5/25/2024
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Conseil Permanent - Organization des États Américains / Comision sur la Sécurité Continentale

POUR UNE CULTURE DE LA CONFIANCE ET DE LA COEXISTENCE DÉMOCRATIQUE

 

ÉDUCATION POUR LA PAIX

 

Réunion d'experts pour concevoir un projet de Programme d'éducation pour la paix

 

CONSEIL PERMANENT DE
L’ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS

COMMISSION SUR LA SÉCURITÉ CONTINENTALE

OEA/Ser.G
CP/CSH-225/99
25 août 1999
Original: espagnol

 EDUCATION POUR LA PAIX DANS LE CONTINENT AMÉRICAIN
"POUR UNE CULTURE DE LA CONFIANCE
ET DE LA COEXISTENCE DÉMOCRATIQUE"

Document de travail

(Colombie)

TABLE DES MATIÈRES

I. ANTÉCÉDENTS

II. CONTEXTE THÉORIQUE DE LA PROPOSITION

  1. Référence culturelle
  2. Référence éthique
  3. Référence éducative

III. LES SCÉNARIOS DE LA PAIX DANS LE CONTINENT

IV.   LES DOMAINES QUE COUVRE LA PROPOSITION

V.    PROPOSITION DE PROGRAMME D’ÉDUCATION POUR LA PAIX DANS LE
       CONTINENT

  1. L’éducation et le règlement intelligent des différends
  2. L’éducation et la promotion des valeurs et pratiques démocratiques
  3. L’éducation et la promotion de la paix entre les États
  1. UN ENGAGEMENT CONCRET DU PROGRAMME D’ÉDUCATION
  2. POUR LA PAIX DANS LE CONTINENT.

  3. LE PASSAGE DE LA PROPOSITION À LA PRATIQUE.

 

I. ANTÉCÉDENT

L’initiative du Programme d’éducation pour la paix a pris naissance dans le cadre de la "Conférence régionale sur les mesures d’encouragement de la confiance et de la sécurité", réalisée à Santiago du Chile en 1995. C’est pour cette raison que la Commission sur la sécurité continentale a été chargée de demander au Conseil permanent des orientations générales pour le programme d’éducation pour la paix dans le cadre de l’OEA.

Cette origine donne à l’initiative un caractère à la fois éthique et politique différent, peut-être, de celui qu’elle aurait eu si elle était sortie des instances éducatives de l’Organisation. Ce thème correspond à l’un des principes de la Charte de l’OEA qui consacre: "... l’Organisation internationale qu’ils ont établie en vue de parvenir à un ordre de paix et de justice, de maintenir leur solidarité, de renforcer leur collaboration, et de défendre leur souveraineté, leur intégrité territoriale".

À cette fin, on a sollicité dès le départ la collaboration de l’UNESCO pour qu’elle apporte son expérience dans ce domaine; c’est pourquoi la présente proposition a également tiré parti des initiatives de cet organisme.

Les critères fondamentaux qui inspirent ce document de travail sont conformes aux principes ci-après de la Charte de l’OEA: "L’unité spirituelle du Continent est basée sur le respect des valeurs culturelles des pays américains et requiert leur étroite collaboration pour atteindre les buts élevés de la culture humaine", et "L’éducation des peuples doit être orientée vers la justice, la liberté et la paix".

 

II. CONTEXTE THÉORIQUE DE LA PROPOSITION

 A. Référence culturelle

L’aspiration des peuples du continent à coexister dans le cadre de niveaux progressifs de confiance mutuelle, de collaboration mutuelle, de progrès et d’équité dans la variété des projets nationaux et la diversité des cultures qui nous caractérisent, loin d’être une chimère est un projet réalisable, pour lequel on adopte des mesures significatives dans le continent.

L’horizon historique de ce projet ne se limite pas à une durée courte ou moyenne, mais se profile vers le long terme et son contenu annonce un dynamisme, une complexité et une diversité plus amples dans les processus qui le composent.

