5/18/2024
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Conseil Permanent - Organization des États Américains / Comision sur la Sécurité Continentale

ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION POUR L'ÉLABORATION DU PROGRAMME

 

ÉDUCATION POUR LA PAIX

 

Réunion d'experts pour concevoir un projet de Programme d'éducation pour la paix

 

CONSEIL PERMANENT DE
L’ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS

COMMISSION SUR LA SÉCURITÉ CONTINENTALE

OEA/Ser.G
CP/CSH-235/99
28 Septembre 1999
Original: espagnol

 

ÉDUCATION POUR LA PAIX DANS LE CONTINENT
ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION POUR L’ÉLABORATION DU PROGRAMME

(Document présenté par la Mission permanente de la Colombie)
Bogota (Colombie), septembre 1999

NOTE LIMINAIRE

Ce document présente les résultats des travaux effectués par un groupe de consultants extérieurs, spécialistes des questions liées à la paix, qui se sont penchés sur les trois principaux axes de réflexion proposés par l’OEA pour élaborer le Programme d’éducation pour la paix dans le Continent, à savoir : 1. La résolution pacifique des conflits, 2. La promotion des valeurs et pratiques démocratiques et 3. La promotion de la paix entre les États.

L’objectif de cet exposé est de fournir quelques éléments de réflexion aux participants qui assisteront à la réunion d’experts en vue de concevoir un projet de Programme d’éducation pour la paix dans le Continent.  

TABLE DES MATIÈRES

NOTE LIMINAIRE

  1. PREMIER AXE DE RÉFLEXION : RÉSOLUTION PACIFIQUE DES CONFLITS
  2. INTRODUCTION
    DÉFINITIONS RELATIVES À L’EXERCICE DE LA PAIX
    PROPOSITIONS D’ÉDUCATION POUR LA RÉSOLUTION PACIFIQUE DES CONFLITS
    CRITÈRES D’ÉVALUATION

  3. DEUXIÈME AXE DE RÉFLEXION : PROMOTION DES VALEURS ET PRATIQUES DÉMOCRATIQUES
  4. INTRODUCTION
    CONDITIONS PRÉALABLES DE CONNAISSANCE
    STRATÉGIES DE GÉNÉRALISATION DES PRATIQUES DÉMOCRATIQUES
    INSTRUMENTS POUR LA FORMATION AUX VALEURS ET PRATIQUES DÉMOCRATIQUES
    RÉVISION DU DISCOURS PÉDAGOGIQUE ET DE LA PRATIQUE DE L’ÉDUCATION
    CRITÈRES D’ÉVALUATION

  5. TROISIÈME AXE THÉMATIQUE: LA PROMOTION DE LA PAIX ENTRE LES ÉTATS

INTRODUCTION
ÉDUCATION ET PROMOTION DE LA PAIX
SCÉNARIOS ET INTERVENANTS

I

PREMIER AXE DE RÉFLEXION

RÉSOLUTION PACIFIQUE DES CONFLITS

 INTRODUCTION

Tout au long de ce siècle, les nations et les peuples du monde, y compris ceux de ce Continent, ont exprimé les idéaux de paix et de coexistence les plus élevés en ce qui concerne les droits fondamentaux. Ils ont également montré qu’ils aspiraient à la construction d’une culture qui discrédite le recours à la guerre et à toute forme de violence comme moyen de résolution des conflits, de définition du pouvoir politique et de projet de société, d’État ou de nation. Force nous est de constater qu’au moment où ce siècle touche à sa fin, la violence dans le monde et sur ce continent n’a pas reculé. Les guerres entre États, les insurrections et les conflits sociaux qui font rage et s’expriment sous diverses formes de violence affectent plusieurs peuples et nations..1

Comment peut-on comprendre qu’au moment où le monde a réalisé d’énormes progrès techniques et où il existe une conscience universelle de l’importance de la paix et du respect de la dignité humaine, la guerre et d’autres formes de violence aient un impact aussi dévastateur dans le monde ? Il est difficile de donner une réponse totalement satisfaisante mais il est évident que la paix n’a pas été assumée dans la construction des imaginaires collectifs, dans le génie des nations ou dans la vie quotidienne des sociétés. Laissée au bon vouloir des individus, des responsables gouvernementaux, des commandants des forces armées, de ceux qui font la guerre, de ceux qui créent les réseaux de violence, ou qui les appuient, la paix n’est que l’invocation d’une chimère. La paix ne deviendra pas réalité si on ne peut construire des sujets sociaux, politiques et économiques (individus et collectivités) capables d’éradiquer toute forme de violence quelle qu’elle soit. Il est évident que dans l’ordre politique, économique et social actuel, il n’existe pas de bases sur lesquelles édifier une nouvelle coexistence, les conflits éclatent parce que l’injustice règne, que des déséquilibres structuraux existent et que les institutions n’ont pas les moyens de résoudre pacifiquement ces conflits. Il ne sert à rien de progresser dans la formulation d’idéaux politiques prônant la coexistence ou de promulguer des constitutions et des lois pour la sauvegarde de la vie et de  la dignité humaine si on ne peut compter sur des êtres, des pratiques quotidiennes, des valeurs et des capacités propres à favoriser la paix.

La construction ou la création de sujets sociaux, économiques et politiques est une œuvre humaine qui est très différente des autres produits faits par l’homme. À la différence de la production d’objets, qui est une affaire achevée, statique, fruit d’une action externe sur une matière inerte, la création de sujets est une tâche inachevée, de nature dynamique, le résultat d’un processus d’autoconstitution, sensible à l’évolution du milieu. La comparaison avec le potier qui donne une forme aux objets en les pétrissant avec souplesse et créativité, exprime mieux ce processus que celui de la construction. Que ces sujets soient le résultat de l’autoformation, de l’autocréation ou de l’autoconstitution, ne signifie pas qu’il n’y ait pas d’autres sujets qui interviennent dans le processus. Il est absolument indispensable que ces derniers existent dans les relations intersubjectives et de groupes qui se tissent par la coopération et le conflit, pour former des sujets sociaux, politiques et économiques.

Que le sujet humain ne se construise pas dans l’isolement signifie que l’on doit découvrir l’essence de la formation des êtres humains. La formation de sujets politiques, économiques et sociaux, suppose donc des structures sociales, politiques et économiques qui précèdent cette formation et qui sont reproduites et affirmées dans le processus de « socialisation ». Dans ce sens, les sujets sont formés selon des modèles de société, de mandats politiques et de relations économiques. Il ne s’agit pas uniquement de modèles idéaux, pensés comme des formules abstraites. Il s’agit de modèles agissants, qui opèrent dans des relations sociales. Tout comme l’artisan qui reproduit un modèle sans que ses pièces soient exactes, les mains invisibles d’un artisan collectif, unies aux mains de chaque individu, donnent forme à un type de sujet, et essaient de le façonner sur le modèle des idéaux et aspirations d’une société donnée. L’ensemble de ce processus est l’œuvre culturelle.

Si la guerre parvient à pénétrer de manière impitoyable dans la vie d’une société ou dans les relations entre nations et États, si la violence occupe l’espace de l’interaction sociale, est-ce que cela signifie qu’une société ou plusieurs nations et Etats ont comme modèle le guerrier et le prédateur ? Pas du tout, ou du moins pas forcément. Cela signifie plutôt que dans la réalité de la guerre et de la violence, assimilées à des instruments de cessation des conflits sociaux, la force convertie en agression et en violence l’emporte sur la coopération, la solidarité et la reconnaissance de la dignité humaine, ces derniers aspects qui continuent d’être présents dans les sociétés, les nations et les États affectés par diverses formes de violence. Il est évident que la prévalence de la violence implique une certaine forme d’« échec » des processus de socialisation tendant à la paix et à la coexistence, comme l’avaient exprimé les nations au cours de ce siècle finissant, idéaux qui sont devenus d’autant plus précieux après l’expérience effrayante des guerres mondiales et autres conflits non moins épouvantables..

Ce document prend comme point de référence la réalité sociale et politique de la Colombie à quatre mois de la fin du XXe siècle. Il prétend rechercher ce que nous pouvons réaliser, nous qui sommes responsables des processus éducatifs, pour concevoir des propositions d’éducation pour la paix, plus particulièrement en ce qui concerne la résolution pacifique des conflits. Bien que le pays de référence soit la Colombie, nous voudrions que ce document contribue à forger une éducation pour la paix sur le Continent, pour que les nations et les États des Amériques forment un tissu résistant à la tentation de la guerre et aux confrontations violentes face aux conflits internes et externes.

DÉFINITIONS RELATIVES À L’EXERCICE DE LA PAIX

Il convient de définir les termes que nous employons. Les définitions que nous allons donner ne sont pas absolues, elle ne prétendent pas régler les discussions. Elles sont plutôt une invitation à approfondir la réflexion. Elles doivent être formulées de manière à encourager la discussion et la réflexion sur le Continent, en tenant en compte de la situation particulière de chaque nation, de sa vocation et de son identité propres. Le langage qui est utilisé est à la fois une proposition d’universalité et d’identité.

  • Qu’entendons-nous par les termes éducation et paix, qu’entendons-nous par éducation pour la paix ?

Quand nous parlons de l’éducation, nous nous référons au processus global ou intégré de formation des êtres humains comme sujets sociaux, économiques et politiques, conformément à l’environnement qui les précède, c’est-à-dire les structures sociales, économiques et politiques, qui déterminent un modèle d’humanité et un projet de société ou d’État. Le processus de formation des êtres humains, que nous appelons éducation, suppose la liberté et par conséquent, la capacité de transformer la réalité sociale, qui peut s’exprimer notamment par la désobéissance face à des structures d’inégalité ou d’injustice. Mais cela suppose aussi que les données se limitent à la réalité et à un cadre de compréhension préétabli qui précède les sujets. Tout ce processus d’interactions ou de médiation entre le social et le particulier, de connexions entre la réalité et les limites du possible, des rêves et de l’imaginaire qui impulsent les transformations, est l’œuvre culturelle.

