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Discours

JOSÉ MIGUEL INSULZA, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L'ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS
DISCOURS PRONONCÉ PAR LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS À LA CÉRÉMONIE INAUGURALE DE LA TRENTE-SEPTIÈME SESSION ORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNERALE

3 juin 2007 - Panama


Une fois de plus, les Ministres des Amériques se retrouvent à leur réunion annuelle pour examiner l’évolution des questions politiques, du développement et de la sécurité dans la région, ainsi que pour tracer l’orientation de la coopération future. Nous remercions le Président Martin Torrijos, son gouvernement et le peuple du Panama du chaleureux accueil qu’ils nous ont réservé, ainsi que pour le soin et l’efficacité qu’ils ont appliqués aux préparatifs de cette Trente-septième Session ordinaire de l’Assemblée générale. Monsieur le Président, la fin du mois de septembre marquera le trentième anniversaire de la signature des Traités Torrijos-Carter, aux termes desquels le Panama accédait à la souveraineté sur le Canal de Panama, et à cette occasion, nous voulons exprimer une fois de plus notre admiration pour les progrès enregistrés dans votre pays sur les plans économique, politique et social à cette nouvelle étape de son histoire.

En vous faisant mon bilan annuel, je peux vous affirmer, avec une grande satisfaction, qu’aujourd'hui, les Amériques se développent dans la démocratie.

La Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) nous informe qu’au cours de 2006, le produit intérieur brut de la région a connu une croissance de 5,3%. La quatrième année consécutive où a été enregistrée une hausse et la troisième où le taux a été supérieur à 4% s’achèvera avec une hausse cumulative de près de 15%. Cette bonne performance commence à se faire sentir dans un domaine prioritaire de préoccupation pour notre Organisation: la pauvreté. Selon la CEPALC également, en 2006, le nombre des pauvres a diminué, et passe à 205 millions, alors que le nombre d'indigents est tombé à 79, chiffres qui se comparent favorablement à ceux de 2002 lorsque le nombre de pauvres s’établissait à 221 millions et le nombre d’indigents à 97. En conséquence, le nombre de pauvres a été réduit de 16 millions tandis que le nombre d'indigents a diminué de 18 millions en Amérique latine et dans la Caraïbe, ce qui nous permet de conclure que les quatre dernières années ont eu un bon bilan social à l’échelle régionale.

La démocratie évolue également et se renforce dans notre région. De novembre 2005 à décembre 2006, trente-six élections ont été vérifiées dans 21 États membres de l’OEA ; toutes se sont déroulées dans un climat pacifique et ont bénéficié d’une participation massive alors que leurs résultats ont été acceptés par tous.

Cette pratique de la démocratie a des incidences sur l’opinion publique dans notre région. L’enquête régionale annuelle Informe Latinobarómetro souligne dans l’édition de 2006, que le pourcentage de la population d’Amérique latine qui déclare que “la démocratie peut avoir des problèmes, mais elle demeure le meilleur système de gouvernement”, a augmenté pour passer à 74% en moyenne durant l'année, contrairement au sentiment qui prévalait il y a cinq ans, lorsque 68% seulement étaient de cet avis. L’image d’instabilité et de faiblesse économique qui nous a marqué pendant des décennies commence à s’estomper.

Nous pouvons nous enorgueillir de ce que l’OEA n’a pas été étrangère à la création de ce nouvel ordre des choses, que ce soit sur le plan économique ou sur le plan politique. Au contraire, notre Organisation a été présente et active dans tous les domaines où son assistance a été requise pour épauler la stabilité démocratique et contribuer à donner une impulsion au développement économique.

Personnellement, je me suis engagé à appuyer les efforts que déploient le Panama, la Colombie, et le Pérou, en vue de la signature et de l’approbation de leurs Accords de libre-échange avec les États-Unis. Je me suis réuni avec de nombreux membres du Congrès nord-américain pour les saisir de l’importance de ces accords et des conséquences adverses qui pourraient s’ensuivre s’ils ne sont pas approuvés. De même, j’ai déployé les plus grands efforts pour mettre en relief l’importance que revêtent pour la Bolivie et l’Équateur la reconduction du Partenariat commercial andin et de l’Accord sur l’élimination des drogues, non seulement en raison de leur impact sur les économies de ces deux pays, mais aussi pour leur stabilité politique. Nous continuerons de travailler conjointement avec les gouvernements de la région vers l’approbation de ces traités et accords préférentiels.

