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Speeches

AMBASSADEUR RAYMOND VALCIN, REPRESENTANT PERMANENT D'HAITI PRES L'OEA
INTERVENTION AU CONSEIL PERMANENT

5 novembre 2002 - Washington, DC


(Ce document a été numérisé d'un original imprimé et peut contenir des erreurs)

Monsieur le Président,

Je voudrais avant toute chose exprimer au nom de ma délégation des remerciements au Secrétaire Général Adjoint pour le rapport verbal qu'il a bien voulu présenter sur la mise en œuvre de la Résolution 822. Qu'il me soit permis de lui réitérer la gratitude du gouvernement haïtien pour les efforts inlassables qu'il effectue en vue de contribuer au règlement de l'éprouvante crise qui secoue la société haïtienne. Je voudrais lui réitérer la garantie de la détermination invariable des autorités haïtiennes à honorer leurs obligations découlant des dispositions pertinentes de la résolution 822.

Monsieur le Président

La dégradation inexorable des conditions générales de fonctionnement de notre pays suscite de très sérieux questionnements. En effet, deux mois après ('adoption par notre organisation de cet important instrument qui avait soulevé de grandioses espérances quant à l'imminence d'un dénouement de la situation en Haïti, les avenues conduisant à une sortie de crise sont loin d'être totalement dégagées.
En même temps, des conditions abjectes continuent à constituer le lot quotidien de la majorité de nos concitoyens, charriant un cortège de frustrations. Pourtant, en dépit de la précarité de ses ressources budgétaires et financières, le Gouvernement haïtien n'a épargné aucun effort pour assurer la mise en œuvre de la résolution 822, tout en reconnaissant que du chemin reste à parcourir. Un document circonstancié a été mis au point à cet effet et transmis au Secrétariat Général de l'organisation aux fins de son acheminement à toutes les délégations.

Monsieur le Président

Des retards et tâtonnements ont été enregistrés dans l'avancement de certains dossiers; cette situation est due tantôt à la précarité des ressources dont dispose l'Etat haïtien tantôt aux difficultés propres à la nature même des dossiers et tantôt aux faiblesses structurelles de l'appareil judiciaire dans le pays. Toutefois, il a été clairement établi que des avancées importantes ont été enregistrées dans plusieurs compartiments du processus de mise en œuvre de: la résolution.

Monsieur le Président

Ma délégation rejette énergiquement les allégations véhiculées paf certains secteurs nationaux et étrangers quant à un refus du gouvernement haïtien de respecter les engagements internationaux auxquels il a souscrit. Je sollicite bien humblement votre autorisation pour inviter tous les partenaires de la République d'Haïti à parcourir le Document intitulé Application des résolutions 806 et 822 mis au point par les bons soins du Ministère de la Justice conjointement avec le Ministère des Affaires Etrangères. A cet égard il convient de rappeler avec force que la résolution 822 ... « loin d'être perçue comme une contrainte à laquelle le Gouvernement haïtien se serait soumis contre son gré, rejoint, au contraire, les mesures que celui-ci de lui-même aurait mises en train pour régler la crise politique en y apportant une solution durable et satisfaisante pour toutes les parties.»

Monsieur le Président

II est indéniable que le Gouvernement de la République d'Haïti n'a pas attendu les recommandations du Conseil Permanent de J'O.E.A. pour intégrer dans sa politique et son action les principaux éléments qu'elles contiennent. Telle a été en effet l'approche retenue dans le cas des violences reliées aux évènements du 17 décembre 2001 qui ont fait l'objet d'une gestion responsable des autorités constituées dans les limites des contraintes inhérente~s aux ressources institutionnelles du pays. Ainsi:

Bien avant le 4 septembre 2002, une enquête avait été diligentée sur les événements du 17 décembre 2001, qui restent indubitablement inséparables de ceux du 28 juillet de la même année, sur lesquels une enquête préliminaire avait d'ailleurs été entreprise.