Sa signification dépasse, par conséquent, celle d’un programme spécifique et limité par rapport à la sécurité ou la coexistence pacifique, dans l’ample substrat de la culture, où s’affinent les germes de l’humanité et de la conquête de niveaux supérieurs d’organisation civilisée.

Cette proposition coïncide, dès lors, avec la pensée de l’UNESCO qui considère que "La formulation d’un nouveau paradigme pour la paix en réponse aux défis de la violence sociale croissante est indispensable. Il faut développer une Culture de la paix à l’échelle mondiale"1 Ce qui, à ce niveau, acquiert une importance spéciale, c’est le langage en tant que véhicule d’articulation et de transmission de la culture et en tant que "langage intérieur" des gens, où la confiance mutuelle et la paix s’alimentent ou sont perturbées.

La culture d’un langage propice au renforcement des relations de confiance et au règlement pacifique des différends a une importante fonction formative et permet de développer la capacité d’argumentation en ce qui concerne les affaires de la morale collective. Si tout langage -individuel ou social- reflète des valeurs, des croyances et des attitudes, il s’agit alors du point de départ pour faire de la paix une conversation permanente et un dialogue continu.

 

B. Référence éthique

La coexistence pacifique, à l’intérieur des États et entre eux, est le résultat de lignes de comportement, d’us, de coutumes, de normes et d’institutions, conformes à des valeurs partagées et enracinées dans chaque peuple et dans chaque personne. Des lignes de conduite et des valeurs qui doivent continuer à s’édifier et à mûrir grâce surtout à l’éducation dans toutes ses modalités possibles. Parmi ces valeurs ou principes collectifs se détache la conviction qu’il est possible et nécessaire d’écarter la guerre, car, en fin de compte, celle-ci se manifeste de plus en plus comme un moyen vide de sens pour le règlement humain des différends; elle se justifie à partir de raisons conjoncturelles basées sur un raisonnement solide seulement en apparence.

D’où la conviction que la confiance entre les personnes, les groupes, les cultures et les pays doit précéder les stratégies et mécanismes politiques qui stimulent les sociétés et, en même temps, constituer leur principale résultante. Cette confiance doit être enracinée dans l’"ethos" de ces personnes, groupes, cultures et pays pour qu’une coexistence positive dans la paix soit cohérente.

 

C. Référence éducative

L’UNESCO affirme avec raison que "...c’est dans l’esprit des êtres humains qu’il faut construire les bastions de la paix" (Charte constitutive). Dans cette perspective, l’esprit et le cœur sont l’objectif de l’éducation; celle-ci acquiert de plus en plus le rôle principal dans l’édification d’une coexistence pacifique. D’une paix qui, comme l’affirme encore une fois l’UNESCO, "ne peut consister uniquement en l’absence de conflits armés, sinon qu’elle entraîne, principalement, un processus de progrès, de justice, de respect mutuel entre les peuples, destiné à garantir l’édification d’une société internationale dans laquelle chacun peut trouver sa vraie place et jouir de la partie des ressources intellectuelles et matérielles du monde qui lui reviennent…" 2

Cependant, l’éducation n’est pas l’unique élément qui puisse garantir la paix; son efficacité à ce sujet n’est pas absolue. De plus, toute éducation ne conduit pas directement à la paix. Il est clair qu’il faut la médiation d’autres instances, comme celle de la politique et de l’économie et celle de certains secteurs sociaux pour que cette valeur entre en vigueur et pour que le droit à l’éducation ait la couverture et l’équité dont il a besoin. L’absence de paix continue d’être liée à des "problèmes ancestraux, tels que la pauvreté, qui ne sont toujours pas résolus, auxquels se sont ajoutés ou se sont accentués des phénomènes comme le trafic de drogues, la corruption, le terrorisme, le crime organisé, l’insécurité publique"3, l’instabilité démocratique, la violation des droits de l’homme, autant de problèmes concrets qui exigent une solution à bref délai.