Je dois souligner cependant, que l’approbation et la reconduction de ces traités concluront probablement une phase de notre processus d’intégration régionale. Des accords bilatéraux et régionaux ont été souscrits dans le cadre de mécanismes divers, ce qui constitue un énorme progrès. Mais en même temps, cela fait près de cinq ans qu’aucun progrès n’a été marqué dans les négociations relatives à l’Accord de libre-échange d’Amérique du Nord (ALENA) et il est difficile d’espérer que, même si les négociations de Doha vont de l’avant, il soit possible de remédier à la stagnation à l’échelle continentale. Il s’agit là d’une situation qui ne doit alarmer personne et encore moins qui doit signifier une interruption du processus d’intégration. Au contraire, sans tomber dans l’erreur de chercher à imposer aux autres chacun de leurs propres modèles, les pays qui font partie de mécanismes sous-régionaux d’intégration, devraient accentuer leurs processus d’unité.

C’est pourquoi nous suivons avec une attention particulière la prochaine Conférence sur la Caraïbe qui se tiendra à Washington durant le mois de juin, suivie de la Réunion des Chefs de gouvernement de la CARICOM à la Barbade le 1er juillet. Nous espérons que tout en accomplissant des progrès fondamentaux dans la construction d’une économie unique, la CARICOM puisse offrir des indications au sujet des prochaines étapes à franchir sur la voie de l’intégration régionale. En même temps, nous devrions examiner la possibilité de convoquer une réunion des Ministres du commerce dans le cadre de l’OEA pour examiner des options viables de renforcement de l’intégration continentale.

Bien que nous puissions parler de la réduction substantielle des menaces de conflit et d’instabilité politique et économique qui planaient sur la région il y a deux ans lorsque j’ai commencé mon mandat en qualité de Secrétaire général, nous ne sommes pas encore en droit d’être optimistes. Nous nous retenons en nous rappelant d’autres moments dans le passé où nous avions cru que nous étions lancés sur la voie du développement, seulement pour retomber ensuite en pleine crise. Nous devons donc agir avec prudence et focaliser notre attention sur les enjeux que nous continuons d’affronter.

J’aimerais mettre en exergue quatre de ces enjeux que je considère d’importance primordiale: les inégalités et la pauvreté; la criminalité, la gouvernance et la croissance durable.

L’Amérique latine n’est aucunement le continent le plus pauvre de la planète. Son revenu moyen se rapproche du revenu moyen mondial, et elle possède des ressources pour assurer une vie meilleure à ses enfants. Cependant, environ 80 millions de Latino-américains dormiront ce soir sans avoir pu manger à leur faim.
En dépit des progrès que j’ai mentionnés précédemment, environ 40% de la population d’Amérique latine vivent encore dans la pauvreté et un nombre important continue d’être indigent. Cette situation s’aggrave pour atteindre des niveaux inacceptables lorsqu’on considère les inégalités qui prévalent entre nous. Car, comme je l’ai dit plus haut, si notre région n’est pas la plus pauvre de la planète, elle est en revanche celle qui connaît le plus d’inégalités. Les inégalités ont également des implications de discrimination. Une grande majorité d’autochtones sont pauvres, et il en est de même pour un nombre important d’afro-américains. Un nombre significatif de foyers pauvres dans la région est dirigé par une femme. La pauvreté a donc une couleur et un sexe en Amérique latine et dans la Caraïbe.

C’est pourquoi la lutte contre la pauvreté continue de revêtir la plus haute priorité dans l’agenda du développement des institutions des Amériques. Cette politique de coopération se focalise dans notre cas sur la formation des ressources humaines et le renforcement des institutions, politique qui s’applique principalement aux pays les plus pauvres et les petits États insulaires qui sont les plus exposés aux fluctuations de l’économie internationale.

Les efforts que tant notre Organisation que ses États membres situent dans le domaine de la coopération sont innombrables, et je ne peux pas les citer tous. Je pense cependant qu’il est important de rappeler que dans le cadre de la Mission de stabilisation des Nations Unies pour Haïti, dix pays ont envoyé des forces armées qui collaborent à la préservation de la paix et de la sécurité dans ce pays frère. L’Organisation des États Américains maintient un Groupe de travail chargé du suivi et du soutien de la reconstruction institutionnelle d’Haïti, et dans le cadre de cet effort, elle a reconstitué le Groupe des amis d’Haïti à Washington.

