LETTRE DE SON EXCELLENCE JEAN-BERTRAND ARISTIDE
PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE D’HAÏTI
À SON EXCELLENCE ROBERTO ROJAS
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DES CULTES DE COSTA RICA

 

RÉPUBLIQUE D’HAITI

 

JEAN-BERTRAND ARISTIDE

PRÉSIDENT

 

 Monsieur le Ministre,

 

            Je tiens tout d’abord à exprimer à Votre Excellence et à tous les membres de la trente et unième Session ordinaire de l’Assemblée générale de l’Organisation des États Américains, l’expression de mes salutations personnelles et j’ai l’honneur de lui faire parvenir une communication et une requête spéciales de la plus haute importance. J’aimerais adresser mes remerciements à chacune des personnalités ayant rendu possible la Mission mixte de l’Organisation des États Américains et de la Communauté des Caraïbes, dirigée par le Secrétaire général César Gaviria et Dame Eugenia Charles. Mes échanges avec eux tout au long de la mission se sont révélés fructueux et encourageants. 

            La crise politique qui sévit en Haïti a eu pour effet d’entraver le développement du pays et de frustrer les aspirations de mes compatriotes pour un avenir prospère. Je formule ardemment le vœu que, avec l’assistance de la communauté internationale, Haïti puisse surmonter bientôt ces moments difficiles et avancer sur la voie du progrès économique et social.  

            En vue de mettre fin à l’impasse, j’aimerais décrire cinq éléments qui, j’en suis convaincu, contribueront à mettre un terme à cette situation. J’exhorte la communauté internationale à appuyer cette initiative à titre de symbole de sa solidarité avec une démocratie naissante.  

1.                   Je suis maintenant en mesure d’informer que les sept sénateurs contestés se sont démis de leurs fonctions comme preuve de leur engagement patriotique à mettre fin à la controverse électorale découlant des élections du 21 mai 2000.  

2.                   Je m’engage à désigner un nouveau Conseil électoral provisoire (CEP) d’ici le 25 juin 2001. Ce CEP serait composé de neuf membres désignés par la branche exécutive, la branche législative, les partis politiques – y compris la Convergence, Fanmi Lavalas et d’autres partis politiques – et les églises catholique et protestante.  

Je respecterai l’intégrité du nouveau CEP en tant qu’entité à fonctionnement autonome.  

Il est clairement entendu que si l’un des groupes susmentionnés ne désigne pas le (s) membre(s) qui lui incombe de nommer, le(s) membre(s) non désignés seront choisis parmi les secteurs indiqués ci-dessus.  

3.                   Le nouveau CEP, après les consultations appropriées, fixera la date de la tenue des élections pour combler les postes en litige au Sénat et organisera ces élections de manière opportune. Je demeure convaincu qu’il serait du meilleur intérêt du pays  que les élections en vue de combler les postes vacants se tiennent avant la fin de 2001 et j’encouragerais la réalisation de cet objectif.  

4.                   Le nouveau CEP organiserait aussi des élections anticipées pour remplacer tous les membres du Parlement élus le 21 mai 2000.  Dans la ligne du calendrier proposé par le Gouvernement  le 14 mars 2001 à la séance du Conseil permanent, les mandats des parlementaires élus le 21 mai 2000 seraient réduits de deux ans, en vue de régulariser le cycle de renouvellement des sièges au Parlement haïtien en vertu de la Constitution. Finalement, le CEP organiserait les élections complémentaires requises pour aboutir à la constitution du Conseil électoral permanent.  

5.                  

Pue d’encourager la confiance dans ces mesures, je recherche votre appui pour la mise en place d’une mission spéciale OEA/CARICOM qui aurait pour mandat de faciliter le dialogue avec la société civile et les partis politiques, et de renforcer les institutions démocratiques. Entre autres attributions de la mission, il lui incomberait d’observer la situation des droits de l’homme et d’appuyer le fonctionnement adéquat du processus électoral, notamment la liberté d’expression et la sécurité de toutes les parties concernées.

 

Je souhaite sincèrement que, dans le cadre d’une solution intégrale, l’Organisation des États Américains et la Communauté des Caraïbes déploient des efforts pour aider à normaliser les relations entre Haïti et les institutions financières internationales. Le décaissement de crédits au titre de l’assistance financière internationale facilitera le développement économique d’Haïti, ce qui à son tour, renforcera le processus démocratique.

 

            Au nom de tous les Haïtiens, je vous exhorte à appuyer ces cinq points et à les considérer comme une approche pondérée et intégrale pour résoudre l’impasse. J’attends avec intérêt notre coopération continue pour faciliter le progrès social et économique d’Haïti.

 

            Recevez, Monsieur le Ministre, les expressions de ma très haute considération

                                                                                                        Jean–Bertrand Aristide
Président de la République d’Haïti
 
Son Excellence
Monsieur Roberto Rojas L.
Ministre des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica
Président de la XXXIe Session ordinaire de
  l’Assemblée générale de l’Organisation des États Américains
San José, Costa Rica