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JOSÉ MIGUEL INSULZA, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L'ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS
DISCOURS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L'OEA, JOSÉ MIGUEL INSULZA, A L'OCCASION DE L'OUVERTURE DE LA QUARANTE-QUATRIÈME SESSION ORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

3 juin 2014 - Asuncion Paraguay


Monsieur le Président, je vous remercie ainsi que votre gouvernement et tout particulièrement M. Eladio Loizaga, Ministre des relations extérieures, et tous les fonctionnaires du Ministère des relations extérieures, pour l'excellent accueil qui nous a été réservé à Asunción et pour le soin apporté à la préparation de cette quarante-quatrième session de l'Assemblée générale de l'Organisation des États Américains. J’espère simplement que nous saurons répondre à tant de générosité et d'efficacité par une Assemblée générale à la hauteur des attentes que nous avons placées en elle.

La tenue de cette Assemblée en terres paraguayennes, pour une seconde fois, est une immense source de satisfaction pour nous. Ce pays est l'un des pays fondateurs de l'Union Panaméricaine et a contribué de façon décisive à la création de l'OEA en 1948, en la soutenant toujours dans son travail. Lorsque la vingtième Assemblée générale s'est réunie à Asunción en 1990, ce pays qui nous est cher venait de retrouver sa démocratie et s'intégrait au nouveau continent démocratique qui naissait alors. C'était une période d'incertitudes, mais forte de convictions et d'espoirs. Aujourd'hui, nous revenons ici pour manifester une nouvelle fois au Président, à toutes les forces politiques et au peuple du Paraguay notre respect et soutien dans leurs efforts pour bâtir une patrie toujours plus prospère, plus démocratique et plus juste.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Ministres des relations extérieures, Mesdames et Messieurs les délégués,

Si j’ai assisté à de nombreuses reprises à l'Assemblée générale de l'OEA, d’abord en qualité de ministre des Relations extérieures de mon pays puis en qualité de Secrétaire général, je ne cesse d’être surpris, à une époque riche en Sommets, par la permanence et l’utilité que revêt cette Réunion des ministres des Relations extérieures. Je crois que c'est une manifestation de la force et de la vitalité que conserve, dans une période de profondes transformations, l'organisation politique la plus ancienne du monde, que dirigent les Ministres des relations extérieures des Amériques.

Sans cesse entourée de débats, d'analyses et de propositions quant à son avenir, l'OEA sert son objectif principal : constituer le Forum politique des pays des Amériques où tout se dit, où règne un véritable dialogue auquel chacun peut participer sur un pied d'égalité et donner son avis sur n'importe quel sujet d'importance pour la région, en étant traité avec dignité et respect. Pourvu que cette spécificité perdure à jamais, en particulier dans ce climat de démocratie et de liberté qu'il nous est donné de vivre.

C'est au sein de l'OEA qu'ont été adoptés tous les principaux instruments juridiques qui régissent notre système : la Charte de l'OEA même, le Pacte de Bogota sur le règlement pacifique des différends, la Convention américaine relative aux droits de l'homme (Pacte de San José), le Protocole de San Salvador traitant des droits économiques, sociaux et culturels, la Convention de Belém do Pará sur la violence contre la femme, la Charte démocratique interaméricaine, la Charte sociale des Amériques, la Déclaration de Mexico sur la sécurité multidimensionnelle, la Convention interaméricaine contre la corruption, la Convention interaméricaine sur l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les personnes handicapées, la Convention interaméricaine contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de munitions, d’explosifs et d’autres matériels connexes, les récentes conventions contre le racisme et toutes les formes de discrimination et beaucoup d'autres traités et accords.

Notre Secrétariat est aussi dépositaire des instruments fondateurs de la Banque interaméricaine de développement, de l'Institut interaméricain de coopération pour l’agriculture, de la Commission interaméricaine des femmes, de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, de l'Institut interaméricain de l'enfance et de l’adolescence, de l'Organisation panaméricaine de la Santé et de l'Institut panaméricain de géographie et d'histoire, entre autres.

En somme, l'OEA est dépositaire du droit et des institutions des Amériques. Un droit et des institutions bien vivants et fonctionnels, et que l'on souhaite renforcer jour après jour. C'est par cette colonne vertébrale que passe tout ce que les peuples des Amériques – du Nord, du Centre, des Caraïbes et du Sud – ont imaginé et réalisé ensemble.