Un deuxième grave enjeu que nous devons affronter est celui de la croissance sans précédents de la criminalité sous forme de trafic des stupéfiants, de trafic des personnes, des bandes armées criminelles, de crime organisé, de blanchiment des avoirs, ainsi que sous des formes diverses des temps modernes. Dans certains pays de notre région, le taux de pertes de vies humaines dues à un homicide est le plus élevé au monde, et les victimes de la violence ne se comptent pas par centaines, ni par milliers, mais par dizaines de milliers. Durant les années 90, plus de 70% de la population urbaine d’Amérique latine déclarent avoir été victimes d’un type quelconque de crime, et bien que la sous-région représente seulement 8% de la population mondiale, elle est imputable pour 75% des enlèvements enregistrés dans le monde en 2003.
C’est là une plaie qui non seulement dégrade les personnes et leur cause des dommages physiques et moraux, mais entraîne un coût élevé sur les plans économique et politique. La BID estime que son coût se chiffre à 16,8 milliards de dollars, soit 15% du PIB de l’Amérique latine. Elle constitue également un défi pour nos institutions, parce qu’il existe déjà des zones dans nos villes et des régions à l’intérieur de nos pays dans lesquelles les institutions de l’État sont mise en défi le par pouvoir de fait dont jouissent les groupes criminels.

L’expansion de la criminalité organisée et du trafic des stupéfiants peut atteindre la sphère politique. Nous devons prêter attention au financement de la politique, non seulement pour empêcher les inégalités dans la participation de nos citoyens aux élections, mais aussi pour assurer que la criminalité et la politique ne forment une alliance fatale pour nos démocraties.

D’où également la préoccupation de veiller effectivement à la défense des libertés face à la criminalité. L’assassinat de journalistes ces derniers temps dans notre région doit appeler notre attention sur les attaques de la criminalité organisée contre ceux qui ont courage de la dénoncer.

Le troisième enjeu que nous devons affronter est celui d’assurer la gouvernance de nos démocraties. Pour atteindre ce but cependant, nous devons répondre à certaines exigences et satisfaire certaines conditions. En premier lieu, nous devons être conscients que le développement de la démocratie et de ses institutions constitue les premières obligations d’un gouvernement démocratique et qu’en revanche, en éliminant l’adversaire ou le réduisant au silence on a recours au plus sûr moyen pour affaiblir la démocratie.

Une démocratie intégrale suppose l’établissement d’un climat de tolérance intégrale dans chaque pays et à l’échelle continentale. Il est évident que, de même qu’il existe et qu’il doit exister dans chacun de nos pays divers courants d’opinion qui doivent s’exprimer librement, nos pays membres doivent aussi pouvoir choisir souverainement leurs moyens propres pour arriver au développement. Leur seul engagement, dans le cadre de l’Organisation, est de le faire dans le plein respect des règles du jeu démocratique. Pour que cette diversité puisse être compatible avec la recherche de l’intégration et de la coopération régionale, nous devons être en mesure de respecter les décisions de chaque pays et de ne pas essayer d’imposer des plans économiques, sociaux ou politiques comme étant l’unique vérité.

Au cours de ces dernières années, l’OEA a prêté une grande attention aux processus électoraux parce que ceux-ci n’existaient pas, ou ne pouvaient pas être considérés comme effectivement démocratiques. Maintenant qu’ils se déroulent dans tous les pays, nous devons donc consacrer de plus grands efforts à l’édification effective de républiques démocratiques, dans lesquelles prévalent un véritable État de droit et des institutions publiques permanentes jouissant d’un respect réel. Le développement requiert parfois des décisions énergiques. Dans un système présidentiel, d’autre part, la politique de l’État requiert des leaderships adéquats. Néanmoins, nous devons veiller à assurer que ces leaderships ne viennent pas remplacer ce qui est essentiel à la démocratie, à savoir une république reposant sur des lois et des institutions.

Les bases d’un État démocratique ont été consacrées dans notre Charte démocratique interaméricaine. Au nombre des celles-ci figurent le respect des droits de l’homme, la liberté d’expression, de la presse et d’association; le pluralisme politique; la transparence; la séparation et la balance des pouvoirs; la participation citoyenne, et l’obligation des gouvernements d’être régies par leurs normes constitutionnelles et l’État de droit. C’est pourquoi la Charte parle de la démocratie comme un droit, et c’est pourquoi également nous avons dit qu’elle confère une citoyenneté politique et civile que le gouvernement se doit de respecter.