En relation avec ces violences, 39 témoins, dont un sénateur de la République, de même que cinq plaignants, tous membres influents de la Convergence, ont été auditionnés. Sept personnes ont été inculpées. Dix mandats d'amener et trois mandats de dépôt ont été décernés. Des activités similaires ont été réalisées dans les villes de Petit-Gôave, des Cayes et des Gonaïves témoignant ainsi du caractère actif du dossier. Le juge Bernard Saint-Vil en charge de l'affaire a signalé que d'ici au mois de décembre le dossier sera achevé et les personnes inculpées seront traduites devant leur juge respectif.

Le juge Fritzner Duclair chargé d'instruire le dossier du journaliste assassiné Brignol Lindor a réalisé son travail en conformité avec les lois en vigueur funs notre pays. Suite au réquisitoire d'informer du Parquet de Petit Gôave en date du 21 décembre 2001, il a procédé à l'inculpation de 28 personnes et entendu de nombreux témoins dans l'instruction de cette affaire. Néanmoins, par ordonnance en date du 16 septembre 2002, le magistrat instructeur a mis hors des liens de l'inculpation 18 d'entre elles et retenu des charges et indices suffisants contre dix d'entre elles. Toutefois deux déclarations d'appel ont été faites de l'ordonnance du juge d'instruction les premier et trois octobre 2002 respectivement par les sieurs Guyler Delva et Moreno Lindor agissant en qualité de mandataires spéciaux auprès de la famille d,u journaliste assassiné. L'appel étant suspensif et la justice étant indépendante, le Gouvernement n'a ni le pouvoir ni l'intention de contraindre les autorités judiciaires à court-circuiter la procédure tracée par la loi. Cependant il doit être clairement établi pour toutes les parties intéressés que le dossier reste actif et suit son cours normal.

Le dossier Jean Dominique/Jean-Claude Louissaint souffre d'un certain retard. Il convient de signaler que cette affaire a été confiée au juge Jean Sénat Fleury, puis au Juge Claudy Gassant. Maintenant, c'est le juge Bernard St Vil qui en a la charge. Ce dernier a laissé entendre que, selon toute vraisemblance, le dossier pourrait être conclu et acheminé d'ici le mois de décembre 2002 au Parquet aux fins du réquisitoire définitif.

Quant aux réparations par rapport aux actes du 17 décembre, c'est le Gouvernement lui-même qui eut l'initiative de l'Accord à l'amiable enregistré en juillet dernier entre le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique et les partis politiques concernés, deux mois avant la résolution 822. Trente quatre millions de gourdes ont été utilisées pour l'indemnisation des victimes avec une priorité octroyée aux membres de l'opposition. Les premiers fonds disponibles ont été prioritairement versés aux partis et organisations politiques de l’opposition, dans le souci de préserver le pluralisme politique. Les pourparlers se poursuivent avec l'OPL et avec le CHRESFED auxquels il a été proposé des réparations s'élevant à trente-cinq millions de gourdes. Dans le même esprit il convient de signaler l'arrangement obtenu avec le représentant diplomatique de la France quant au versement d'une somme supérieure à 4 millions de gourdes comme compensation pour les dommages subis par le local de l'institut français d' Haïti durant les violences du 17 décembre. Ce montant sera versé incessamment.
En agissant ainsi, le Gouvernement n'entend nullement se dérober à ses engagements envers les autres catégories de victimes, notamment celles de la Police Nationale d'Haïti, de Fanmi Lavalas et de la population. Ainsi, il a déjà entamé le processus de constitution d'un Fonds au profit de ces victimes. Ce geste ne doit être, en aucune façon, interprété comme une reconnaissance de culpabilité de la part du Gouvernement.

Au chapitre du désarmement, le Gouvernement a mis en place un programme comportant plusieurs axes:

· Une campagne de sensibilisation par des spots publicitaires à travers les médias du pays a été mis en train. Cette activité se poursuit.
· Le Gouvernement a accepté de payer au double du prix en vue d'inciter les détenteurs d'armes illégales à s'en débarrasser. Malheureusement, le délai imparti à cette opération a pris fin sans que les résultats aient été concluants.
· Des fouilles systématiques et des perquisitions domiciliaires sont périodiquement réalisées en vue de la récupération des armes dont la détention est illégale et de celles ne tombant pas dans la catégorie prévue à 17article 268.1. Plus de 150 armes de tous calibres ont été saisies.

