement par des variables économiques se sont révélés indubitablement une stratégie erronée. C’est pourquoi nous sommes passés d’une discussion économique au sujet du modèle à une discussion éminemment politique.

En particulier, nous autres latino-américains devons abandonner la voie des simplifications à outrance. Ce n’est que lorsque l’un de ces modèles caractérisés par une seule variante est épuisé que nous passons à l’autre option: étatisme et protectionnisme, marchés, libre-échange, débouchés, mondialisation sont des formules ou recettes qui n’expliquent jamais nos succès provisoires ni nos fréquents échecs.

Nous avons aussi appris que quelques-unes des politiques que nous avons appliquées durant les années 90 et qui devaient nous conduire à la prospérité n’étaient pas le point d’arrivée, mais à peine le point de départ, à peine une condition préalable. Les éléments retenus pour l’atteinte des objectifs élevés visés durant les années 90 sont devenus de simples conditions préalables et n’ont plus le même impact, la portée novatrice ou cet air d’infaillibilité. Il est indispensable de parvenir à un meilleur équilibre entre les résultats du modèle précédent et ce qui a constitué les réalisations et les limitations du nouveau modèle. Peut-être, l’élément le plus certain est que ni l’un ni l’autre de ces modèles n’a beaucoup à prouver, que ce soit en termes de réduction de la pauvreté, ou de réduction des inégalités.

Les programmes d’ajustement structurel et de modernisation de l’économie ont donné à la politique social un rôle plutôt marginal, résiduel, à peine limité à minimiser les conséquences inévitables de mesures de cette nature. C’est pourquoi nous ne saurions être surpris par l’inefficacité de nos États dans la lutte contre la pauvreté.

Nous souhaitons que le Sommet permette que collectivement, nos dirigeants agissent de manière plus catégorique et d’exprimer que la politique et l’investissement social jouent un rôle clé dans nos États, dans les actions prises par nos gouvernements. Comme l’a souligné le Président Lagos, personne ne gagnera s’il n’y a pas de justice sociale.

Il est impératif que, sous la direction de nos dirigeants, nous mettions sur pied un nouvel agenda commun propre à surmonter les paradigmes de la décennie écoulée qui ont été débordés par les récents événements et ont affecté sérieusement la gouvernance démocratique. Nous avons besoin d’un plan pour faire face à la mondialisation et renforcer notre position compétitive. Nous exhortons à la mise en place de systèmes éducatifs qui nous aident à colmater la brèche des recettes entre les nantis et les démunis. J’aimerais mentionner le rôle important que peut remplir le Portail des Amériques pour l’éducation, initiative de notre Agence pour la coopération. Nous avons besoin d’un jeu de politiques appelées à renforcer la paix sociale, le respect de l’État de droit et la sécurité des citoyens.

Edifier et renforcer la paix sociale à l’aube du millenium nous permettra de concrétiser nos rêves d’intégration et de justice sociale. Il incombe à nos dirigeants de prendre définitivement les rênes pour assurer que dans les années à venir, nous arrivions à bon port. Ce n’est qu’à l’aide de réformes, plus de démocratie et de meilleures institutions et de politiques étatiques que nous serons en mesure d’impulser les travaux de croissance et la justice sociale, l’inclusion et le bien-être de tous les Américains. Mes remerciements aux Chiliens qui ont mis ce cadre chaleureux et stimulant à la disposition de notre Assemblée.


Merci beaucoup.