La Charte confère aussi, à mon avis, une souveraineté sociale parce qu’elle établit des liens entre les thèmes de développement économique et social et la stabilité de la démocratie. C’est pourquoi nous discutons et espérons que nous approuverons bientôt une Charte sociale interaméricaine qui ne prétend pas être «égale» à la Charte démocratique, mais qui se veut être un complément effectif des droits que celle-ci confère.

Pour être efficace dans leur mission, d’autre part, les gouvernements doivent être dotés des instruments nécessaires. La solution à bon nombre des problèmes qui nous affectent, particulièrement la réduction des inégalités, la fourniture des meilleurs services d’éducation, de santé, d’eau potable, et les possibilités d’emploi, dépendent de la formulation de politiques publiques qui ne peuvent être réalisables que si les États sont dotés des capacités matérielles pour les mettre en œuvre.

Certains croient jusqu’à présent qu’il est possible d’édifier des États efficaces avec le peu de ressources dont disposent aujourd’hui nos pays. Ils se trompent: si nous voulons des modèles de développement social comme ceux de certains pays développés que parfois nous citons comme modèles, nous devons être capables de répartir les revenus et recouvrer des ressources fiscales comme ces pays.

La gouvernance est également reliée à l’efficacité. La politique et la gestion de la chose publique requièrent de plus en plus l’appui des connaissances et des techniques nécessaires pour administrer l’État avec efficacité, et doivent être enseignées et apprises par ceux qui sont appelés à diriger les gouvernements.

Cependant, aucun des enjeux que j’ai décrits ne peut être gagné ni nous ne tenons pas compte du quatrième enjeu qui est celui de la croissance. Si nos économies ne connaissent pas de croissance, ce qui a été le cas pendant les trois décennies qui ont précédé la période que nous connaissons aujourd’hui, nous ne pourrons faire face aux graves problèmes qui nous affectent que d’une manière rhétorique. Malgré les progrès accomplis récemment, la croissance de notre région évolue à un rythme inférieur à celui d’autres régions du monde. Nous pouvons trouver différentes raisons expliquant cet état de fait: la persistance des secteurs financiers faibles qui limitent les débouchés pour les investissements; l’absence d’un système énergétique régional bien défini qui élimine les insécurités au sujet de l’alimentation en énergie dans bon nombre de nos pays; un niveau plus qu’insuffisant de commerce intrarégional, aggravé par les tendances à un protectionnisme accru; l’absence de systèmes fiscaux efficaces qui permettent à nos pays d’augmenter leurs niveaux de recouvrement, et enfin une faible compétitivité.

Nous savons quoi faire pour surmonter ces problèmes: Cependant, le climat d’incertitude qui est créé parfois dans nos pays ne nous aide pas dans ces tâches. Le capital n’est pas attiré exclusivement par la perspective du gain, mais également par la stabilité politique, la sécurité et la certitude des règles du jeu. Si ceux qui peuvent investir dans notre région se sentent menacés par les changements dans ces règles ou par des phénomènes comme la corruption, ou la criminalité, il est évident qu’ils n’investiront pas. Cherchons à capter des investissements à long terme, en donnant des assurances que nos économies sont stables parce que nos politiques de base le sont également.

Et nous ne voulons pas parler de n’importe quelle croissance: il faut que cette croissance soit durable. Nous avons été favorisés par l’une des plus riches dotations en richesses naturelles et en diversité biologique de la planète, cependant, nous sommes en train de les détruire. Mais, d’après la FAO, près de 40 millions d’hectares de forêts originaires ont disparu en Amérique latine en 2005: le taux le plus élevé de la planète. Et ce n’est pas tout: 30% des récifs de corail qui renferment la plus grande partie de la biodiversité marine sont gravement endommagés et courent le risque de disparition. Et ce sont seulement deux exemples dramatiques de la dégradation qui nous menace.