Sous cet angle, l’éducation va bien au-delà de l’activité scolaire ou des processus d’éducation dans le système formel d’enseignement scolaire. Elle englobe l’insertion dans la dynamique sociale et politique et dans les activités économiques, les pratiques quotidiennes, les relations intersubjectives, la vie familiale, le travail, bref, l’éducation englobe toutes les dimensions de la vie humaine. L’ensemble du tissu social se conçoit comme une institution éducatrice.

Le concept de la paix a évolué, allant d’une conception négative de la paix qui la présente comme une absence de guerre, à une conception positive. La paix est donc une expérience beaucoup plus ample que les cessez-le-feu ou le non éclatement des guerres dans la vie des nations. La paix est l’ensemble des conditions structurelles grâce auxquelles la société peut vivre dans la justice et l’équité avec la suppression de toutes les formes de discrimination, d’oppression et de violence. .2

L’éducation pour la paix réunit le concept d’éducation et de paix. Elle met l’accent sur l’opposition à toute forme de violence (y compris la violence symbolique et les structures d’exclusion), elle fait appel à la transformation des personnes comme théâtre d’action immédiate, elle perçoit ce processus d’assimilation des valeurs favorables à la vie et au respect de la dignité humaine comme une décision libre et engagée de chaque sujet au processus formateur et cherche à intégrer les contenus conceptuels et l’apprentissage des attitudes, techniques et capacités pour la coexistence pacifique au sein de laquelle la solution pacifique des conflits est un élément fondamental. .3

  • Conflits et violence

Nous avons dit que l’éducation est un processus d’autoconstitution des êtres humains comme des sujets sociaux, économiques et politiques, que ce soit en termes individuels ou particuliers ou en termes sociaux ou collectifs. Ce processus se forge dans l’interrelation subjective à laquelle participent divers intérêts, visions du monde, caractères, situations et surtout, des relations asymétriques dans la distribution du pouvoir et la répartition de la richesse. C’est parce qu’il y a diversité que surgissent les conflits, qui non seulement sont inévitables mais font partie de la structure de la vie humaine.

Si nous portons un regard négatif sur les conflits, nous les voyons comme des événements nocifs et des obstacles à la paix. L’idéal pour la coexistence pacifique serait une société sans conflits. Cette vision est ingénue et comporte, de manière moraliste, la poussée des conflits. Un regard différent, positif et optimiste, nous mène à considérer les conflits comme un moyen de croissance de l’homme et des communautés. C’est pour cela que la paix ne peut être instaurée s’il n’y a pas de conflits. La paix ne s’oppose pas aux conflits mais à la violence..4

La violence est l’une des manières de traiter et de faire cesser les conflits, mais elle constitue toujours le moyen de les durcir. Les solutions faisant appel à la violence entraînent de nouveaux conflits avec des cycles de plus en plus violents. Et pourtant les conflits ne conduisent pas toujours à la violence, il est possible d’en négocier la résolution par des mécanismes pacifiques.

De même que le conflit et la violence ne sont pas autoimpliqués, la violence et la force ne sont pas non plus des concepts qui s’unifient. La violence est l’usage extrême de la force, avec l’intention délibérée d’infliger une douleur ou un dommage corporel, psychique, émotionnel, économique ou culturel, à une personne ou à une collectivité. La violence peut être directe lorsqu’elle a une action immédiate sur le physique ou le moral des êtres humains. Elle peut être indirecte lorsqu’elle est appliquée par le biais de structures d’appauvrissement ou de privation des droits fondamentaux. Si la violence se caractérise toujours par l’usage extrême de la force, la force en revanche n’est pas toujours et inévitablement le signe de la violence. La force est la capacité de s’affirmer, une impulsion vitale pour atteindre son objectif. Qui plus est, pour affronter la violence, il est indispensable de compter sur la force de ceux qui s’opposent à l’arbitraire et à l’humiliation de la dignité humaine. La résistance aux guerres et à toute forme de violence est une preuve de force des êtres humains.

  • Résolution pacifique des conflits

La résolution pacifique des conflits est l’une des façons d’assumer la confrontation des intérêts. Sans être inévitables, la guerre et diverses formes de violence offrent toujours la possibilité de canaliser et de résoudre les conflits. Le recours à la résolution pacifique des conflits marque un progrès dans la culture politique d’une société.

Au nombre des différentes formes de résolution pacifique des conflits nous pouvons citer : la négociation, l’accord, l’arbitrage, la conciliation et le recours à la justice. Dans tous ces cas de figure, le dialogue, la médiation, les bons offices ainsi que les services de témoin et de garant sont des mécanismes fondamentaux. Il convient d’insister ici sur le fait que le dialogue est une condition nécessaire pour la résolution pacifique des conflits. Le fonds du dialogue est beaucoup plus important que le contenu des discussions et les objectifs atteints, car l’expérience du dialogue devient un apprentissage de la paix. Le dialogue comme pur exercice oratoire perd tout son sens s’il n’entraîne pas l’adhésion à des valeurs et des attitudes pour la paix.

Il est donc indispensable de nourrir le dialogue pour aboutir à des solutions pacifiques des conflits qui reconnaissent la valeur des personnes, qui reconnaissant en l’autre un être digne, qui a sa propre valeur, qui a des droits, et qui mérite d’être écouté et respecté comme être humain. Sans cette reconnaissance de l’autre il sera impossible de résoudre un conflit par des moyens pacifiques. La violence est essentiellement la méconnaissance de la dignité de l’autre considéré comme un objet jetable dont on peut se passer, un objet inopportun qui peut être éliminé. L’élimination de l’autre ou des autres ne se fait pas seulement en leur donnant la mort, forme extrême de violence, mais aussi en les utilisant comme objets, en méconnaissant leurs droits, en imposant la loi du silence, en refusant de reconnaître leur propre existence et leur droit à la parole.

Le dialogue entamé pour la résolution pacifique des conflits exige en outre que l’on soit disposé à apprendre. Personne ne naît avec des dispositions innées pour le dialogue. Il faut apprendre à dialoguer, à désamorcer les haines, les hostilités, à comprendre quel est le moment opportun pour démarrer le dialogue et quel est le moment de composer. L’apprentissage du dialogue se fait en dialoguant mais il faut s’y préparer.  

PROPOSITIONS D’ÉDUCATION POUR LA RÉSOLUTION PACIFIQUE DES CONFLITS

  1. Désamorcer les haines, apprendre le pardon, œuvrer pour la justice et la suppression de l’impunité : Les sociétés du Continent, surtout celles qui ont connu des conflits armés et l’interruption de leur régime démocratique, ont connu des périodes de violence et de violation des droits civils et politiques. Il est indispensable de dénouer les liens de haine et de ressentiment, de créer les conditions subjectives, sociales, et politiques qui permettront de pardonner en se fondant sur la vérité et la justice. La paix est constamment en danger lorsque règne l’impunité et que la dignité humaine, le droit à la liberté et la souveraineté des citoyens sont gravement bafoués. Toutes les structures éducatives, y compris le système scolaire, peuvent et doivent inclure le pardon et la réconciliation dans leur enseignement des valeurs pour que les sociétés nationales aient la capacité d’assumer la vérité et la justice.

  2. Renforcer les programmes des gouvernements locaux axés sur la pédagogie de la coexistence entre citoyens : Si la paix est un engagement des États et des sociétés nationales, les efforts déployés par les administrations locales pour que se nouent de nouvelles relations entre les citoyens, sans recours à la force ou à la violence, doivent être appuyés et renforcés. Nous voulons parler de programmes éducatifs concernant le désarmement volontaire, des mesures de restriction de la consommation d’alcool accompagnées de propositions d’éducation sur cette question, des programmes largement participatifs concernant la sécurité des citoyens comprenant un volet de prévention et de réhabilitation des délinquants et des contrevenants, des pratiques de dialogue et de négociation entre les autorités locales et les communautés en ce qui concerne la prise de décisions, etc..

  3. Favoriser la négociation sociale et politique sur les grands conflits sociaux. Le conflit social (ou les conflits sociaux) engendré par l’inégalité de la répartition des revenus et la distribution de la propriété continue d’être la cause de mouvements sociaux de revendication dans le Continent. Étant donnée la conjoncture actuelle, où les ressources de l’État sont moins disponibles et où l’on procède à des ajustements macro-économiques qui supposent une moindre intervention de l’État dans la solution des problèmes sociaux, et où de vastes pans de nos sociétés sont confrontés à la pauvreté et à l’exclusion, il est indispensable de trouver des formules d’accord et de négociations sociales et politiques qui évitent des confrontations violentes. C’est pourquoi la résolution pacifique des conflits doit faire appel à la consultation populaire, au dialogue, à la concertation, à la conciliation, à des débats publics, etc.

  4. Favoriser une refonte éthique des sociétés en reconnaissant la diversité et l’expérience des citoyens : Par le passé, les sociétés du Continent ont fondé leurs principes de moralité sur des traditions religieuses transmises par la famille et l’école, par des sanctions sociales et par l’expression de la religion. Aujourd’hui, les institutions de socialisation traversent une crise profonde et il n’existe plus de cadres de référence éthique qui puissent prétendre avoir une portée universelle. La coexistence pacifique, respectueuse et tolérante, a besoin d’un horizon éthique, d’une échelle de valeurs qui protège la vie et la dignité humaines. Ce cadre de valeurs peut être construit, et doit être construit, à partir de la diversité. Il s’agit d’une éthique à laquelle, quelles que soient notre vision du monde, nos traditions culturelles, quels que soient nos contextes et notre situation, nous pouvons apporter des valeurs communes que nous pouvons affirmer et protéger. Le trait commun qui paraît nous identifier tous est notre condition de citoyens et de citoyennes d’une communauté politique. Faire appel à la citoyenneté comme concept unificateur pour trouver les principes éthiques de la coexistence contribue à la consolidation des identités et des vocations politiques des peuples et nations du Continent.