 

III. LES SCÉNARIOS DE LA PAIX DANS LE CONTINENT

 

Dans la perspective de la paix, les conditions internes et externes des pays du continent forment des scénarios différents qui vont d’ordres sociaux dans lesquels les conflits se résolvent sans violence armée, aux situations de guerre dans lesquelles il faut intensifier le respect du Droit international humanitaire et l’édification d’espaces de neutralité dans lesquels sont créées des possibilités de réconciliation, en passant par des situations dans lesquelles les hostilités ont récemment cessé et des processus de réconciliation ont démarré.

À la variété des scénarios doit correspondre nécessairement un rôle distinct de l’éducation. Il s’ensuit que, dans un projet d’éducation orienté vers un objectif de paix, il faut caractériser le scénario présent dans chaque région et dans chaque pays, et en même temps, il est nécessaire que les autres régions et pays comprennent et appuient le rythme de chacun des processus.

Il y a également des axes conflictuels transversaux qui affectent tout le continent ou une grande partie de ses pays et qu’il faut affronter dans le cadre d’un effort éducatif conjoint, sans pour autant méconnaître les caractéristiques spécifiques de chaque région. Il s’agit des conflits liés au respect des droits de l’homme, notamment ceux des enfants, les situations d’extrême pauvreté, le pluralisme ethnique, le trafic des drogues et la corruption, ainsi que les processus d’organisation et de mobilisation de la société civile et les proposition relatives à la participation des citoyens.

 

IV. LES DOMAINES QUE COUVRE LA PROPOSITION

 

Un projet comme celui-ci doit atteindre certainement le niveau individuel (dans la dimension axiologique et morale), mais aussi le niveau familial, dans lequel s’installent différentes formes de violence, et le niveau des groupes sociaux (comme ceux qu’engendre la multiplicité des ethnies) répartis dans différents territoires, où agissent plusieurs pouvoirs en situation de conflit4. Les déplacements humains qui se succèdent dans plusieurs régions engendrent des situations culturelles et scénarios nouveaux qu’il faut reconnaître et affronter.

Il est clair que pour atteindre ces niveaux il faut élaborer des stratégies éducatives formelles, mais aussi des stratégies non formelles et informelles.

 

V. PROPOSITION DU PROGRAMME D’ÉDUCATION POUR LA PAIX
DANS LE CONTINENT

 

Pour la mise au point de ces critères, trois composantes ont été proposées pour le programme: celle de l’éducation pour la promotion de la paix entre les États, celle de l’éducation pour la promotion des valeurs et pratiques démocratiques et celle de l’éducation pour le règlement pacifique des différends. Conformément à la primauté déjà signalée de la dimension éthique (Encouragement de la confiance), qui est plus intimement liée à la nature de l’éducation, par rapport à la dimension politique (Sécurité), les composantes ou domaines retenus se présentent dans un ordre inverse de celui mentionné.

 

A. L’éducation et le règlement intelligent des différends

Dans la ligne des références théoriques mentionnées, on constate que l’affrontement armé n’est que l’une des avenues retenues pour résoudre le conflit et c’est précisément l’avenue la moins intelligente, la moins mure et la plus onéreuse, souvent soutenue par des agents n’appartenant pas au groupe et étrangers aux aspirations humaines réelles des communautés régionales ou nationales. Ceci invite à faire une nette différence entre les catégories de "conflits" et la manière dont ils sont résolus.

Le conflit est inhérent à la dynamique humaine et sociale et, en général, loin d’avoir une acception négative, présente plutôt un sens positif évident, soit parce qu’il constitue une occasion pour développer la créativité ou promouvoir la maturité personnel, sociale et internationale, dans la recherche de niveaux supérieurs et meilleurs d’organisation, soit parce que les conflits les plus intelligents exigent des formes de solution également plus intelligentes. Les sociétés en plein progrès méritent des conflits intelligents.