De surcroît, les effets ne se font pas seulement sentir sur le plan matériel. La dégradation de l’environnement peut, en fin de compte, affecter aussi la force des institutions démocratiques. Il est difficile de soutenir une démocratie lorsque 140 millions de personnes manquent d’un accès adéquat aux services sanitaires, lorsque 75 millions n’ont pas d’eau potable propre, ou lorsque 80 millions de personnes respirent des agents polluants dépassant de loin les niveaux acceptables fixés par l’Organisation mondiale de la santé.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Ministres,

Inspirés par la nécessité urgente de créer des formes durables de croissance, cette Assemblée générale cherche à trouver des réponses au thème de l’énergie pour le développement durable. Je suis certain que, par suite de ses délibérations, les délégations présentes arriveront à d’importantes conclusions qui orienteront notre labeur régional dans ce domaine au cours de la prochaine période. Voici pourquoi je me permettrai seulement de partager avec quelques réflexions générales qui peuvent aider à cette discussion.

En premier lieu, pour faire face à l’enjeu énergétique, nous disposons de beaucoup de ressources. Les États-Unis et le Brésil sont des leaders mondiaux dans la production et l’utilisation de l’éthanol. Le Mexique est aussi en tête de file dans l’utilisation de l’énergie géothermique, et la Barbade est dotée d’une des pénétrations les plus élevées de chauffage de l’eau en utilisant l’énergie solaire. Pour ce qui est des sources conventionnelles, nous possédons 12,2% du total mondial de réserves connues de pétrole, et le Mexique et le Venezuela sont placés au nombre des plus grands producteurs mondiaux. Le Canada est le cinquième producteur de gaz naturel du monde, et les Etats-Unis sont le pays doté des plus riches réserves de charbon. La Trinité-et-Tobago, pour sa part, est le principal fournisseur étranger de gaz naturel aux États-Unis. Cependant, une bonne partie des pays de la région font face à ces problèmes, soit pour l’alimentation des sources d’énergie, soit pour la fourniture de l’énergie elle-même.

Aujourd’hui, environ 50 millions de personnes dans notre région n’ont pas accès à l’énergie électrique. Cette carence devient encore plus urgente si on considère que, selon les données recueillies par la BID, la demande d’énergie en Amérique latine aura augmenté de quelque 75% d’ici à 2030, et la capacité de génération d’énergie devra augmenter de quelque 144% pour la satisfaire.

La situation plus alarmante encore est l’insécurité dans la fourniture même des ressources. En particulier, le pétrole, car plusieurs de nos pays étant de grands producteurs, présentent de graves menaces à l’efficacité de leurs industries. En ce qui a trait au gaz naturel les réserves latino-américaines représentent jusqu’à présent seulement quelque 4,1% du total connu au niveau mondial, dans le cas où leur consommation atteint quelque 6,8% du total mondial.

Dans notre recherche de solutions, nous devrons prendre en considération leur impact environnemental. En particulier, comme l’a souligné le Secrétaire général des Nations Unies, les changements climatiques, dont la relation avec le secteur énergétique est directe. Un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre proviennent de la génération d’énergie, et de chaleur, et leur augmentation a été la plus élevée de toutes les sources d’émission entre 1990 et 2002. Les États insulaires de la Caraïbe et les pays d’Amérique centrale sont actuellement les plus touchés par les changements climatiques parce qu’ils sont les plus exposés aux cyclones et aux tempêtes tropicales, cruel paradoxe, étant donné qu’ils sont ceux qui ont le moins de responsabilité dans ces changements.

Considérant tous ces éléments, à mon avis, l’agenda énergétique de la région devrait envisager au moins aspects:

Premièrement: la promotion d’utilisation rationnelle et efficace des sources énergétiques classiques, principalement des hydrocarbures. Deuxièmement: la mise en valeur des mécanismes de quotas d’émission, envisagés dans le Protocole de Kyoto, pour attirer l’investissement, et la technologie qui rend possible production industrielle «propre». Je dois faire remarquer ici que les transports sont l’une des sources d’émission de CO2 et que, en conséquence, nos déplacements pour assister à cette réunion ont laissé leurs vestiges. Voici pourquoi notre Organisation s’est engagée à acheter des bons de carbone nécessaires pour neutraliser les émissions produites par nos voyages jusqu’ici. Nous espérons ainsi que l’unique empreinte indélébile que laissera cette réunion se retrouvera dans les politiques visant au développement durable, et non dans notre sillage de carbone!