  5. Assurer la formation pour assumer les conflits de manière positive et leur trouver une solution : Si nous avons parfois identifié la paix comme l’absence de conflits, il nous faut aujourd’hui comprendre que la paix se construit au milieu de ces conflits et que, par conséquent, la société dans son ensemble, et l’État en tant que responsable de sa conduite et de son orientation, est appelée à assumer les conflits comme étant inhérents à la vie personnelle et collective des êtres humains. Dans leur expression la plus large, les processus éducatifs devront donc révéler les conflits plutôt que les occulter, nier leur existence ou leur trouver des causes qui ne permettent pas de les résoudre. Quel que soit le cas de figure, il n’est pas bon de ne pas proposer de solution aux conflits. Même s’ils sont positifs pour la croissance sociale, les conflits ne sont pas souhaitables comme situation permanente et indéfinie. La recherche créative de solutions pour résoudre les conflits est le meilleur apprentissage pour mettre fin aux conflits susceptibles d’éclater à l’avenir.

  6. Élaborer des programmes spéciaux de formation des éducateurs et autres responsables chargés de la formation de l’opinion publique et des communautés locales : La paix ne se fait pas spontanément. Les attitudes, les valeurs et les aptitudes qu’elle requière, plus particulièrement pour la négociation des conflits, sont le produit d’un apprentissage. Les éducateurs des pays du Continent et les autres personnes chargées de la formation des sociétés nationales et des communautés locales (journalistes, communicateurs, responsables des communautés religieuses, responsables communautaires, etc. ) n’ont pas toujours les outils conceptuels, les aptitudes ou l’habileté nécessaires pour aider à résoudre les conflits ou à intervenir dans l’éducation pour la paix. Il est indispensable de créer des programmes spéciaux pour ceux qui sont chargés de ces tâches et pour ceux qui ont commencé l’étape de formation dans leur carrière (pédagogie, communication sociale, journalisme, etc.) Dans les pays qui subissent les effets des conflits armés internes, cette nécessité est beaucoup plus urgente et contraignante et comporte en outre d’autres éléments tels qu’une préparation permettant de soigner les victimes de guerre, et une formation pour affronter les effets psychologiques de la violence sur la population infantile et juvénile.

  7. Proposer un débat public sur le contenu extrêmement violent des émissions de télévision et les programmes éducatifs qui tendent à reproduire les schémas de violence  à l’école : La télévision a un impact inégalé sur la vie des enfants et des jeunes. En règle générale, la socialisation des nouvelles générations se fait surtout en passant des heures chaque jour devant l’écran de télévision et les réseaux du cyberespace, toujours plus accessibles à de larges secteurs de la société. Toutes ces émissions mettent des trésors à la portée des jeunes enfants et des adolescents, mais elles transmettent aussi sans critique valable un modèle d’humanité fondé sur la violence. Le système scolaire reproduit parfois des schémas de violence et d’exclusion sociales : l’imposition de châtiments non justifiés ou démesurés, l’instauration d’une concurrence entre élèves qui efface le sentiment de solidarité, des programmes scolaires copiés sur la vie militaire (écoles militaires pour élèves du secondaire). Ceux d’entre nous qui ont un rôle à jouer dans l’élaboration des programmes d’éducation pour la paix dans les sociétés nationales et dans le Continent doivent favoriser le débat public sur ces thèmes d’éducation et sur l’avalanche des images de violence que nous transmettent les écran des télévisions et des ordinateurs.

  8. Établir dans les systèmes éducatifs une stratégie double d’éducation pour la paix qui combine un mode transversal et un mode de formation explicite : Il existe plusieurs options pour institutionnaliser l’enseignement de la paix dans le système éducatif. L’une d’entre elles est de faire en sorte que la paix, et plus particulièrement la négociation des conflits, soit une discipline du programme scolaire. Une autre est de convertir l’apprentissage de la paix en une question transversale enseignée dans tous les programmes, projets et disciplines des établissements d’éducation. Ce serait en quelque sorte un programme de travail omniprésent par-delà les formulations explicites, et qui suppose la promotion d’un mode de conduite, d’attitudes, de techniques et de capacités de coexistence dont la négociation des conflits. Nous proposons d’entreprendre un effort pour mêler les stratégies. D’une part, il s’agit que la paix se convertisse en « contenu » à partir duquel on impartit des connaissances. Dans ce cas, la recherche sur des conflits (et sur des conflits précis) et l’élaboration théorique conceptuelle sont les plus importantes. D’autre part, il faut faire en sorte que la paix et la négociation des conflits se traduisent en attitudes et capacités habituelles des institutions éducatives. Ainsi, la connaissance du contenu s’enrichit avec la résolution pacifique des conflits instaurée comme pratique réelle des centres éducatifs.

  9. Favoriser la formation en relation avec la coopération, la solidarité et la compréhension des relations entre les peuples et les États : S’il est vrai que les relations entre États sont régies par le droit international et par les voies diplomatiques, par-delà l’action des États, les peuples et les nations sont responsables de la construction et du maintien de la paix. Les conflits armés sont aujourd’hui fréquemment internes mais la menace de guerres entre États ne doit pas être écartée. Le fondement éthique de la formation des peuples peut aider à amoindrir les causes et les conséquences des conflits armés, il peut contribuer à contenir la guerre et à ménager une sortie. C’est pourquoi il faudrait reprendre les efforts de diffusion de la Charte des Nations Unies et de la Charte de l’Organisation des Etats américains dans les systèmes éducatifs, en s’appuyant sur les différents médias. Il serait bon également de favoriser les projets d’éducation pour la paix dans les zones frontalières, projets qui seraient conçus conjointement par les États et les gouvernements, de favoriser l’échange de données d’expériences pédagogiques dans le domaine de l’éducation pour la paix, de promouvoir la construction de réseaux de maîtres et autres professionnels travaillant dans ce domaine. La confiance dans les relations internationales doit reposer autant sur la volonté de paix des États que sur la bonne volonté et la fraternité construite sur l’identité des sociétés nationales, notamment dans les zones frontalières.

  10. Favoriser, renforcer et développer une justice alternative pour résoudre les conflits : Le droit à la justice est l’un des droits les plus sensibles des sociétés modernes. Les citoyens s’attendent à une justice efficace, rapide, respectueuse des droits des inculpés et qui a la capacité de dicter des sanctions adéquates susceptibles de réparer les dommages causés et de réintégrer les fauteurs de troubles dans la société. Mais l’administration de la justice ne répond pas toujours à ces aspirations et elle s’occupe parfois de questions qui peuvent être résolues par des mécanismes de conciliation, sous les auspices du système judiciaire. Le fait de résoudre des conflits judiciaires grâce à une justice alternative au moyen de mécanismes tels que la conciliation requiert un processus de transformation culturel : il faudra découvrir ou redécouvrir quelles sont sources d’autorité des communautés, comment elles résolvent les conflits, il faudra imaginer et créer l’autorité entre les citoyens, avec l’approbation de l’État, pour résoudre pacifiquement les conflits sans qu’il y ait de perdants, le point fondamental étant que toutes les parties seront d’accord pour trouver qu’elles sortent gagnantes du processus.

  11. L’éducation pour la paix, notamment pour la résolution pacifique des conflits, requiert des traditions culturelles favorables au dialogue, à la compréhension, à la solidarité et à la coopération : Chez tous les peuples des Amériques, il existe des traditions centenaires de solidarité, de coopération mutuelle, de bon voisinage et d’arrangements concertés pour résoudre les problèmes et parfois les conflits. Le développement des nations du Continent ne dépend pas uniquement de leur capacité à s’insérer dans les marchés mondiaux, de leur adaptation technique et de leur stabilité macro-économique. Le développement se réfère aussi à la croissance de l’identité culturelle. Sous cet angle, les traditions favorables à la paix et à la coexistence pacifique doivent être revalorisées et redécouvertes afin de former une éthique collective favorable à la paix et à la résolution pacifique des conflits.

QUELQUES CRITÈRES D’ÉVALUATION DES PROPOSITIONS RELATIVES À UNE ÉDUCATION VISANT LA RÉSOLUTION PACIFIQUE DES CONFLITS

L’adoption de mécanismes de résolution pacifique des conflits implique une transformation d’attitudes, de valeurs et d’imaginaires qu’il n’est pas toujours facile d’évaluer ou de mesurer. Cependant, il est possible de formuler des paramètres d’évaluation des politiques et programmes qui essaient visiblement de former les citoyens à ces exercices pour la paix.

Il existe des indicateurs particulièrement importants pour les États et les gouvernements. Il est possible de mesurer l’impact qu’ont les politiques de désarmement volontaire et de contrôle des horaires de consommation de l’alcool sur la fréquence des actes de violence. Nous parlons ici de politiques gouvernementales et plus particulièrement de celles des administrations locales, qui requièrent des programmes de formation et de communication. Outre ces politiques il existe des mesures coercitives que peut appliquer l’administration publique pour le port des armes et la consommation de spiritueux et de stupéfiants.

Les États et les gouvernements peuvent aussi évaluer l’efficacité des programmes éducatifs relatifs à la résolution pacifique des conflits en ayant recours à la conciliation, aux juges de paix et à d’autres instruments de justice alternative, en mesurant d’une part le nombre de conflits qui parviennent à ces instances, leur effet sur le système officiel de justice et, d’autre part, en évaluant qualitativement le degré d’assimilation des mécanismes de résolution des conflits, institués par l’État et la société.