Mais l'OEA ne se résume pas à cela. C'est aussi, et surtout, un ensemble de programmes d'action mis en pratique quotidiennement, notamment :
L'observation et la coopération en matière électorale. Entre 1962 et 2004, nous avons réalisé 121 missions d’observation et durant la décennie commencée en 2005, nous dépasserons les 100 missions, y compris celles qui se sont déroulées au cours des six derniers mois.

Il y a quelques jours, j’ai signé l’instruction portant création de l’Organe international d’agrément en matière électorale au sein de l'OEA, un service essentiel pour donner vie à une nouvelle norme, l’ISO 17582, qui permettra aux organes électoraux de nos États membres, et à d’autres à travers le monde qui le souhaitent, d’obtenir un agrément officiel pour leurs processus électoraux ; l’agrément couvre huit dimensions différentes, qui vont de l’enregistrement des candidats à la vérification du financement.

Il y a de nombreux programmes et activités qui mériteraient d'être évoqués ici. Les activités de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, l'action contre le trafic et l'abus des drogues, la sécurité publique, le développement du droit international, le programme des bourses d’études, le réseau de protection sociale, la promotion du développement intégré, la mission d'appui au processus de paix en Colombie, la mission pour la Zone adjacente du Belize et du Guatemala, le programme de déminage, les programmes de marquage d'armes, le programme pour l'efficacité dans la gestion publique, le programme d'identité civile, le mécanisme d'évaluation de la mise en œuvre de la Convention interaméricaine contre la corruption (MESICIC), les travaux de la Commission interaméricaine des femmes, le Programme de facilitateurs judiciaires, les simulations de l'Assemblée générale de l'OEA, le dialogue permanent avec la société civile. Et beaucoup d'autres encore.

À l'occasion de cette Assemblée générale, nous livrons un compte rendu minutieux de toutes nos activités. Je vous invite à l'examiner pour prendre connaissance de la variété, de l'ampleur et de la qualité du travail effectué par cette Organisation.

Cependant, avec le même élan que j’imprime pour souligner nos activités et nos réalisations, je dois préciser que l'OEA ne prétend en aucun cas être la seule entité représentative du continent. Au contraire, nous reconnaissons et valorisons l'émergence de nouveaux organismes ou forums régionaux qui accomplissent, dans un processus d'internationalisation grandissante, des tâches que l'OEA n'a pas pour mission d'effectuer. Il ne s’agit pas d’être des concurrents mais de coopérer pour le bien de nos pays membres.

Nous cherchons à forger des relations optimales avec des organismes ou forums tels que l'UNASUR, le SICA, le CARICOM, la CELAC, le MERCOSUR, la Communauté andine, le SELA ou l'OECO en leur prêtant tous les services à notre disposition.

L’heure est venue aussi de rappeler que, forts de nos atouts, nous sommes maintenant consacrés à une nouvelle définition de notre programme d’action continental et de nos priorités. Nous avons lancé ce processus il y a deux ans et demi, lorsque j'ai remis au Conseil permanent le premier document sur la Vision stratégique. Un an plus tard, j'ai présenté une version plus complète et le Conseil permanent a mené cette année un débat qui a donné lieu à une résolution, aujourd'hui portée devant cette Assemblée.

La nouvelle réalité que vit notre continent et la façon dont elle conditionne la relation multilatérale entre ses États constituent le point de départ de cet exercice. Ma proposition de Vision stratégique se fonde sur les exigences actuelles des sociétés de notre continent et sur les transformations qu’elles ont connues ces dernières décennies.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Ministres des relations extérieures,

Les Amériques ont traversé entre 2002 et 2012 une période exceptionnelle de leur histoire. Les résultats économiques ont permis au PIB de l'Amérique latine de dépasser les six billions de dollars, augmentant ainsi significativement sa participation à l'économie mondiale. La région a profité – pour la première fois de son histoire – d'une combinaison bénéfique faite de croissance et de stabilité macroéconomiques, de réduction de la pauvreté et même d'une amélioration marginale dans la répartition des revenus. En même temps, si les économies du Nord ont souffert de la crise économique, elles ont conservé leur taille et importance au sein de la région et leur sortie de la crise est une bonne nouvelle pour l'ensemble du continent.