Le troisième élément qui, à mon avis, devrait envisager notre agenda est l’incitation à utiliser des sources d’énergie alternatives et renouvelables. Notre région a la chance d’être dotée d’une grande diversité de ressources renouvelables. Son utilisation n’est pas nouvelle, et diversifier notre équation énergétique en nous y appuyant ne devrait signifier ni un grand risque ni une grande aventure. L’énergie hydraulique, par exemple, est une partie importante de la matrice énergétique de la région, et couvre 90 pour cent de tous les besoins d’un pays qui a une si importante demande d’énergie comme le Brésil qui a accompli un effort pionnier et de portée mondiale en la matière.

Je dois aborder plus particulièrement le domaine de l’énergie nucléaire. J’ai revendiqué plus haut le droit de nos peuples de faire des recherches dans le domaine de l’énergie nucléaire, de développer cette énergie et de la produire à des fins pacifiques. L’électricité produite par des usines nucléaires ne produit pas d’émissions sulfureuses ni de mercure, et d’émet pas de gaz qui provoquent l’effet de serre. En considérant les prix actuels, d’autre part, elle pourrait s’avérer plus économique que celle produite par le pétrole, le gaz naturel, et même l’énergie solaire, éolienne ou celle produite par la biomasse. Il existe certainement des problèmes dans le domaine politique qu’il faut garder présents à l’esprit. L’important cependant est que nous entamions un effort pour diversifier nos sources d’énergie sans en laisser tomber aucun.

Je ne saurais conclure sans souligner combien encourageants, dans ce domaine, sont les efforts associatifs déployés par nos pays qui ont produit diverses formes d’intégration énergétique. Nous pouvons améliorer notre sécurité énergétique en intégrant nos infrastructures. Des solutions comme le Système d’interconnexion électrique pour les pays d’Amérique centrale, et les gazoducs comme ceux qui relient la Bolivie, le Brésil, ainsi que d’autres pays d’Amérique du Sud aident à diversifier nos sources d’énergie et renforcent nos économies. Dans ce cadre, je voudrais saluer l’initiative Petro-Caribe, sous la direction du Venezuela, et l’accord bilatéral intervenu entre le Brésil et les États-Unis pour l’expansion de leur société avec la production de l’éthanol et étendre leur investissement à d’autres pays d’Amérique latine.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Ministres et délégués, illustres invités:

Les problèmes sont considérables et sont sans précédents. Cette Assemblée générale peut donc difficilement les résoudre tous. Cependant, je vois dans la prise en mains de ces problèmes par les ministres et hauts fonctionnaires de notre Continent, et dans leur engagement à avancer sur la voie de leur règlement, un signe prometteur.

En terminant cette allocution, je voudrais vous remercier, Mesdames et Messieurs les délégués auprès du Conseil permanent, pour votre préoccupation constante, et votre contribution à la bonne marche politique et administrative de notre Organisation. De même, j’aimerais remercier tout le personnel du Secrétariat général pour sa collaboration désintéressée et loyale. Et à vous, Mesdames et Messieurs les ministres et chefs de délégation, je vous adresse mes vœux les plus sincères de journées de travail fructueux, dans l’espoir que cette Trente-septième Session ordinaire de l’Assemblée générale nous donne la chance d’accomplir les progrès politiques nécessaires pour consolider le moment de croissance dans la démocratie que vit notre région.

Quel meilleur lieu pour réaliser et affronter cet enjeu que le Panama. Il y a environ un siècle, des hommes intrépides se sont attelés à la tâche titanesque de relier les deux océans, transformant ainsi le Panama en un véritable centre de l’humanité. Le Canal de Panama, cependant, a été construit, et a été inauguré sans être panaméen. Il y a trente ans, Omar Torrijos a de nouveau placé le Panama sur la scène mondiale lorsqu’il a négocié et signé les Traités Torrijos-Carter dont nous célèbrerons le souvenir dans quelques jours.

Nous sommes, Monsieur le Président, heureux d’être ici, à un moment où le Panama s’apprête à s’engager, cent ans plus tard, dans une nouvelle grande aventure avec l’élargissement de son canal. Nous sommes certains que dans cette tâche colossale que vous entreprenez, au nom de votre pays, vous bénéficierez, comme il y a trente ans lorsque les traités ont été signés, de l’appui de toute notre Amérique. Nous vous exprimons notre admiration, notre enthousiasme, et vous souhaitons beaucoup de succès dans votre désir de placer le Panama, de nouveau, au centre du monde.

Merci beaucoup.