Pour la vie institutionnelle des États et des nations du Continent, l’un des critères d’évaluation de l’éducation pour la résolution pacifique des conflits est lié au niveau et à la qualité du dialogue, de la négociation et de la concertation concernant les grands conflits sociaux. Il faut pour cela que soient qualifiés les représentants de l’Etat et notamment de l’Exécutif, de même que les représentants des divers états de la société. La création de commissions de dialogue, de négociation et de concertation instituées par accord mutuel et particulièrement conçues pour traiter des conflits particuliers (conflits agraires, de revendications salariales, relatifs à des nécessités fondamentales insatisfaites, à la qualité et à la couverture du système de santé ou d’éducation, etc.) est un critère visible d’évaluation des progrès réalisés en la matière.

Un programme éducatif pour la résolution pacifique des conflits a plusieurs niveaux d’évaluation pour le système d’éducation formel. D’une part, il y a l’évaluation du système lui-même : le système éducatif a-t-il ou non créé –dans l’enseignement public ou privé-- un programme de formation spécifique pour la paix et plus particulièrement pour la résolution des conflits, de manière à ce que les enseignants aient les approches, les valeurs, les techniques et les capacités adéquates ? L’élaboration d’un programme de formation spécifique en la matière définit assez bien l’efficacité de la proposition d’éducation pour la résolution pacifique des conflits. De fait, l’engagement des éducateurs vis à vis d’un programme de formation de cette nature doit faire partie de l’évaluation de leurs propres efforts en qualité d’éducateurs.

Le système éducatif peut avoir un autre indicateur important pour son évaluation. Si la formation pour la paix en général et celle de la résolution pacifique des conflits en particulier n’atteignent pas un niveau visible d’ínstitutionnalisation dans la vie scolaire, elles ne seront pas efficaces. C’est-à-dire que ce programme devra apparaître d’une manière ou d’une autre dans les activités de l’établissement scolaire : comme matière obligatoire, comme formation extra-scolaire dispensée à l’école, comme campagne spéciale de durée limitée, etc. S’il n’apparaît pas de manière explicite dans le système éducatif, il n’atteint pas son objectif qui est d’éduquer pour résoudre les conflits sans violence.

Au sein du système éducatif il y a le fonctionnement réel de l’école. Là, les critères d’évaluation doivent associer les aspects qualitatifs ,qui dépendent de l’interprétation des éducateurs, des pères de famille et des élèves, aux résultats obtenus : la création de normes de coexistence pour la paix et le respect de la dignité des personnes, l’instauration de conseils éducatifs pour la résolution des conflits entre élèves, des exemples de dialogue et d’accord entre éducateurs et élèves, le niveau de réduction (ou d’augmentation) de la violence entre jeunes, les modifications des pratiques des enseignants qui favorisent la violence et l’autoritarisme, etc.

Il est possible de formuler des critères d’évaluation pour la société dans son ensemble, et plus particulièrement pour les enseignants, les moyens de communication, la presse, et les autres secteurs influents pour la formation de l’opinion publique (communautés religieuses, responsables sociaux et politiques, notamment). Une société s’achemine vers la paix et la culture de la négociation pacifique des conflits lorsqu’elle discrédite la guerre et la violence, lorsque le message public des secteurs responsables de l’imaginaire social invitent à la réconciliation, à l’oubli de la haine, à l’aspiration à la justice sociale, à l’élimination de toute forme de violence, à la lutte contre l’impunité et à la recherche de tous les moyens possibles pour supprimer les conflits de manière pacifique. C’est ainsi que le débat public sur le contenu de la violence dans les programmes télévisuels et autres supports électroniques, la discussion sur le modèle éducatif, la réflexion, la controverse et la divulgation de l’éthique des citoyens (qui font en sorte que le souci d’une éthique favorisant la coexistence devienne l’affaire de tous) sont des indicateurs des progrès réalisés par la société et l’État sur le chemin de la paix.

La scène internationale peut également être évaluée. On impose la coopération entre États et gouvernements pour créer des programmes conjoints d’éducation pour la paix, et plus particulièrement pour la résolution pacifique des conflits. Ces programmes peuvent porter sur de multiples propositions : échanges de programmes éducatifs pour la paix et la confiance réciproque entre les peuples dans les zones frontalières, évaluations, rencontres, étude comparée des politiques publiques en matière d’éducation pour la paix, etc. Si la coopération entre tous les États ne devient pas visible par l’élaboration d’un programme réel de formation pour la paix, et de manière concrète pour la résolution pacifique des conflits, tous les idéaux de coexistence perdent leur efficacité et se réduisent à des effort isolés qui n’assurent pas la paix comme expérience vécue par tous les habitants des Amériques.

 

II

DEUXIÈME AXE THÉMATIQUE

PROMOTION DES VALEURS ET PRATIQUES DÉMOCRATIQUES

 

L'intention même de cette contribution est de suggérer quelques initiatives pratiques dans le contexte de l'élaboration d'un Programme continental d'éducation pour la paix. La discussion des diverses expériences nationales et les confrontations qui pourraient en émaner assureront que ces propositions soient affinées et redéfinies afin que, une fois restructurées, elles permettent d'obtenir le consensus nécessaire et de garantir leur viabilité.

 

INTRODUCTION

Ces derniers temps, on a pu constater que le retour et la consolidation de la démocratie dans certains pays du Continent est un phénomène qui a dû faire face non seulement au handicap d'institutions démocratiques précaires, mais aussi au déficit des sujets porteurs du projet démocratique, qui, parce qu'ils en étaient leurs détenteurs l'ont défendu, élargi et renforcé (WILLS, 1999). Il est évident qu'il s'agit là d'un terrain sur lequel il est urgent d'intervenir pour que la démocratie ne soit pas perçue comme une proposition étrange et imposée, mais qu'elle s'affirme comme le produit de quelques traditions qui nous sont propres et d'une culture que nous sommes et au sein de laquelle nous sommes en mouvement.

Dans ce sens, la formation et la consolidation des sujets démocratiques doit se dérouler dans le contexte de la culture, c'est-à-dire dans la consolidation d'un ethos qui, à la manière d'une deuxième nature, imprime un sens à nos comportements. Ce sens est porteur de concepts et de valeurs implicites et il se manifeste en termes d'habitudes et de coutumes face auxquelles il ne peut se délibérer parce qu'il exprime le sens commun de toute une collectivité.

Un ethos de cette nature est une construction historique. Il est le produit vanté d'expériences collectives réalisées au contact avec les défis de la survie, de l'adaptation à un environnement, de la victoire sur l'adversité et les difficultés rencontrées dans le processus de construction d'une organisation sociale plus adéquate. Dans cette gamme variée et imprévue d'éventualités, les peuples apprennent par l'essai et par l'erreur, mais ils définissent également, par le biais d'une délibération générale, les buts qu'ils vont chercher à atteindre, les valeurs qu'incarnent ces buts communs et les pratiques au moyen desquelles elles prendront effet dans la société et deviendront un élément de la construction permanente de la société. Cet ensemble d'options délimitent le profil éthique d'un peuple et ce sont elles qui permettent de parler en réalité d'un peuple et non d'un agrégat fortuit d'individus.

Le consensus éthique dont nous parlons ne s'est pas défini en une fois et pour toujours en un temps mythique originaire. Au contraire, il y a là une réalité changeante, sujette à un plébiscite permanent dans lequel interviennent toutes les composantes de la collectivité en fonction de leur sphère d'activité particulière et de leurs propres intérêts. Cette délibération se reproduit devant les nouveaux défis et lors de crises éthiques qui surviennent lorsque le cadre de référence des notions, valeurs et pratiques s'est désintégré, faute de validité.

Au cours de ces dernières décennies, la consolidation de la démocratie et le restructuration de la coexistence se sont inscrits à l'ordre du jour dans le cadre d'un changement d'époque et d'un processus approfondi de mondialisation qui non seulement oblige à une ouverture sur le monde et au dialogue avec d'autres cultures sans pour autant que soient redéfinies les relations internes et celles des diverses composantes avec les dynamiques externes en mouvement perpétuel et vertigineux.

Dans la culture de nos peuples existent des traditions précieuses de républicanisme, de solidarité et de patriotisme, ainsi que des attitudes discutables liées, entre autres, à des aspects sociaux et politiques. Des aspects qu'il est nécessaire de prendre en considération, vu que nous sommes à recréer une nouvelle base éthique, à redéfinir les notions, les valeurs et les pratiques collectives, processus dans lequel il importe d'avancer dans l'approfondissement de nos meilleures traditions, en les projetant sur la définition d'un présent viable par la prise en charge des mutations contemporaines et en fonction de l'amélioration et de la durabilité de nos sociétés. Le consensus recréé et redéfini sera à nouveau le résultat d'une vaste délibération à laquelle elles participeront avec leur savoir particulier et en s'exprimant par les moyens qui leur sont propres.

En d'autres mots, ce n'est pas par la transfusion de valeurs supposément universelles - tout admirables qu'elles paraissent ou fécondes qu'elles aient pu être sous d'autres latitudes -, que notre ethicité démocratique doit se restructurer. Nous ne réclamons pas par là un aveuglement face au monde et une réflexion profonde devant un passé qui devrait être bien plus qu'un objet de nostalgie, et une identité jamais terminée. Nous suggérons l'appropriation par toute la société des traditions et des nouveaux concepts et valeurs qui lui permettront de survivre et de progresser tout en restant fidèle à elle-même.