Durant cette période, plus de soixante millions de personnes sont sorties de la pauvreté en Amérique latine. Selon les chiffres de la CEPALC, la pauvreté a chuté, en passant de 43,9 % en 2002 à 28,8 % en 2012. Bien que le qualificatif de “classe moyenne” que l'on donne à ceux qui ont dépassé le seuil soit trompeur, le fait est que, pour la première fois, le nombre de personnes considérées à revenu intermédiaire de tranche inférieure est égal au nombre de personnes de la région vivant dans la pauvreté. Les degrés de réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement sont positifs dans presque tous les pays.

Le nouveau siècle a également vu une consolidation de la démocratie, de trois façons différentes. Premièrement, les pays des Amériques ont signé, le 11 septembre 2001, la Charte démocratique interaméricaine, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle ère pour la politique régionale, dans laquelle la démocratie en tant que forme de gouvernement et d'organisation sociale n'est plus seulement une aspiration commune mais un droit des citoyens et une obligation à laquelle les États de la région ont librement souscrit.

Deuxièmement, des élections démocratiques ont été réalisées aux quatre coins de la région et à tous les niveaux. L'OEA a observé 93 élections au cours des neuf dernières années. Ces élections se sont déroulées librement et à scrutin secret, ont bénéficié d'une forte participation et, pour la grande majorité, n'ont pas été contestées. Dans de nombreux cas, la passation de pouvoir s'est effectuée entre deux forces politiques distinctes.

Troisièmement, la gouvernance a énormément progressé parmi les États membres. Si entre 1990 et 2015 16 gouvernements n'ont pas terminé leur mandat, cela ne s'est produit qu'à deux reprises durant mon mandat de Secrétaire général de l'OEA.

En somme, notre région a connu de puissants changements en termes d'économie, de société et de politique. La question qui se pose à nous aujourd'hui est de savoir si, dans des conditions économiques quelque peu différentes, nous serons capables de nous attaquer efficacement aux grands problèmes que connaissent encore nos démocraties afin de les rendre plus stables, plus justes et plus efficaces dans leur réaction face aux exigences de nos citoyens.

Pour avancer sur le plan du développement de la démocratie et connaitre une croissance intégrale qui soit saine, notre région doit relever quatre défis politiques pressants : l'inclusion sociale, la sécurité publique, la défense des droits de la personne et l'expansion de la démocratie et de l'État de droit.

Ce sont ces défis qui sous-tendent notre vision. Pour renforcer l'OEA, il faut s’y prendre sur la base de nos définitions de ces défis, tels qu’ils s’expriment actuellement. D’où l’importance de cette Assemblée générale et la lucidité dont a fait preuve le Gouvernement du Paraguay et le Président Cartes, qui nous a proposé le thème de l’inclusion sociale, premier grand défi de notre continent, aux fins d’analyse et, surtout, dans le but de trouver des solutions utiles à ce problème que connaissent nos démocraties.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Ministres et Vice-ministres des relations extérieures, Mesdames et Messieurs les délégués,

Nous devons reconnaitre que si l'expansion de la démocratie et une meilleure croissance économique ont permis de réduire la pauvreté et d'offrir la perspective d'une vie meilleure à de nombreux citoyens, ces avancées n'ont pas fait de nos pays des sociétés plus équitables. Au contraire, l'injustice qui prévaut encore dans la répartition des richesses et dans l'accès aux biens sociaux atteint des niveaux qui menacent d'endommager notre tissu démocratique.

Et permettez-moi de rappeler, à ce sujet, une phrase magistrale du président John F. Kennedy, prononcée au moment de son investiture le 20 janvier 1961 : “Si une société libre ne peut aider la multitude des pauvres, elle ne peut aider le petit nombre des riches”.

Il s'agit d'un problème continental, puisque les pays les plus développés de la région sont également de plus en plus confrontés à des situations d'inégalité, avec l’accumulation de la richesse par quelques familles et l’exclusion d’importants secteurs de la société. Les inégalités n'ont pas suffisamment diminué dans le monde en développement et ont augmenté dans le monde industrialisé.

En Amérique latine, les 10 % les plus riches reçoivent 32 % du revenu total, alors que les 40 % les plus pauvres ne reçoivent que 15 %. Le pays le plus égalitaire d'Amérique latine a le même coefficient de Gini que le pays asiatique avec le plus d'inégalités.