Dans cette optique, il convient de former les nouvelles générations pour qu’elles apprennent à profiter de la richesse de la diversité et des conflits et à les qualifier de manière à mettre en évidence la perte totale du sens et de la fonction du recours aux armes et à la guerre5, mais, en même temps, cette formation doit les habituer à observer, à agir sur les racines réelles de ces conflits, à cultiver la critique, le dialogue et le recours aux moyens et, enfin, à faire face à l’incertitude qui accompagne le dynamisme social de sociétés de plus en plus complexes. Ceci les mettra en mesure d’affronter des situations diverses.

Cette entreprise charge l’éducation de réaliser une profond changement dans la manière dont les nouvelles générations pensent et dans le type de relations que leurs membres établissent entre eux. Il faut mentionner ici que l’UNESCO les invite à développer le sens de la découverte d’autrui et l’attitude d’orientation vers des objectifs communs6.

L’expérience démontre que dans cette tâche qui consiste à tirer parti, de manière constructive, de la pluralité individuelle, culturelle, ethnique ou religieuse entre les individus, les communautés locales ou les États, l’idée d’établir la confiance entre eux est davantage une affaire humaine qu’un thème spécifique des "sociétés de la connaissance"7, qui se développe chez les élèves davantage par l’application des principes consistant à "apprendre en agissant" et à "apprendre en délibérant" que par des recherches ou programmes universitaires. Dans ce domaine, on estime que la puissance pédagogique de l’interaction sociale est meilleure que celle de l’école formelle. Un programme d’éducation pour la paix a donc besoin de dégager et de mettre en relief les expériences de la vie quotidienne en matière de construction de la paix.

Une éducation destinée à la gestion intelligente des conflits implique la conscience, le respect, la mise en valeur et même la mise à profit des différences.

 

B. L’éducation et la promotion des valeurs et pratiques démocratiques

L’éducation pour la gestion intelligente des conflits aussi bien que pour la promotion des valeurs et pratiques démocratiques se situe dans le terrain de l’éthique et débouche sur l’édification d’un nouvel "ethos" culturel: il est indispensable de "mobiliser le pouvoir de la culture"8.

De même, en ce qui concerne la démocratie, la proximité d’un niveau souhaitable de démocratie participative réelle varie beaucoup d’un État du continent à l’autre. Ces niveaux de proximité ou d’éloignement sont mesurés au moyen de plusieurs facteurs, notamment la mise en application du droit à l’éducation (et, dans le cadre de celui-ci, à la formation sur la culture civique et politique), les niveaux d'iniquité ou d’exclusion et de corruption ( tant à l’intérieur d’un État qu’entre les États) et les formes d’ingérence de pouvoirs transnationaux ou supranationaux.

Dans ce domaine, la tâche de l’éducation doit s’orienter vers l’édification de l’"ethos" culturel démocratique au moyen d’expériences locales de participation civique dans lesquelles la dignité humaine et les caractéristiques particulières des individus et de leurs groupes primaires sont mises en relief et un langage intra-subjectif et inter-subjectif autonome, responsable et solidaire est préconisé.

Cet "ethos" doit s’articuler avec des vocations culturelles particulières des régions et des pays, vocations auxquelles il faut donner la parole et qui sont enracinées dans un territoire déterminé et dans une histoire également spécifique qui sert de base à l’agenda des communautés vouées à ces vocations et à leurs conflits locaux et régionaux. Le défi de l’éducation, dans ce cas, réside dans la manière de consolider l’"identité nationale’’ de chaque État et l’"identité continentale’’, dans le respect et la promotion de cette diversité culturelle9, donc dans le renouvellement et la reconstruction permanente du tissu social, ce qui permet l’exercice réel des libertés et des droits consacrés dans les Chartes politiques nationales et dans celle des Nations Unies10.

Ainsi, l’éducation doit s’orienter vers l’édification d’une éthique viable dans le cadre de ce riche spectre anthropologique. À cette fin, en même qu’elle devra promouvoir la reconnaissance et l’appréciation pour l’habitat commun, pour le potentiel de la richesse culturelle du continent et pour l’avenir commun et interdépendant qui nous attend, il faudra cultiver la capacité de rechercher des accords pour la coexistence au milieu de la nécessaire pluralité qui nous caractérise. Les stratégies éducatives devront donc une fois de plus cultiver le caractère d’argumentation du langage et sa richesse communicative.

