RAPPORT
DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LA MISSION DÉTACHÉE PAR L’OEA, ET
SUR LA MISSION OEA/CARICOM EN HAÏTI 3
JUIN 2001 ANTÉCÉDENTS: À
une séance extraordinaire du Conseil permanent le 13 juillet 2000, le
Chef de la Mission d’observation des élections détachée par l’OEA
en Haïti (MOE), l’Ambassadeur Orlando Marville, a fait un exposé
verbal sur les conclusions découlant de cette mission par suite des élections
municipales qui avaient eu lieu dans ce pays le 21 mai 2000.
Dans son rapport, le Chef de cette mission a souligné les
imperfections et les difficultés rencontrées dans ces élections, et a
mentionné en particulier, la méthode défectueuse qui avait été employée
par le Conseil électoral provisoire (CEP) dans la répartition des sièges
entre certains membres du Sénat haïtien.
Étant donné que le CEP n’avait pas corrigé les imperfections
qui avaient été identifiées, la MOE n’a pas envoyé d’observateurs
au second tour des élections législatives et municipales qui avaient également
été boycottées par plusieurs partis politiques en Haïti.
La situation était arrivée à un point mort. Ces
élections étaient considérées comme vitales pour la consolidation démocratique
d’Haïti dont le Parlement n’avait pas siégé depuis janvier 1999.
En conséquence, des centaines de millions de dollars
d’assistance pour le développement dont la nécessité était impérieuse,
avaient été retenues. La tenue d’élections législatives et municipales crédibles
avait été considérée comme une condition préalable à toute
continuation de l’assistance de la communauté internationale à Haïti. L’échec des autorités face au redressement des
imperfections identifiées aux élections du 21 mai créa donc, non
seulement une crise de légitimité, mais également une importante
impasse politique en Haïti.
Sur cette toile de fond, le Conseil permanent a adopté, le 4 août,
la résolution CP/RES. 772 (1247/00),
par laquelle il a décidé ce qui suit:
“D’accepter l’invitation émanée du Gouvernement d’Haïti
et d’envoyer dans les meilleurs délais dans ce pays une mission dirigée
par le Secrétaire Général et comportant une représentation du Groupe
d’Amis du Secrétaire Général des Nations Unies, en vue d’identifier
avec le Gouvernement d’Haïti et
d’autres secteurs de la communauté politique et civile, des options et
recommandations visant à résoudre le plus rapidement possible les
difficultés comme celles qui ont découlé
des différentes interprétations de la loi électorale, et de
continuer à renforcer la démocratie dans ce pays”. Pour
donner suite à ce mandat, le Secrétaire général de l’OEA, César
Gaviria, et le Secrétaire général adjoint, Luigi Einaudi étaient en Haïti
du 17 au 20 août 2000, accompagnés par les Ambassadeurs, Représentants
permanents près l’OEA d’Argentine, Son Excellence Juan José Arcuri;
du Chili, Son Excellence. Esteban Tomic Errazuriz, et du Venezuela, Son
Excellence Virginia Contreras. Accompagnaient
également le Secrétaire général et le Secrétaire général adjoint de
l’OEA, le Secrétaire général adjoint aux relations extérieures et
communautaires du Secrétariat de la Communauté des Caraïbes (CARICOM),
M. Albert Ramdin. RAPPORT DE LA MISSION DE L’ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS
EN HAÏTI: Août-novembre 2000
Le
premier rapport sur cette Mission qui fait l’objet du document
CP/doc.3349/00 est daté du 24 août 2000.
Dans ce rapport, le Secrétaire général a souligné ce qui suit:
“Ils ont reconnu que le contrecoup des élections du 21 mai avait
servi à exacerber une crise de la vie politique et des institutions démocratiques
dans le pays, au lieu de commencer à la résoudre, comme on l'avait espéré. Le sentiment selon lequel il fallait d'urgence engager un
dialogue politique coexiste maintenant avec des doutes quant à la
possibilité de tenir un tel dialogue” Par
la suite, le Secrétaire général adjoint, l’Ambassadeur Einaudi
s’est rendu en Haïti à plusieurs reprises du 15 septembre au 23
octobre 2000 pour essayer de créer un terrain favorable au dialogue et de
le promouvoir. Le 11 octobre
2000, le SGA a fait un rapport verbal devant le Conseil permanent dans
lequel il indiquait les divergences majeures qui devaient être rapprochées,
et que le facteur temps jouait de plus en plus à l’encontre de toutes
les parties concernées. Il a
souligné qu’en dépit de l’absence d’un accord politique sur les
moyens de résoudre les divergences issues des élections du 21 mai,
et d’ancrer la légitimité de la présidence et du Sénat, il semblait
évident que le calendrier des élections du 26 novembre – c’est-à-dire
dans les six semaines qui suivaient – allait être respecté. Pendant
sa visite du 13 au 23 octobre, le Secrétaire général adjoint a réussi
à promouvoir et rendre possible plusieurs réunions entre les représentants
des partis politiques et des institutions de la société civile en Haïti.
