Bureau de Presse à la CIDH
Washington, D.C. - La Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) et le Bureau du Rapporteur spécial pour la liberté d'expression (RELE) expriment leur préoccupation face à la grave situation des personnes arbitrairement privées de liberté au Nicaragua, et demandent instamment de garantir leur vie et leur intégrité, ainsi que leur libération immédiate.
Au 30 avril 2024, au moins 128 personnes sont arbitrairement privées de liberté dans le contexte de la crise des droits humains qui a débuté en 2018, selon les informations du Mécanisme de reconnaissance des prisonniers politiques au Nicaragua (un collectif composé de différentes organisations de la société civile). Parmi eux, plus de 30 personnes bénéficient de mesures conservatoires ou provisoires accordées par la CIDH et la Cour interaméricaine des droits de l'homme (Cour IDH).
À cet égard, le Mécanisme spécial de suivi pour le Nicaragua (MESENI) de la CIDH a reçu des informations sur les conditions de détention déplorables au Nicaragua, notamment les cellules insalubres, le manque d'accès à l'eau potable, la nourriture insuffisante et insalubre, le manque de soins médicaux spécialisés en temps voulu et l'absence de médicaments. En outre, des allégations persistantes font état de traitements cruels et inhumains de la part des autorités pénitentiaires et d'agressions de la part de personnes détenues de droit commun à l'encontre de celles identifiées comme « prisonnières politiques ».
D'après ce qui a été indiqué, ce contexte et la détention prolongée entraînent une grave détérioration de la santé physique et mentale des personnes détenues, en particulier des personnes âgées, ainsi que des personnes souffrant de maladies chroniques ou préexistantes à la détention, ce qui met gravement en danger leur vie et leur intégrité physique.
Dans l'établissement pénitentiaire intégral pour femmes « La Esperanza », les conditions de vie des femmes seraient encore plus graves en raison de rapports faisant état d'un isolement prolongé, d'intimidations, d'agressions, de menaces et d'interrogatoires constants de la part des autorités pénitentiaires, ainsi que du manque d'accès à des services de santé, d'hygiène et de propreté différenciés. Par exemple, Fátima Mejía Ruiz n'a pas reçu de soins de santé post-natals après avoir accouché avant sa détention.
Les restrictions arbitraires concernant l'autorisation des visites et la livraison de colis, de nourriture et d'eau potable persistent, ce qui maintient les familles dans l'anxiété et l'incertitude. Parmi d'autres cas figurent Jaime Navarrete Blandón, détenu en 2019, ainsi que les membres de l'église évangélique « Puerta de la Montaña », détenus en décembre 2023, dont l'état de santé n'est pas connu.
La CIDH et son RELE sont également préoccupés par l'absence d'informations officielles sur le lieu où se trouvent Freddy Quezada, Carlos Bojorge et Brooklyn Rivera depuis leurs détentions, ce qui pourrait constituer des disparitions forcées au regard du droit international. La CIDH et le RELE exhortent l'État à fournir des informations sur leur situation et à garantir leur droit à la vie conformément aux mesures de protection ordonnées par la CIDH et la Cour IDH.
L'accès à la justice, les garanties d'une procédure régulière et le droit à la défense continuent d'être affectés, dans un contexte d'absence totale d'une justice impartiale et indépendante et de violation du principe de séparation des pouvoirs. Parmi l'ensemble des atteintes constatées, on peut citer la restriction de l'accès aux dossiers, le refus du traitement des recours, le harcèlement et les menaces à l'encontre des représentants légaux, la réalisation de procédures judiciaires de manière virtuelle et sans la présence d'une défense légale et, en général, l'instrumentalisation du droit pénal pour criminaliser le plein exercice du droit à la liberté de religion, de réunion, d'expression et de ceux qui font partie de l'espace civique.
Dans ce contexte, en 2024, le RELE a documenté des perquisitions illégales et des détentions arbitraires à l'encontre de journalistes, d'artistes et d'universitaires. Le 19 mai 2024, il a été informé de la détention du journaliste Orlando Chávez Esquivel, directeur du programme d'information El Metropolitano, à León, ainsi que de ses frères, qui ont été relâchés après 20 heures de détention. Le même jour, l'enseignant et écrivain Pedro Alfonso Morales Ruiz a été détenu à Telica en représailles à sa participation à la présentation d'un livre. Le journaliste nicaraguayen Víctor Ticay est en prison depuis plus d'un an après avoir été reconnu coupable de conspiration visant à porter atteinte à l'intégrité nationale et de propagation de fausses nouvelles, après avoir diffusé une célébration religieuse.
La CIDH et le RELE exhortent l'État à libérer toutes les personnes détenues arbitrairement depuis le début de la crise en 2018. Ils exhortent également à cesser les persécutions judiciaires et la répression contre les différents acteurs de la société civile, tant dans l'environnement physique que numérique, y compris les journalistes, les personnes défenseuses des droits humains, les activistes, les artistes, les universitaires, les personnes opposantes politiques et les membres des communautés religieuses.
La CIDH est un organe principal et autonome de l'Organisation des États Américains (OEA) dont le mandat émane de la Charte de l'OEA et de la Convention américaine relative aux droits de l'homme. La Commission interaméricaine a pour mandat de promouvoir le respect et la défense des droits de l'homme et de servir, dans ce domaine, d'organe consultatif de l'OEA. La CIDH est composée de sept membres indépendants, élus à titre personnel par l'Assemblée générale de l'OEA et qui ne représentent pas leurs pays d'origine ou de résidence.
No. 132/24
10:10 AM