Il faut déduire de ce qui précède qu'un programme en formation aux valeurs et pratiques démocratiques doit être basé sur un consensus de tous les intervenants sociaux et en particulier de ceux qui ont une quelconque influence sur la formation des subjectivités (autorités civiles et religieuses, dirigeants politiques et sociaux, universitaires et éducateurs en général, travailleurs des moyens de communication et artistes). Ce consensus, qui sera toujours provisoire et discutable, devra engager de manière libre et spontanée tous les intervenants précités pour que la construction de la société ait une orientation partagée.

Créer les conditions pour une délibération pluraliste et englobante, la stimuler et en tirer les conclusions pertinentes doit être un but visé par les autorités, dans le sens que c'est à la société qu'il appartient de définir le type de coexistence qu'elle mérite, les valeurs sur lesquelles elle doit être fondée et les qualités civiques auxquelles elle aspire parmi ses membres.

 

CONDITIONS PRÉALABLES DE CONNAISSANCE

Comme nous l'avons déjà laissé entendre, nous vivons dans une époque de changements dans la subjectivité des gens ainsi que dans les liens de sociabilité. Il n'y a pas seulement de nouvelles technologies et divers flux de marchandises et d'information, mais il faut également souligner que tant l'un que l'autre transforme la sensibilité des personnes, changent leur façon de vivre tant dans le temps que dans l'espace, modifient la façon de saisir la réalité et les relations interpersonnelles. Ni les changements économiques et technologiques, ni les mutations culturelles que ces derniers entraînent ne sont compris dans leur nature et dimensions de sorte que ceux qui s'intéressent à la définition de politiques culturelles puissent agir sur des bases solides.

La réalité des tendances en cours peut être un signe de la viabilité des politiques, de leurs limites et de leurs possibilités. Au contraire, formuler des politiques sans tenir compte des changements de la réalité peut signifier qu'on le fait en fonction de préjugés ou de désirs sans fondement. Ce qui est certain, c'est qu'au cours des deux dernières décennies, la situation des campagnes et des paysans, l'attitude des jeunes face à l'éducation et au travail, le rôle des femmes et la structure de la famille, l'utilisation du temps libre et la relation avec les formes traditionnelles de l'ancienne culture, entre autres, ont connu un changement radical.

À ce sujet, il conviendrait de proposer la création d’observatoires des changements culturels qui, dans chaque pays, seraient chargés d'analyser les transformations en cours, tout en précisant leurs tendances, les facteurs qui les génèrent et leurs impacts éventuels. Les méthodologies et les résultats des recherches peuvent être partagés et systématisés à l'échelle continentale, de manière que puisse s'approfondir de plus en plus la compréhension des transformations des subjectivités et de la culture et, en relation avec ceci, qu'il existe des éléments l plus qualifiés pour définir et négocier le contenu des politiques culturelles.

Il s'agit là précisément de la première composante du projet Une culture pour la démocratie, que sont à élaborer le Ministère de la Culture du Brésil et le Latin American Studies Center du Maryland, avec l'appui de la BID (Projet TC-97-04-24-9-RG). Le premier module de ce projet est composé de recherches qui développent et analysent des indicateurs de la culture démocratique brésilienne dans son système éducatif, les moyens de communication et les espaces non institutionnalisés.

Dans ce même sens, il convient d'appuyer la proposition de Néstor García Canclini (GARCIA CANCLINI, 1999) de créer un Système latino-américain d'information culturelle. "Sa fonction principale -- explique son auteur -- serait de recueillir des statistiques fiables de tous les pays de la région, qui enregistrent le développement et les tendances des investissements culturels (publics et privés), des consommations (en particulier des industries culturelles) et des perceptions interculturelles (images des autres pays de la région et de l'espace euro-américain et nord-américain)". Il faudrait également que ce système suive, sur le plan de la statistique, les changements de goûts et de préférences des habitants de la région, notamment des jeunes.

Ces deux propositions peuvent apporter les intrants de départ pour la définition de toute politique aux valeurs et pratiques démocratiques, non seulement pour les fonctionnaires du secteur public, mais aussi pour ceux et celles qui, depuis le plan privé - que ce soit au niveau de l'industrie culturelle, des églises et d'autres domaines - prétendent avoir un rôle à jouer dans la formation des sujets démocratiques.

 

STRATÉGIES DE GÉNÉRALISATION DES PRATIQUES DÉMOCRATIQUES

On ne peut consolider les valeurs et pratiques démocratiques au moyen d'un processus d'endoctrinement, comme celui qui prétend amener la vérité ou la civilisation à ceux qui se sont perdus dans l'erreur ou le barbarisme. Une fois éliminée la perspective illuministe, la démocratie doit être conçue avant tout comme une forme de vie supérieure, comme caractéristique d'une qualité de vie supérieure. C'est pour cela qu'il est important de généraliser les pratiques démocratiques tant en ce qui concerne les propositions d'amélioration de la vie que les outils permettant de mieux résoudre les difficultés de la vie quotidienne, et d'y voir comme des moyens susceptibles d'établir une coexistence plus satisfaisante. OU dit en d'autres mots, la démocratie se renforcera entre nous lorsque nous assumerons tous comme notion pratique qu'il fait mieux vivre dans une démocratie.

Par conséquent, lorsque nous parlons de consolider une culture démocratique, il faut mettre davantage l'accent sur la généralisation des pratiques que sur le sermon de valeurs. Parallèlement à l'extension des pratiques, et peut-être mieux encore, une fois que les pratiques ont fait leurs preuves, il sera important d'entamer un processus de réflexion avec les groupes et les collectivités pour découvrir et construire avec les sujets de ces pratiques, les notions et les valeurs qui y sont implicites.

Vu ce qui précède, nous proposons trois stratégies pour étendre les pratiques démocratiques:

 

A. Transformer les environnements dans lesquels domine l'autoritarisme ou l'exclusion

Il y a des environnements dans lesquels dominent fréquemment des conceptions et pratiques antidémocratiques, certains d'entre eux avec une orientation formative particulière --écoles et casernes-- ou des espaces de socialisation importants --groupes sportifs ou syndicaux, communautés de foi, fabriques et lieux de travail-- ou des sites rééducation comme les prisons. Dans tous ces espaces, il est important que la démocratie soit vécue comme une forme de vie, de sorte que, une fois devenue réalité quotidienne, elle s'infiltre dans la mentalité de ceux qui la pratiquent.

À cet égard, il est possible de créer une notion complexe de démocratie qui part de la reconnaissance de l'autonomie du prochain, de l'acceptation de sa capacité décisionnelle propre, de la renonciation à la contrainte par la force ou par la peur d'exprimer des idées ou des initiatives, de la possibilité de délibérer en faisant appel à des raisons plus qu'à des arguments d'autorité ou de la possibilité de transiger pour consolider les accords et les consensus. Une conception complexe de la démocratie dans laquelle règnent les différences, que ce soit celles relatives la problématique hommes-femmes ou celles qui caractérisent ceux et celles qui pensent différemment ou qui ont des options de vie distinctes de celles qui prédominent dans la société ou qui proviennent d'autres origines raciales ou sociales.

Des espaces quotidiens dans lesquels il faudra apprendre à construire des espaces publics et des projets collectifs, ce qui ne veut pas dire vivre en assemblée permanente, en état de votation perpétuelle, mais plutôt que le respect de l'autre comme un égal s'internalisera par l'expérience comme la valeur fondamentale de la coexistence quotidienne.

La transformation démocratique de ces environnements pourra se réaliser par la démolition des pratiques antidémocratiques pour ainsi découvrir quels en sont les protagonistes --tant actifs que passifs--, les intérêts qui les animent, les arguments qui les justifient et les moyens effectifs utilisés pour les convertir en habitudes ou coutumes. Dans ce processus de démolition, il faudra également préciser quels effets elles peuvent avoir sur les autres, sur le type de coexistence qui se dessine et sur la qualité de vie en général. Partant de cet exercice d'auto-reconnaissance et de reconnaissance du milieu, les personnes impliquées peuvent proposer des règles de conduites alternatives et un plan de transformation de l'environnement.

 

B. Encourager les pratiques d'association

Un état démocratique sera fort en fonction de la société civile dans laquelle il se reflète, tout comme une société civile sera plus ou moins solide eu égard à la densité du tissu d'organisations et de réseaux qu'elle héberge. Dans une société atomisée et inorganique, il est impossible de construire des projets collectifs, un espace public et une culture démocratique. Contrairement à ce que certaines personnes croient, une société civile est la condition sine qua non d'un état démocratique dont le niveau de légitimité est élevé.

Au contraire, les états totalitaires ont toujours prétendu éliminer la vitalité de la société civile, disperser par la terreur les libres associations qu'elle aurait pu générer, créer des organisations contrôlées qui serviraient d'instruments aux édits du pouvoir en place, forger des leaders obséquieux et serviles. Dans le sens contraire, le corrélat d'un état démocratique est une société civile dotée d'un niveau élevé d'autonomie, dont les membres s'associent en toute liberté et en toute spontanéité pour se consacrer aux questions qui les intéressent le plus. Pour leurs membres, ces associations sont comme des écoles sur les coutumes et les valeurs démocratiques, tout comme le creuset dans lequel se forgent les leaderships qui reproduisent et consolident la démocratie.

Dans une démocratie, tant le secteur public que le secteur privé doivent promouvoir --dans l'intérêt d’une consolidation de la culture démocratique-- le renforcement de la société civile, en stimulant le tissu d’organisations et de réseaux qui ont surgi de l'auto-organisation des gens.

Il est donc important de promouvoir l'association qui se consacre aux intérêts ou à l'établissement de groupes d'intérêts. Il convient dès lors d'encourager les associations de jeunes qui se consacrent aux hobbies, aux activités sportives et récréatives ainsi qu'aux initiatives d'ordre économique. Une politique de promotion des valeurs et pratiques démocratiques doit également stimuler l'auto-organisation des femmes et le développement du leadership féminin, dans le but d'obtenir l'égalité entre les sexes. Il convient également de concevoir une dynamique de renforcement des organisations sociales, véhicule nécessaire à la représentation des intérêts majoritaires. Mais, par-dessus tout, il faut que l'association soit encouragée en fonction des causes d'intérêt public comme l'environnement et les droits de l'homme.