En fait, le dialogue a été marqué de l’empreinte d’un
document présenté par l’Ambassadeur Einaudi, intitulé “Éléments
de réflexion pour un accord national,” dont plusieurs points ont bénéficié
d’un accord significatif de toutes les parties concernées. En
dépit de ces efforts, le Secrétaire général adjoint a noté, dans le
Deuxième rapport sur la mission détachée par l’OEA en Haïti (CP/doc.
3371/00 daté du 9 novembre 2000) ce qui suit “…un consensus
suffisamment large n’a pas pu être réuni pour la réalisation de
l’objectif visé par l’OEA, c’est-à-dire, la négociation d’un
accord national entre les parties qui pourrait dénouer la crise politique
et sur la base de critères propres à bénéficier de l’appui de la
communauté internationale”. Des
consultations se sont alors poursuivies à l’intérieur comme à l’extérieur
d’Haïti. Des réunions ont
été tenues avec les collaborateurs de l’OEA, spécifiquement avec le
Groupe des Amis du Secrétaire général des Nations Unies et avec la
CARICOM, au titre d’un effort visant à redresser les imperfections
avant les élections présidentielles du 26 novembre. Malheureusement, cela n’a pas été fait, et les élections
présidentielles eurent lieu sans que les imperfections des élections du
21 mai n’aient été corrigées. L’OEA
n’a pas envoyé des observateurs à ces élections.
Le 27 novembre, elle a émis un communiqué de presse par lequel
elle déclarait ce qui suit: “Bien
que la décision des autorités haïtiennes de tenir de toute façon les
élections le 26 novembre en l’absence d’un accord permette d’éviter
l’interruption d’un calendrier pour la succession présidentielle
consacrée dans la Constitution haïtienne, elle ne change en rien le
besoin d’assurer une large représentation politique et la participation
citoyenne qui sont cruciales pour le développement de la démocratie en
Haïti”. Janvier – mars 2001
Le
12 janvier 2001, le Premier Ministre d’Haïti, S.E. Jacques-Edouard
Alexis, a effectué une visite au Siège de l’OEA et s’est entretenu
avec le Secrétaire général adjoint, Luigi Einaudi.
Le Premier Ministre haïtien s’était en effet rendu à
Washington tant pour répondre à la demande du Président de la République
d’Haïti, Son Excellence René Préval, et du Président-élu, Jean
Bertrand Aristide que dans le but de revitaliser le Dialogue avec
l’appui de l’OEA dans la perspective d’un consensus sur les
questions qui restaient encore à résoudre et qui avaient été identifiées
dans le document “Éléments de réflexion pour un accord national.”
Le Premier Ministre et le Secrétaire général adjoint ont passé
en revue la tâche accomplie par la Mission de l’OEA dans la ligne du
mandat émis dans la résolution du Conseil permanent CP/RES. 772.
Pendant cette réunion, le Secrétaire général adjoint a noté
qu’une large représentation politique et la participation citoyenne étaient
indispensables à la stabilité d’Haïti.
Soulignant que ces points avaient bénéficié d’un consensus
pendant sa mission du 13 au 21 octobre 2000 en Haïti,
l’Ambassadeur Einaudi a exprimé sa profonde préoccupation quant au
besoin d’une sécurité accrue pour tous les Haïtiens.
Il a aussi exprimé sa conviction que le document “Éléments de
réflexion” présenté par Fanmi Lavalas et la Convergence démocratique
le 19 octobre 2000 pourrait servir de base pour renouer le dialogue,
particulièrement si le Gouvernement haïtien avait mis en œuvre les
points couverts par le Président-élu Jean-Bertrand Aristide dans la
lettre qu’il avait adressée le 27 décembre au Président des États-Unis
d’Amérique Le
Secrétaire général adjoint Einaudi a plus tard séjourné en Haïti du
6 au 10 février pour représenter le Secrétaire général à une cérémonie
marquant l’investiture du nouveau Président d’Haïti le 7 février.