Enfin, en ce qui concerne la formation du Conseil Electoral Provisoire, le Président Jean Bertrand Aristide a effectué plusieurs démarches visant à la mise sur pied de cette institution. Il a contacté par téléphone plusieurs responsables de partis politiques de l'opposition en particulier Gérard Pierre Charles et Micha Gaillard de la Convergence Démocratique. Il a organisé plusieurs rencontres de travail avec les principaux secteurs concernés par la question électorale: la Conférence Episcopale Haïtienne, l'Eglise Episcopale d'Haïti, la Fédération Protestante d’Haïti, Justice et Paix, les organismes de défense des droits humains, la Chambre: de Commerce et d'Industrie d'Haïti, un certain nombre d'autres partis politiques, ainsi que d'autres secteurs de l'Eglise protestante, le parti Fanmi Lavalas et le pouvoir judiciaire.

Les cinq premières institutions citées plus haut, ayant complété le processus de désignation de leur secteur, ont écrit le 5 octobre 2002 une lettre au Président de la République sollicitant que le Gouvernement demande à ]'OEA une assistance technique pour la PNH en vue d'élaborer un plan de sécurité lors des prochaines élections, comme condition préalable à la présentation du nom de leur représentant au CEP.

Il convient aussi de mentionner qu'en date du 28 octobre 2002 et confonnl5ment aux directives du Président de la République, le Chancelier haïtien. E. M. Joseph Philippe Antonio a envoyé une lettre aux différents secteurs les invitant à désigner leur représentant au CEP.
Monsieur le Président, distingués collègues,
Vous pouvez vous rendre compte par vous-mêmes que des efforts considérables ont été déployés et des progrès substantiels accomplis. Dans ce contexte, le Gouvernement d'Haïti a accueilli avec beaucoup d'étonnement certaines déclarations martelées par des officiels qui représentent un pays ami membre de cette auguste organisation. Le caractère emphatiquement irrévérencieux de ces remarques cadre mal avec les coutumes de réserve et le principe de bonne foi qui constituent les fidèles compagnons des pratiques de la diplomatie inter-américaine. Une telle rhétorique affiche un hiatus absolu par rapport au discours hémisphérique officiel sur Haïti et un recul aussi insolite qu'inquiétant par rapport à la résolution 822 elle-même. Insolite parce-qu'elle dénote une dimension factice dans la nature du partenariat privilégié par celui qui la véhicule; mais aussi inquiétant parce qu'elle est porteuse de conséquences d'une portée déstabilisatrice insoupçonnée. En effet l'équilibre précaire sur lequel est assis l'échiquier socio-politique national réagit avec beaucoup de sensibilité à toute déclaration, fondée ou non, d'officiels intervenant au nom de partenaire à la puissance si écrasante. Les fluctuations de grande amplitude enregistrées à brève échéance par la monnaie nationale ne sont pas sans rapport avec la teneur peu de courtoise ce type de rhétorique. Le gouvernement haïtien déplore une telle conduite tout en souhaitant que puisse s'établir un cadre de fonctionnement démocratique dans les relations entre les pays au même titre que dans les relations au sein de ceux-ci.

Monsieur le Président,

Il doit être clairement établi que le train de mesures prévues dans la résolution 822 au titre des réformes à mettre en œuvre pour assurer la normalisation et la consolidation du processus démocratique en Haïti ne pourront se matérialiser qu'en proportion de l'allègement de l'embargo financier de fait. Conscient de ces contraintes le Gouvernement de mon pays s'est empressé de formuler en date du 29 octobre dernier une demande à l'O.E.A. pour accompagner les autorités et le peuple d'Haïti dans la réalisation d'un programme général de désarmement. Ma délégation se félicite de la réponse positive octroyée à la démarche haïtienne. Ce faisant elle estime opportun de rappeler que la résolution ne doit pas être considérée comme une panacée susceptible de générer des miracles. Certains processus prendront plus de temps que d'autres avant d'aboutir.

C'est en libérant les fonds, en évitant de proférer des menaces et en continuant à faire des contributions positives que les situations seront améliorées et que les processus seront accélérés.

Merci Monsieur le Président.