Les mesures d'encouragement de l'association peuvent être de nature très diverse, avec comme unique condition celle de garantir l'autonomie des formes d'association. Dans certaines municipalités françaises, on a fait l'expérience du mécanisme des "AGIR", qui est un espace où se rassemble l'ensemble des associations civiles de la localité et à partir duquel ces associations se définissent dans le cadre du développement local et ont accès aux ressources de la municipalité. Une autre façon de renforcer le tissu d'organisations et de réseaux de la société civile est de fournir des possibilités de formation aux animateurs et leaders de ces associations. Nous tenons toutefois à attirer l’attention sur la fait que pour ne pas non plus donner l’impression que la direction prise est celle d’une dynamique politiquement partiale, il conviendrait que la formation des leaders soit attribuée à des organisations indépendantes du gouvernement et puissent ainsi compter sur son appui. Une forme comme le secteur privé peut appuyer l’associativité –en particulier celle des jeunes—en leur offrant des facilités et des moyens pour les activités qu’ils pratiquent dans leur organisation.

Un autre stimulant précieux de l’association pourrait consister en un prix national octroyé périodiquement à la meilleure initiative dans des causes d’intérêt public promue par des jeunes. L’excellence dans un tel cas ne serait pas seulement déterminée par le discours de l’organisation, mais aussi en tenant compte des pratiques démocratiques internes de cette dernière, de la forme de relation qu’elle entretient avec ses bénéficiaires et de la qualité de l’impact qu’elle se propose d’avoir. Cette combinaison peut contribuer à la généralisation d’un horizon altruiste, qui est une condition pour que la politique retrouve la noblesse dans son exécution.

 

C. Exalter les comportements démocratiques et critiquer les conduites antidémocratiques

La conviction de tout le bien que représente la pédagogie de l’exemple a amené le libérateur Simón Bolívar à l’étendre au milieu scolaire: "... la morale ne se commande pas, pas plus que n’est maître celui qui commande ou que se justifie le recours à la force pour prodiguer des conseils", "... les actes extraordinaires d’application, d’honneur et de tout autre noble sentiments ne seront pas effacés par l’oubli, mais ils passeront avec reconnaissance aux souvenirs. À cette fin, il sera établi un registre des faits les plus notables dans lequel sera consigné le nom de leur auteur et le jour de leur exécution. (...) Le livre en question sera décoré et sera préservé avec toute la vénération due en un lieu visible". Les jours des célébrations des fêtes de la Patrie, il conviendra de donner lecture des gloires et triomphes de la jeunesse et les personnes dont les hauts faits seront ainsi reconnus dans ce livre précieux se mériteront acclamations et éloges. Un jour de fête et de réjouissances.

En ces temps de réforme éthique, il est nécessaire de reprendre l’esprit de la proposition au cas où les procédures suggérées alors ne devraient pas s’avérer viables. Il existe aujourd’hui de meilleures ressources pour exalter les conduites démocratiques louables et censurer les comportements antidémocratiques. Le pouvoir des moyens massifs de communication facilite encore qu’au début du régime républicain tant la reconnaissance publique que la sanction morale.

En principe, tant l’exaltation que la censure doivent s’approvisionner dans le milieu local (l’école, le quartier, la municipalité) de façon que se produise un effet de rapprochement et qu’il y ait des gens qui se sentent motivés par l’exemple reconnu ou apprennent leur leçon lors du prochain exercice. Il y en aura certainement qui argumenteront qu’en cette époque de mondialisation, les événements qui se déroulent aux antipodes manquent d’effet de proximité. Cependant, on ne saurait nier que le point de départ dans la formation d’une éthique civique est l’expérience directe de la communauté dans laquelle on vit.

Ces événements peuvent être la procédure à suivre pour que les comportements d’intolérance et d’exclusion, en particulier ceux qui sont typiques des groupes ou des communautés, soient considérés dans nos sociétés non seulement comme les actes barbares qu’ils sont, mais aussi comme des actes répréhensibles et inadmissibles.

Le débat public qui se déroule autour de personnages et de réalisations dont a proposé la reconnaissance ou la censure sera une occasion pour la société de s’exprimer relativement à ces thèmes, de former un jugement moral, de s’approprier des concepts éthiques et d’atteindre de plus hauts niveaux de dialogue, d’argumentation et de recherche d’accords.

 

INSTRUMENTS POUR LA FORMATION AUX VALEURS ET PRATIQUES DÉMOCRATIQUES

La légitimation de la relation tant entre la culture et le développement qu’entre la culture et la démocratie est un fait notable de nos jours. La culture est en réalité un domaine stratégique dans la définition de toute proposition économique ou politique. Cette revalorisation de la culture se présente dans une conjoncture particulière.

Il résulte des nouvelles technologies et de la mondialisation que la production de biens culturels est devenue une véritable industrie sujette aux exigences et aux modalités du marché. Les centres de l’industrie culturelle se trouvent au-delà des frontières nationales, sans qu’il soit fait référence à un territoire ou à une tradition culturelle, ce qui entraîne une modalité particulière de l’espace public. Les nouvelles ressources technologiques ont transformé les langues, ce qui entraîne la prépondérance de l’image sur la parole écrite et du récit sur l’argumentation, dans une séquence non linéaire mais plutôt comme un montage d’épisodes fugaces qui débitent à coup de rafales. Ces changements, pour ne parler que de ceux qui paraissent les plus pertinents, ont un impact sur la relation entre les états et les producteurs de l’industrie culturelle, entre ceux-ci et les consommateurs, et entre la production culturelle et le discours et les tâches politiques, mais surtout sur la nature et les possibilités des politiques culturelles.

Jusqu’à aujourd’hui, la politique culturelle s’inscrivait dans les termes de la ville lettrée, comme l’appelle le maître Jesús Martín-Barbero (MARTÍN-BARBERO, 1999). Cela veut dire que de manière exclusive, il se limitait aux lettres, à la musique et aux arts plastiques et ce dans le cadre de ce qu’il appelait la haute culture. La ville lettrée privilégiait le texte écrit, qui était le canal de réflexion et le véhicule de la désaliénation. Il est possible que la ville lettrée, l’industrie culturelle et les moyens massifs de communication transmettent la haute culture, mais ils ne la créent ni ne la recréent et sont des espaces rejetés par la réflexion et la liberté.

De nos jours, les moyens électroniques n’imposent pas seulement de nouveaux langages mais il se trouve aussi que de nouvelles relations sont tissées avec les consommateurs. Les cultures populaires et les traditions populaires s’hybrident et se mélangent avec des langues et des ressources universelles. Des arts distincts s’intègrent dans une proposition d’hypertexte, qui donne diverses options de lecture au consommateur. C’est dans ce milieu que se créent de nouvelles identités alors que les traditionnelles se redimensionnent et se modifient.

Contrairement à toute attente, les nouvelles technologies permettent d’élaborer des initiatives de communication à l’échelle locale qui véhiculent les attentes des communautés spacialement réduites. C’est le cas des radios et des canaux de télévision communautaires, ce qui crée de nouvelles possibilités pour le travail dans le milieu de la culture et de la politique.

C’est sur ce terrain que nous formulons trois critères qui, de façon générale, seront féconds s’ils déclenchent des processus créatifs.

Le processus de formation aux valeurs et pratiques démocratiques doit s’approprier les nouvelles ressources technologiques, leurs langages et les nouvelles formes de relation avec les utilisateurs de ces ressources. S’y refuser, ce n’est pas seulement se priver par myopie des moyens susceptibles de l’enrichir, c’est aussi et surtout courir le grave danger de se rendre incompréhensible pour des segments fondamentaux pour son but, notamment les jeunes. Il ne s’agit pas de développer une valorisation instrumentale face à ces ressources, il s’agit d’apprendre à communiquer dans le cadre d’une nouvelle relation qui fait appel à d’autres langues, à d’autres discours et à différentes attitudes.

Dans le cadre de la concertation des politiques avec les producteurs de l’industrie culturelle, les états doivent intégrer des clauses d’encouragement des valeurs et pratiques démocratiques. Aujourd’hui, l’industrie culturelle, en particulier la production audiovisuelle et éditoriale, exige des marges de protection pour assurer non seulement sa viabilité mais aussi sa compétitivité à l’échelle globale. D’autre part, il peut y avoir un intérêt légitime de l’État à vouloir garantir un espace public susceptible de tenir compte des intérêts nationaux et de la culture nationale, ceci s’inscrivant dans le cadre de la question de souveraineté. Dans cette coïncidence d’intérêts, les états peuvent échanger de la protection contre l’encouragement des valeurs et pratiques démocratiques comme des aspects essentiels de nos projets collectifs. Cet accord peut intégrer la démocratie aux expressions les plus généralisées de la culture contemporaine. Si, par exemple, les rationalistes ont eu recours à l’opéra et à la musique symphonique pour exprimer la sensibilité révolutionnaire et les attentes émancipatrices des gens de leur époque, aujourd’hui il faut recourir à l’information et aux propositions créatives qu’offrent les moyens électroniques pour obtenir des résultats similaires.

Indépendamment des accords proposés, l’industrie culturelle doit assumer comme une dimension de son propre projet de communication et de son engagement social la formation aux valeurs et pratiques démocratiques. Engagement et projet qui peuvent toutefois se réaliser par le biais de concertations avec d’autres institutions de la vie sociale, notamment les institutions d’enseignement supérieur, l’école en général, les organisations civiques et les autorités religieuses, entre autres.