Pendant cette visite, l’Ambassadeur Einaudi a profité de
l’occasion pour garder ouvertes les lignes de communication à toutes
les parties concernées dans le but de déterminer la mesure dans laquelle
existaient les conditions permettant de justifier que l’OEA, de concert
avec le Gouvernement ainsi que d’autres secteurs de la communauté et de
la société civile d’Haïti pouvait continuer à envisager des options
et à formuler des recommandations visant à sortir de l’impasse
politique actuelle dans ce pays. Le
Secrétaire général adjoint a également saisi cette occasion pour évaluer
les possibilités de mettre en œuvre les mesures qui pourraient être jugées
appropriées pour renforcer davantage la démocratie en Haïti conformément
à la résolution CP/RES.772, et à l’engagement en huit points assumé
en décembre 2000 par le Président-élu comme indiqué ci-dessus.
L’Ambassadeur Einaudi s’est de nouveau rendu en Haïti du 8 au
10 mars 2001. Les
informations relatives à ces visites du Secrétaire général adjoint
peuvent être obtenues en consultant le Troisième Rapport de la mission
de l’OEA en Haïti (CP/doc.3419/01 corr.2) qui a été publiée le 13
mars 2001. Ce rapport a
conclu qu’Haïti a “évidemment pris certaines mesures, mais un long
chemin reste encore à parcourir. Les
mesures adoptées jusqu’à présent ne répondent pas au besoin
d’assurer le renforcement de la démocratie en Haïti.”
Le rapport a également parlé des indications reçues du Président
Aristide que son Ministre des affaires étrangères, M. Joseph Philippe
Antonio, présenterait devant le Conseil permanent, à une réunion prévue
le 14 mars 2001, une proposition de création d’une commission
spéciale de l’OEA pour appuyer la démocratie en Haïti.
Le rapport a suggéré que si cette commission devait être créée,
comme le demandait le Gouvernement haïtien, il aurait été prudent que
l’accent y soit placé, du moins dans un premier temps, sur les
nouvelles mesures portant sur le dialogue politique, peut-être en
employant un format analogue à la procédure du dialogue au Pérou
impliquant le Gouvernement, l’opposition, et la société civile avec
l’OEA agissant en qualité d’observateur. Le rapport a en outre noté que si le processus du dialogue
commençait à produire des résultats, l’OEA aurait besoin de la
collaboration des secteurs critiques des Nations Unies, des institutions
financières internationales et de chacun des membres de la communauté
internationale. Dans
le discours qu’il a prononcé le 14 mars, le Ministre haïtien des
affaires étrangères a recherché l’appui du Conseil permanent pour la
création de cette commission spéciale sur Haïti.
Après avoir examiné cette requête, le Conseil a adopté la résolution
CP/RES. 786 (1267/01) corr.1, par laquelle il a décidé: 1.
“De déclarer sa conviction que la solution de la crise découlant
des élections du 21 mai 2000 en Haïti demeure un facteur essentiel au
renforcement de la démocratie et au respect des droits de l'homme en Haïti.
2.
De demander
au Secrétaire général d'entreprendre les consultations nécessaires
auprès du Gouvernement haïtien ainsi que d'autres secteurs de la
communauté politique et la société civile, en gardant à l'esprit la déclaration du Ministre des affaires étrangères et des
cultes d'Haïti, au sujet du potentiel de dialogue visant à résoudre la
crise découlant des élections du 21 mai 2000, et à renforcer la démocratie
et le respect des droits de l'homme en Haïti. 3.
De demander
au Secrétaire général de soumettre au Conseil permanent, au plus tard
le 2 mai 2001, un rapport sur ses consultations et, le cas échéant, de
proposer d'autres mesures qui pourraient contribuer au renforcement du
processus démocratique en Haïti.
Avril à mai
Sur la demande du Secrétaire général, le Secrétaire général
adjoint a séjourné en Haïti du 2 au 4 avril pour déterminer si des
mesures concrètes avaient été adoptées par les autorités et la
communauté politique en général, en vue de donner suite aux engagements
assumés précédemment et aux initiatives annoncées par le Ministre haïtien
des affaires étrangères à la séance du Conseil permanent tenue le 14
mars. La visite et les
consultations de suivi se sont déroulées à la lumière des préparatifs
du Troisième Sommet des Amériques tenu à Québec (Canada) du 18 au 22
avril 2001. À cette
occasion, plusieurs États membres ont fait état de leur préoccupation
croissante au sujet des présentes difficultés politiques en Haïti et de
leurs répercussions sur la démocratie dans le Continent américain.
À Québec, le Secrétaire général et le Secrétaire général
adjoint se sont réunis avec les autorités haïtiennes qui à leur tour,
ont eu des échanges avec les dirigeants du Continent américain en se référant
tout spécialement à ceux de la CARICOM.