Un tiers de la population totale d'Amérique latine continue de vivre dans des ménages disposant d'un revenu entre 4 et 10 dollars par jour. Ces personnes sont, statistiquement parlant, sorties de la pauvreté qui afflige plus de 167 millions de personnes en Amérique latine, mais les qualifier de “classe moyenne” est insensé. En fait, il s'agit de millions de “non pauvres” qui se trouvent dans une tranche de revenu les rendant extrêmement vulnérables.

La moitié des adultes indigents (âgés de 25 à 65 ans) n'a pas terminé l'école primaire. Ceux qui n’ont pas terminé leur éducation secondaire constituent 45 % des pauvres non indigents. En ce qui concerne les personnes pauvres, moins de 1 % d'entre elles ont terminé leur éducation supérieure.

Par ailleurs, les jeunes de moins de 17 ans constituent 51 % de la population indigente et 45 % de la population pauvre non indigente en Amérique latine. En d'autres termes, près de la moitié des personnes vivant dans la pauvreté sont des enfants, ce qui jette une ombre sur leurs perspectives d'avenir.

Les inégalités ne se manifestent pas seulement dans les énormes différences de revenu, mais proviennent également de discriminations liées à des questions de classe, de race, de genre, d'orientation sexuelle, d'origine géographique ou de capacités physiques qui se traduisent en une situation d'inégalité sociale incompatible avec nos idéaux démocratiques.

Être femme, pauvre, autochtone, d'origine afro-américaine, migrant, handicapé, homosexuel ou travailleur informel signifie partir d'une position défavorable dans la société par rapport à ceux qui n'ont pas ce désavantage du genre, de la condition économique, de la race, du statut migratoire, des caractéristiques physiques, de l'orientation sexuelle ou de la situation de travail. Généralement, ces catégories impliquent certaines conditions économiques, d'accès aux services, de protection publique et de perspectives éducatives ou professionnelles qui finissent par se traduire en exclusion sociale. Bien que ces catégories sociales puissent avoir d'autres origines, elles s’exposent habituellement aux abus, à l'exclusion et/ou à la discrimination. Comme me l’a rapporté hier l’un de leurs dirigeants, “nous, les autochtones, ne sommes ni pauvres ni vulnérables ; nous avons été rendus pauvres et vulnérables.”

En somme, à la vulnérabilité économique s'ajoutent d'autres facteurs de vulnérabilité, notamment :

- des inégalités dans l'accès aux services publics de base, tels que l'éducation, la santé, l'eau potable, le logement, la sécurité et les transports publics ;

- la discrimination dont souffrent encore les femmes, les populations autochtones et afro-américaines, les migrants, les personnes handicapées et d'autres groupes socialement vulnérables ;

- des conditions insuffisantes d'exercice des droits de la personne, notamment pour l'accès à la justice et la liberté d'expression ;

- le travail informel, qui place un grand nombre de travailleurs en situation de précarité en termes d'emploi et de revenu, en les privant de la protection à laquelle ils ont droit ;

- l'inégalité dans les possibilités de participation politique, tant dans l'exercice du suffrage que dans la capacité d'avoir une incidence effective sur l'action des institutions publiques.

Toutes ces formes de discrimination ou d’“inégalité de catégorie” sont citées dans l’ouvrage sur les inégalités et l’exclusion sociale dans les Amériques élaboré par le Secrétariat général en prévision de cette Assemblée générale.

Le mécontentement que provoquent des situations telles que celles que je viens de décrire est à l'origine des revendications des citoyens qui se font entendre dans les rues de notre continent. En effet, les mouvements sociaux qui se sont manifestés dernièrement dans plusieurs pays de la région ne portent pas le germe d'une révolution, mais constituent une demande de meilleures conditions de vie au sein d'une meilleure démocratie, et cette demande ne fera que croitre parce que la protestation est souvent menée par la majorité de jeunes qui habitent notre continent, une majorité qui se retrouve de manière transversale dans toutes les catégories de discrimination.

C'est pour cela que le débat sur les inégalités et l'exclusion doit cesser d'être purement économique et doit être replacé dans le domaine des politiques publiques. Aujourd'hui, nous savons que les marchés ne redistribuent pas et que les décisions prises par les États pour améliorer la répartition des richesses sont ce qui permet à l'économie de marché d'être compatible avec la démocratie.

Il est vrai que des facteurs bénéfiques, tels que l'acquisition de connaissances et de compétences ou l'investissement dans la science et la technologie, sont également à l'œuvre dans le processus économique et permettent une meilleure répartition du revenu. Cependant, les décisions politiques des gouvernements sont également importantes sur ce plan.