Les personnes intéressées à la formation aux valeurs et pratiques démocratiques à l’échelle locale doivent avoir accès aux moyens de communication contemporains en fonction de leurs conditions et de leurs possibilités, et l’état doit donc faciliter l’accès aux chaînes de radio et de télévision communautaires à ceux et celles qui se sont proposé de d’attaquer à la tâche de construire une culture démocratique.

Faciliter l’accès ne veut pas seulement dire créer le cadre réglementaire approprié mais aussi offrir les possibilités de formation pour que la radio et la télévision communautaires puissent se développer avec toute la mesure de qualité appropriée.

 

RÉVISION DU DISCOURS PÉDAGOGIQUE ET DE LA PRATIQUE DE L’ÉDUCATION

Il est vrai que l’on ne saurait confier à l’école la mission de garantir l’existence de la démocratie, puisqu’en ce faisant, elle serait en compétition avec d’autres sphères de la vie sociale. Il est tout aussi vrai que l’école moderne semble avoir comme fonction celle de créer chez les enfants et les jeunes qu’elle éduque les meilleures conditions possibles pour l’exercice futur de leurs fonctions de citoyens à part entière. Ainsi donc, l’école est la source d’apprentissage des premières notions de civisme. C’est également à l’école que s’approfondit l’éducation morale et que se forment des habitudes précoces de coexistence démocratique. À ce titre, l’école est irremplaçable, puisque à ce jour, elle demeure l’un des premiers espaces de socialisation.

Pour mieux accomplir cette mission propre de l’école, il faut démanteler le discours pédagogique et les pratiques de l’éducation pour déterminer les caractéristiques contraires à la formation aux valeurs et pratiques démocratiques. Il ne fait pas de doute que les écoles du continent ont fait d’énormes progrès en ce qui a trait à la compréhension du rôle de l’éducation de base dans la formation du citoyen de demain. Il est fort possible que les enseignants d’aujourd’hui soient beaucoup plus conscients que leurs collègues d’autres époques des possibilités et des limites de ce qu’offre l’école, ainsi que de leurs propres points forts et points faibles. En atteignant ces niveaux de sensibilisation et d’engagement, les organismes intergouvernementaux et instances de coopération internationale tout comme les fonctionnaires de ministères et de secrétariats à l’éducation nationale ont eu beaucoup de succès. Il est alors proposé d’approfondir ces développements, de les consolider, avec la conviction qu’il ne sera jamais superflu de fournir des efforts marqués sur le plan de l’éducation pour contribuer au renforcement de la démocratie.

Il y aurait lien, à cet égard, de réviser le processus de formation des enseignants afin que, en assumant l’interrelation entre l’éducation morale, la formation pour la démocratie, les sciences sociales et, en général, l’ensemble de la vie scolaire, ils disposent des ressources didactiques et des connaissances nécessaires pour être les formateurs des futurs citoyens. Dans un concept d’éducation continue des enseignants, il conviendrait d’encourager les échanges systématiques d’expériences en matière de formation aux valeurs et pratiques démocratiques, des échanges qui peuvent être locaux, régionaux et internationaux et favoriser les mécanismes de communication pour que les meilleures expériences les meilleures puissent être divulguées sur une large échelle.

En ce qui concerne ceux qui éduquent, ils doivent par l’école acquérir une profonde confiance en eux-mêmes à partir de l’auto-reconnaissance et de la connaissance des autres. La confiance est la base du comportement autonome, de la réciprocité et de la collectivité civique. D’autre part, la confiance en soi et en les autres est une condition indispensable pour bouger à une époque chargée de turbulences et dans une économie et une culture mondialisées. Le développement de la confiance doit donc être intégré au processus d’éducation morale et à l’ensemble du curriculum. Dès le plus jeune âge, la connaissance de ceux qui sont différents et leur mise en valeur positive doivent faire partie d ela croissance intellectuelle et morale. Des pratiques telles que l’échange de correspondance et les excursions, des ressources telles que le cinéma et la littérature et des cours tels que l’histoire et la géographie sont des domaines privilégiés par lesquels on peut connaître d’autres manières d’être et de vivre.

 

CRITÈRES D’ÉVALUATION

L’évaluation du programme relativement au processus et à ses résultats devra tenir compte de certains critères, dont les suivants:

  • Amplitude et profondeur du débat social sur les valeurs et pratiques démocratiques.

  • Amplitude et richesse des consensus obtenus relativement aux valeurs et pratiques démocratiques qu’il est nécessaire d’encourager.

  • Transformation des attitudes face à la démocratie et, en particulier, dans le domaine de la formation aux valeurs et pratiques démocratiques, de la part des intervenants privés et publics intéressés au débat.

  • Accords particuliers obtenus entre les intervenants privés et entre une partie de ceux-ci et le secteur public pour développer des initiatives conjointes visant à améliorer les valeurs et pratiques démocratiques.

  • Dotation en instruments pour le suivi des transformations des subjectivités et des tendances en matière culturelle.

  • Milieux dans lesquels ont démarré des activités systématiques pour leur transformation démocratique.

  • Accroissement des niveaux d’associativité – en particulier en ce qui concerne l’enfance et la jeunesse.

  • Incorporation au programme des moyens de communication et à leurs visions institutionnelles du renforcement de la démocratie moyennant une impulsion donnée aux valeurs et pratiques démocratiques.

  • Formulation de politiques culturelles qui envisagent la composante de la formation aux valeurs et pratiques démocratiques.

  • Qualité de la révision du discours pédagogique et de la pratique de l’éducation en fonction du programme, par pays, par région et par localité.

  • Plans de révision de la formation des enseignants.

  • En ce qui concerne l’impact, il faudrait déterminer périodiquement si, au sein de la population, un comportement encore plus civique se généralise et si l’ensemble de la société gagne plus d’éléments en tant que collectivité civique.

 

III

TROISIÈME AXE THÉMATIQUE

LA PROMOTION DE LA PAIX ENTRE LES ÉTATS

 

INTRODUCTION

Dans ce document, il est assumé, tout d’abord, que les conflits entre les États sont inévitables. Deuxièmement, il est jugé peu réaliste de prétendre que la disparition de la guerre est une option dans les relations entre les États. Il est plutôt recommandé de chercher à réduire au maximum la possibilité d’en arriver à cette option.

Pour être en mesure de cerner adéquatement les tâches éducatives liées à la promotion de la paix entre les États, il est nécessaire de définir le problème qui doit être résolu. Le problème est donc celui du conflit armé entre les États. À cette fin, il convient de passer en revue ce que l’on sait en réalité du pourquoi de ces conflits.

En réalité, les connaissances fiables sur les causes des guerres se raréfient. Mais faute de meilleures connaissances, il est nécessaire de travailler avec les lumières disponibles aujourd’hui, en particulier avec celles qui s’appuient sur de solides preuves empiriques. Sans ignorer les facteurs psychologiques et biologiques qui peuvent contribuer au développement d’une guerre, on trouvera ci-après une récapitulation, sélective et tenant compte du contexte spécifique actuel des Amériques, des connaissances sur les facteurs de niveau 'macro' qui semblent avoir une incidence particulière sur l’origine des conflits violents.

Les guerres entre les États sont liées à:

  • Des rivalités nationalistes ou à l’ethnocentrisme, alimentés par des souvenirs d’hostilités antérieures et exacerbés par des messages émotionnels des moyens de communication.

  • Des stratégies de leaders politiques en difficultés, qui cherchent à détourner l’attention de l’opinion publique nationale d’un conflit inter-États.

  • Des carrières dans les armes, le tout lié à un manque de communication entre les États, qui peuvent amener les uns et les autres à interpréter comme mouvements d’agression ceux qui ne sont en fait que de simples mouvements défensifs.

  • Une intervention dans un conflit interne entre pouvoirs étrangers rivaux.

 

ÉDUCATION ET PROMOTION DE LA PAIX

Au sein des diverses formes de conceptualisation de la finalité des processus éducatifs, il en est une qui, adoptée dans le présent document, qui envisage que ces processus visent à renforcer et/ou à réorienter l’adhésion à certaines valeurs fondamentales, à cultiver certaines attitudes axées sur la résolution de problèmes, à renforcer et/ou à gérer certaines réactions émotionnelles, à développer certaines habiletés et à élargir le flux des connaissances.

Il convient de souligner que les processus éducationnels contribuent sous de multiples formes à la promotion de la paix, certains de façon plus lointaine –mais non moins importante—et d’autres de façon plus directe. Ce sont ces dernières qui sont privilégiées ci-après.

Il est donc important qu’à partir des facteurs générateurs de conflit violent, qui ont été mentionnés un peu plus haut, les processus éducationnels appuient les attitudes et valeurs suivantes, qu’ils nous enseignent à comprendre et à gérer les réactions émotionnelles décrites ci-après et qu’ils cultivent les habiletés et connaissances qui sont brièvement énumérées ici.

  • Valeurs fondamentales: respect des droits de l’homme, en particulier du droit à la vie, à la liberté et au traitement égal. Haute estime de la solidarité et de la justice.

  • Attitudes axées sur la résolution de problèmes : reconnaissance du droit international – dans tous ses champs d’application --, la diversité culturelle, l’autodétermination des peuples et le dialogue comme moyen de résoudre les différends. Respect des opinions différentes .

  • Réactions émotionnelles: les sentiments patriotiques, nationalistes et xénophobes. La peur devant de graves menaces.

  • Habiletés: pour communiquer, gérer les conflits et créer des solutions de rechange pour les intérêts en conflit.