D'intenses consultations ont été tenues à cette occasion, et
diverses options visant à résoudre l'impasse politique ont été discutées.
À la clôture du Sommet de Québec, le Premier Ministre du Canada,
Son Excellence Jean Chrétien, a déclaré que le cas d'Haïti avait
particulièrement retenu l'attention des chefs d'État et de gouvernement.
Il a rendu hommage aux efforts qu'avait déployés le Président
Aristide pour résoudre les problèmes qui continuent à entraver le développement
démocratique, politique, économique et social du pays, ainsi que les
efforts des partis politiques et d'autres secteurs de la vie politique,
notamment des membres de la société civile.
Le Premier Ministre a ajouté ce qui suit:
“Pour faciliter la réalisation de ces objectifs, nous avons
demandé au Secrétaire général de l'OEA, Monsieur César Gaviria, d’œuvrer
en collaboration avec la CARICOM, de tenir des consultations, de se rendre
à Port-au-Prince dans un proche avenir, et de soumettre un rapport sur les
résultats de sa visite avant la prochaine Session de l'Assemblée générale,
et d'en assurer le suivi”.
Le 25 avril, le Conseil permanent a été officiellement saisi de
cette décision par le Secrétaire général, qui a souligné que le
rapport devant être présenté le 2 mai serait soumis à l’Assemblée générale
à l’issue de ses consultations. INITIATIVE MIXTE OEA/CARICOM SUR
HAITI:
Le 9 mai 2001, répondant directement à la requête du Premier
Ministre Jean Chrétien, le Premier Ministre de la Barbade, Son Excellence
M. Owen Arthur, Président de la Conférence des chefs de gouvernement de
la Communauté des Caraïbes (CARICOM), et le Secrétaire général ont
accepté de conjuguer les efforts de l'OEA et la CARICOM concernant Haïti
dans le cadre d'une mission mixte devant être dirigée par le Secrétaire
général et l'ancien Premier Ministre du Commonwealth de la Dominique,
Dame Eugenia Charles.
À ces fins, une mission mixte d'exploration composée des Secrétaires
généraux adjoints de l'OEA et de la CARICOM respectivement, accompagnée
des conseillers du Centre CARTER, a effectué une visite en Haïti du 10
au 13 mai. De longues
consultations ont été tenues avec le Président Aristide, des représentants
de son parti politique, Fanmi Lavalas, des représentants de la Convergence
démocratique, des représentants de la société civile et des représentants
du groupe d'Amis du Secrétaire général des Nations Unies.
D'autres partis et groupes politiques ont aussi envoyé des représentants.
À l’issue de la mission d'exploration, l’Ambassadeur Einaudi,
et l’Ambassadeur Ramdin ont noté que les conditions pour une solution
globale n’existaient pas. En
raison du mandat de la mission, de la gravité de la situation, et étant
donné la position de bon nombre d’États membres et du Président de la
Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CARICOM, le Secrétaire
général et Dame Eugenia Charles se sont rendus en Haïti du 29 au 31
mai, se sont réunis avec le
Président Aristide et les partis politiques les plus importants, et une
vaste gamme de représentants de la société civile.
La Mission a été profondément préoccupée par le manque de
confiance mutuelle et l’absence d’un climat propice à la négociation
dans lequel la crise politique suffoquant le pays pouvait être résolue.
Le Président Aristide a remis à la Mission une lettre adressée
au Président de la XXXIe Session ordinaire de l’Assemblée générale
par laquelle il précisait les mesures qu’il prend pour mettre fin à la
crise, et demande l’appui international.
En quittant Haïti, le Secrétaire général a déclaré que la
communauté internationale devrait accroître sa participation, et a mis
en relief à l’intention de toutes les parties concernées la nécessité
d’arriver à un accord dans les meilleurs délais.
La pression exercée par la communauté internationale sur le
Gouvernement pour corriger les graves imperfections a été utile, mais
les perspectives d’avenir pour le peuple haïtien seront trop sombres si
le pays est isolé de la communauté financière internationale.
Le Secrétaire général a souligné le besoin de renforcer les
efforts de médiation OEA/CARICOM, et d’amener dans le processus, à
titre d’amis, certains pays qui exercent une influence décisive en Haïti.
Il est à espérer que la matérialisation des annonces faites par
le Président Aristide préparera la voie à un processus de négociation,
avec nos bons offices, dans le but de dénouer cette crise et de renforcer
les institutions démocratiques, le respect des droits de la personne et
la justice.
PL05021F01
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