Pour ce qui est des politiques publiques motivées par une saine aspiration à lutter contre ces énormes inégalités, il existe toujours un risque d'exercer une influence excessive sur l'investissement et la croissance économique. Le rôle de la politique et des dirigeants est de trouver, en faisant preuve de responsabilité et dans le cadre de l'État de droit, le bon équilibre entre croissance et politiques d'inclusion sociale et de répartition des richesses. La façon la moins couteuse de lutter contre les inégalités est probablement de chercher à nouer de vastes accords entre les acteurs sociaux et les dirigeants politiques.

La réponse politique a été exposée plusieurs fois et s'exprime en faveur d'un État social de droit qui revêt cinq caractéristiques :

1) être capable de créer, au sein de l'État, un “plancher de protection sociale”, c’est-à-dire un ensemble de services publics fondamentaux (incluant l'éducation, la santé, le logement, la sécurité publique et la sécurité sociale) pour tous ses citoyens, conformément au degré de développement économique de chaque pays ;

2) avoir une économie qui fournit du travail décent à ses hommes et femmes sur un pied d'égalité ;

3) assurer que tous les citoyens ont les mêmes chances, en éliminant tout facteur de discrimination ;

4) avoir un système fiscal capable de répartir et en même temps financer adéquatement un État démocratique, efficace et transparent ;

5) disposer de mécanismes de participation politique propices au contrôle adéquat des citoyens pour ce qui est de l'attention accordée à leurs droits.

Nombreuses sont les réponses aux questions posées aujourd'hui qui sont décrites en termes généraux dans la Déclaration d'Asunción, une déclaration qu'il incombe à cette Assemblée générale de débattre et d'approuver. Les principales formes d'exclusion et les politiques envisageables figurent dans le rapport que nous avons élaboré pour les besoins de cette réunion, ainsi que dans la contribution de nombreuses organisations internationales et nationales à cette question. Toutefois, l'action individuelle ou concertée incombe aux États membres. Ce sont les gouvernements du continent qui doivent s’atteler – et c'est ce qu'ils font déjà – à cette tâche incontournable pour nos démocraties. Nous espérons qu'ils nous feront part eux-mêmes de leurs expériences durant cette Assemblée.

Dans ce domaine, nos gouvernements ont contribué largement au cours des dernières décennies. Nous avons commencé avec des gouvernements très faibles et, en raison de la teneur idéologique de notre politique durant les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, nous étions mal préparés pour répondre à ces exigences formulées par nos citoyens. Par ailleurs, si le processus démocratique a affermi nos États et si ces derniers ont entrepris d'importants programmes pour éliminer la pauvreté et améliorer considérablement l'accès aux services publics, des lacunes demeurent, qui les empêchent de répondre à toutes les attentes placées par les citoyens dans leurs démocraties.

Nous sommes convaincus que le renforcement de la démocratie est très étroitement lié aux préceptes de notre Charte démocratique interaméricaine. C'est au moyen du plein exercice de la citoyenneté politique, civile et sociale que, selon la CDI, nous pouvons respecter nos engagements et rendre ce continent beaucoup plus démocratique et moins pauvre qu'avant ; c'est aussi grâce à cela qu'il peut être plus juste.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les ministres des relations extérieures, Mesdames et Messieurs les délégués, Chers invités,

Je voudrais maintenant me tourner vers la Commission interaméricaine des droits de l'homme, constituée de tous les États membres. Cet organe a vu une augmentation des plaintes déposées pour des violations des droits de la personne, qui sont passées de 6 417 cas durant la période 1997-2004 à 14 133 entre 2005 et 2013, ce qui démontre plus que tangiblement que les citoyens des Amériques ont de plus en plus confiance en elle. Cette dernière année seulement, ces plaintes représentent cinq fois le nombre des plaintes déposées en 1997. Les affaires renvoyées à la Cour interaméricaine des droits de l'homme par la Commission ont augmenté, qui sont passées de 54 durant la période 1997-2004 à 120 durant la période 2005-2013, preuve de l'efficacité des interventions de la Commission.

Le système interaméricain des droits de la personne est une des principales richesses de notre Organisation ; cette dernière lui doit son utilité et son prestige à travers le continent tout entier et bien au-delà.