  • Connaissances: sur le pourquoi des guerres et leurs coûts en vies humaines, l’importance qu’attribuent les personnes à la sécurité pour protéger leur vie, leur honneur et leurs biens; le rôle positif ou négatif des moyens de communication de masse dans l’origine des conflits violents entre États; les formes de manipulation des sentiments du peuple auxquelles ont recours les leaders politiques; les divers instruments utilisés pour solutionner intelligemment les conflits entre États (négociations diplomatiques, recours aux "bons offices" de tiers, tribunaux internationaux, etc.).

 

Finalement, il est jugé que l’une des procédures les plus indiquées pour bâtir la confiance et, simultanément, détruire les stéréotypes négatifs des ressortissants d’un État face à ceux de l’autre, consiste à maintenir des contacts personnels et informels entre les uns et les autres.

 

 

SCÉNARIOS ET INTERVENANTS

Les initiatives qui peuvent se succéder relativement à la promotion de la paix entre les États devront envisager des activités qui se déroulent au cœur de l'école, en dehors d'elle, comme par exemple dans les associations de pères de famille et d'éducateurs, les groupes parascolaires, les centres officiels de décision sur les politiques en matière d'éducation et certains organismes internationaux.

Certaines stratégies peuvent être recommandées dans chaque cas. Elles sont les suivantes:

 

a. Dans les établissements scolaires de niveau primaire, secondaire et de troisième cycle, les activités suivantes pourraient être organisées:

  • Sensibiliser les enseignants, par le biais de divers cours, au fait que les conflits, tant entre les personnes et les groupes qu'entre les États, sont inévitables et qu'ils constituent, pour les personnes impliquées, un défit pour ce qui est de mûrir en tant que personne. À titre de complément, il faut créer l'espace par un ou plusieurs cours pour analyser systématiquement la nature des conflits humains, leurs causes et leurs conséquences, ainsi que les formes non violentes de les surmonter.

  • En ce qui concerne les conflits survenus entre son propre pays et un autre, il faut réaliser des exercices dans l'aula de l'école -- par exemple des jeux de rôle-- pour se mettre dans la position de l'autre et comprendre la raison d'être de son point de vue. Encourager la recherche de solutions de rechange, acceptables aux parties.

  • Encourager les étudiants à obtenir des informations, par l'intermédiaire de l'Internet et/ou de la télévision ou tout autre moyen de communication de masse, sur des aspects spécifiques d'autres pays, liés à la thématique qui se déroule dans l'aula.

  • Encourager les visites organisées de jeunes dans des pays voisins afin de connaître leur population, leurs traditions, leurs problèmes et leurs succès.

  • Relativement aux problèmes qui affectent divers États -- détérioration de l'environnement, conurbation dans les zones limitrophes, le trafic de drogues, la gestion des eaux dans des bassins communs, le développement régional frontalier crime organisé, etc. --, entamer un processus de réflexion à l'aula sur la nécessité de la collaboration mutuelle pour les solutionner.

  • Il appartient, d'autre part, aux universités d'appuyer les programmes dédiés à la formation de spécialistes dans la gestion créative des conflits internationaux, et mettre en marche des recherches à leur sujet, afin de mieux comprendre leur raison d'être et les mécanismes permettant d'en venir à bout.

 

b.  Aux associations de pères de famille et aux associations d'éducateurs, il convient de procéder comme suit:

  • Faire leur le drapeau de l'éducation pour la paix afin de susciter chez les nouvelles générations, dès l'âge le plus tendre, l'amour des valeurs fondamentales de la vie, de la liberté, du traitement équitable, de la justice et de la solidarité, en inculquant avec le propre exemple les conduites qui les incarnent dans la vie de tous les jours.

c.  Aux conseils de direction des associations et d'autres groupes parascolaires de jeunes, l'invitation est lancée :

  • De tirer parti des conflits qui surgissent entre les membres du groupe en faisant ressortir l'importance de bien les comprendre et de chercher une façon créative de les surmonter.

 

d. Aux gouvernements, il est suggéré d'autres initiatives dont les suivantes :

  • Stimuler les professeurs qui enseignent dans le domaine social pour que dans l'élaboration de leurs cours respectifs, ils traitent de manière documentée et critique des phénomènes contemporains d'interdépendance croissante, du pourquoi des guerres et de leurs coûts en vies humaines, de l'importance que les personnes attribuent à la protection de leur vie, de leur honneur et de leurs biens, du rôle positif ou négatif des moyens de communication dans l'origine des conflits violents, des formes de manipulation des sentiments du peuple et des divers instruments permettant de résoudre intelligemment les conflits entre les États (négociation diplomatique, recours aux "bons offices" de tiers, tribunaux internationaux, etc.).

  • Créer des programmes pour que des groupes organisés de maîtres et de jeunes puissent plus fréquemment et plus facilement visiter d'autres pays du Continent et assistant à des rencontres universitaires liées à la paix entre les États.

  • Établir un système d'aides financières dans chaque pays pour que des jeunes choisis puissent assister à des forums, à des congrès, à des séminaires et à d'autres événements similaires, organisés comme des arènes de rencontre entre les jeunes du Continent.

  • Fonder des auberges de jeunesse qui offrent à des jeunes d'autres pays l'occasion de trouver pour une brève période un logement de prix raisonnable pendant qu'ils visitent le pays.

  • Organiser des cours de formation pour les éducateurs et les directeurs d'associations de pères de famille et d'éducateurs, afin qu'ils puissent accomplir avec succès les tâches proposées plus haut.

  • Exiger dans les curriculums de l'éducation primaire et secondaire l'étude de la Déclaration universelle des droits de l'homme, les principes de base du droit international humanitaire et la Charte de l'Organisation des États Américains.

e. À l'Organisation des États Américains, il est suggéré ce qui suit :

  • L'organisation d'un "Parlement Américain des Jeunes" -- semblable au Parlement mondial des enfants, convoqué par l'UNESCO -- constitué de jeunes de tous les États du Continent, lesquels se réuniraient annuellement durant une semaine dans une capitale distincte dans le but de proposer, d'analyser et d'adopter des recommandations concrètes relatives à la paix et à l'intégration continentale. Il importe de motiver les moyens de communication de masse et de leur faciliter la tâche pour qu'ils donnent une ample couverture à ces réunions.

  • Programmer sur l'Internet un site de rencontre pour les jeunes des Amériques. Il s'agit de créer des communautés virtuelles qui puissent "converser" soit librement, soit sur des thèmes spécifiques, débattre, jouer, échanger des adresses et des archives, etc.

 


1. "... pendant les 5.000 ans de notre histoire, il y a eu 14.000 guerres qui ont causé la mort de 5 milliards d’êtres humains. Au cours des derniers 3.400 ans, il n’y a eu que 250 ans de paix dans le monde. Lors de la première guerre mondiale, 10 millions de personnes sont mortes dans la proportion de 20 soldats pour un civil, sans compter les 21 millions de morts causées par des épidémies. La Seconde guerre mondiale a tué 40 millions de personnes, autant chez les civils que chez les militaires. De 1945 à 1969, il y a eu rien moins que 73 conflits armés. On a calculé qu’aujourd’hui la proportion des morts serait de 10 civils pour un militaire, et de 100 civils pour un militaire s’il y avait une guerre nucléaire. De 1900 à 1941, sur 24 conflits armés, 19 ont été des conflits internationaux et 5 seulement des conflits nationaux. Depuis lors la proportion a été inversée. De 1945 à 1969, seuls 15 conflits sur 97 ont été internationaux, 26 n’ont pas été des conflits internationaux alors que 56 étaient des conflits mixtes ou des guerres de libération.". Jean Pictet, Développement et principes du droit international humanitaire, Institut Henry Dunant et Comité International de la Croix Rouge, TM Éditeurs, Santafé de Bogotá, 1997, p. 93.

2. "Si nous pouvons qualifier l’absence de guerre comme une paix négative, l’absence de violence équivaudrait à une paix positive dans le sens de justice sociale, harmonie, satisfaction des besoins élémentaires (survie, bien-être, identité et liberté), autonomie, dialogue, solidarité, intégration et équité. Ainsi, la construction de la paix signifie éviter ou réduire toutes les expressions de la violence, entreprise d’une grande ampleur qui nous indique clairement que la paix n’est pas quelque chose que l’on atteint du jour au lendemain; c’est plutôt un processus, un cheminement, une référence. Mais il ne faut pas que l’impossibilité de parvenir à une paix complète nous décourage ou décourage ceux qui veulent confronter ces manifestations de violence destructrice car ce que nous voulons, c’est faire en sorte que les actions de l’homme soient orientées dans cette direction et non dans la direction contraire, où prédominent l’injustice, la soumission et l’inégalité". Vicenc Fisas Armengol, Cultura de Paz y Gestión de Conflictos, Icaria Antrazyt Editores et l’UNESCO, Barcelone, 1998, pp. 19-20.

3. Cf. Séminaire permanent de l’Éducation pour la paix et l’association en faveur des droits de l’homme, Educar para la Paz, Los libros de la Catarata, Madrid, 1994.

4. "Le conflit...est un processus interactif qui se produit dans un contexte déterminé. C’est une construction sociale, une création humaine différente de la violence (il peut y avoir conflit sans violence, mais il ne peut y avoir de violence sans conflit), qui peut être positif ou négatif selon la façon dont on l’aborde et dont on y met fin. Il peut être conduit, transformé et surmonté (il peut se transformer en paix) par les parties impliquées, avec ou sans l’aide de tiers ; il peut affecter les attitudes et les comportements des parties et déboucher sur des disputes, qui peuvent être le résultat d’un antagonisme ou d’une incompatibilité (initiale, mais surmontable) entre deux parties ou davantage, le résultat complexe de valeurs, de pulsions instinctives, de sentiments, de croyances, etc. qui exprime une insatisfaction ou un désaccod sur divers éléments". Vicenc Fisas Armengol, Op. Cit., pp. 29-30.

 

 

 

 

 


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