En 2011, l’Assemblée générale de San Salvador a entamé un processus de débat sur le renforcement du système, qui s'inspire de l'impératif consistant à élargir le dialogue entre les États membres, la Cour et la Commission, avec une contribution de la société civile. Cet exercice a donné lieu à un rapport qui a été approuvé par l'Assemblée générale à Cochabamba en 2012 et dont les dispositions ont été appliquées par une session extraordinaire de l'Assemblée générale quelques mois plus tard.

Ce processus a été salué en raison de ses résultats fructueux et ce, presque à l'unanimité, le dialogue entre la Commission et les États membres s'est enrichi et la CIDH a appliqué de manière concluante les réformes qui lui ont été demandées dans le domaine de son autonomie d’intervention. Toutefois, certains États membres ont insisté pour que l'on entame d'autres réformes.

Au début, ce Secrétariat général a impulsé le débat et a même émis l'avis qu'une réunion d'États parties, quoique non prévue aux termes de la Convention, pourrait être utile pour atteindre l'objectif recherché : l'universalité de la Cour et le renforcement matériel de l'action du système.

Toutefois, aujourd'hui, je considère que ce processus a clairement été détourné des voies prévues à l'origine. Aujourd'hui donc, certains pays membres sont exclus du débat et les questions débattues ont à voir avec le déménagement du siège de la Commission et d'autres, qui sont très onéreuses, et dont l'utilité est discutable, ont peu de chances de réunir un consensus.

Je ne remets pas en question le droit de tout État d'intenter une réforme du système. Cependant, cela doit avoir lieu au moyen de modifications des normes juridiques correspondantes et presque toutes ces normes sont consacrées dans la Charte de l'OEA et dans la Convention américaine relative aux droits de l’homme, lesquelles sont modifiées par l'Assemblée générale et, étant donné qu'il s'agit de traités, sont assujetties à la ratification de chaque pays.

La discussion a été matière à confusion lorsque la question du siège de la CIDH a été placée au cœur du débat. Il a été avancé que, pour qu'un pays soit le siège d'un organe, il faut qu'il en fasse partie. Pourtant, la Commission fonctionne à Washington et le pays d'accueil est membre de la Commission, laquelle a été créée par la Charte. La Cour fonctionne au Costa Rica, et le pays d'accueil est membre de la Cour, laquelle a été créée par la Convention. Le Secrétariat général assure les services de secrétariat de la Commission et, naturellement, il assure ces services en son siège, ce qui est prévu dans l'article 76 de la Charte.

En somme, Monsieur le Président, je crois qu'il est de mon devoir d'avertir de quelque chose qui se voit déjà. Il ne s'agit pas d'un processus de renforcement. Il s'agit d'un débat large et ardu, sans résultats bénéfiques, qui ne peut que nous affaiblir et nous diviser, et remettre en question l'une des principales richesses de cette Organisation.

Je ne veux pas ouvrir un débat durant une Assemblée générale qui n'a pas été convoquée à cette fin. Je recommande que notre Conseil permanent, avec tous ses membres et avec la pleine participation des membres de la Commission, que vous avez élus, se penche sur le meilleur moyen de réorienter cette question. La Commission peut décider de tenir des sessions dans d'autres pays et je suis persuadé que, si des pays membres l'invitent, elle n’aurait aucun problème à le faire. Nous pouvons aussi reprendre le dialogue avec les pays non membres, mais pour ce faire, il ne faudrait pas les exclure a priori. En résumé, faisons ce qui est juridiquement possible sans pour autant modifier la Charte ou la Convention, faisons quelque chose qui soit à la fois politiquement envisageable, sans créer des divisions entre nous.

Monsieur le Président, Chers amis,

Ces dix dernières années, notre Organisation a été un acteur politique fondamental dans notre continent. Les divergences idéologiques qui se sont exprimées en son sein ont constitué un obstacle au développement de sa mission d'unité et de coopération et, à l’inverse, ont conforté son rang d’instance de débat, la meilleure arme contre le conflit.

C'est pourquoi je vous appelle tous et toutes à entreprendre un débat de nature positive, qui ouvre un espace à l'entente et aux accords. À des solutions qui bénéficient à l'ensemble de la société de notre continent. Tel est l'esprit qui a animé mon action en qualité de Secrétaire général de l'OEA. La recherche du consensus est un chemin tantôt complexe, tantôt ingrat, mais nous n'y renoncerons pas car, en fin de compte, les solutions consensuelles sont plus solides et plus durables.

Merci beaucoup.