L’éducation seule ne peut ni engendrer la confiance ni faire régner la démocratie, mais, sans elle, on ne peut pas atteindre ces objectifs. La coexistence est naturelle, la démocratie est le résultat d’une construction culturelle et, à ce titre, peut être enseignée.

 

C. L’éducation et la promotion de la paix entre les États

L’esprit de cette proposition est nettement positif puisqu’elle est fondée sur l’encouragement de la confiance entre les nations du continent et est axée sur les buts de la Charte de l’OEA, à savoir "prévenir les causes possibles de difficultés et assurer le règlement pacifique des différends qui surgissent entre les États membres; favoriser, au moyen d’une action coopérative, le développement économique, social et culturel de ceux-ci (Cf. Article 2 de la Charte).

Pour le développement de cette proposition, il faut que l’éducation encourage parmi les nouvelles générations la conviction que la guerre n’est plus une solution de la gestion politique, mais son ennemi, que c’est une invention de la culture et qu’elle peut être écartée grâce à des décisions intelligentes de la part des États.

Dans le cadre de la possibilité de médiation qu’a l’éducation dans cette question, (encore une fois limitée, puisqu’il y a d’autres instances qui assurent la médiation plus souvent et avec un plus grand impact), une tâche qu’elle doit développer est celle de la formation dans la continuité et l’interaction qui doit exister entre l’éthique et la politique, ainsi que la formation dans l’interaction et la collaboration entre la société civile et l’État, dans le cadre du concept de règlement intelligent des différends et au moyen d’expériences significatives.

Encore sur le plan éthique, une autre possibilité est celle de former les nouvelles générations pour le traitement institutionnel des conflits (c’est-à-dire, rendre visible le pouvoir qu’a le Droit). À cette fin, il faudra enseigner minutieusement la récupération de la valeur et de l’importance de la norme pour la vie personnelle et communautaire et le caractère nocif de l’anomie, tout comme la corrélation nécessaire qui existe entre droits et devoirs, dont la formation et le développement n’ont pas toujours été apprêtés.

Les programmes et processus d’intégration et de coopération entre les régions et les États, dans le domaine économique aussi bien que social et culturel, rendront certainement possible la reconnaissance mutuelle de la richesse que renferme notre diversité culturelle et sociale, la pluralité d’ethos que nous possédons, la diversité de situations, de mentalités, de réalités humaines, et de rêves, de notre quotidien. De cette manière, ces programmes et processus constituent une des meilleures stratégies pédagogiques pour prévenir l’éclosion de la guerre, car, ainsi qu’on l’a rappelé antérieurement, ‘les guerres naissent dans l’esprit des êtres humains’ (Charte de l’UNESCO) et souvent, elles s’organisent et se gèrent au milieu de raisonnements abstraits qui n’ont pas l’occasion de considérer les conflits concrets, locaux, du développement humain, lequel en subit des effets irréparables.

 

VI. UN ENGAGEMENT CONCRET DU PROGRAMME D’ÉDUCATION
POUR LA PAIX DANS LE CONTINENT

 

Avec les cinquante années d’existence de l’Organisation et au seuil d’un nouveau millénaire, la société actuelle dispose de capacités continentales et internationales qui permettent à l’OEA de convoquer les États membres à la conquête d’objectifs nouveaux et ambitieux dans les domaines ciblés.

Parmi ces capacités, on peut souligner le rôle central qu’assigne à l’éducation dans le nouveau siècle, la révolution de la connaissance qui s’est produite au long du siècle qui s’achève, le niveau de conscience planétaire et continentale qu’a atteint l’homme, sa sensibilité à l’égard des droits de la personne et la valeur de la démocratie, la reconnaissance de la valeur de la diversité ethnique et culturelle, le progrès du savoir pédagogique et des nouvelles sciences, les possibilités de l’informatique, l’apprentissage des risques que court une science, une politique ou une économie détachée de l’éthique.

À elles sont venus s’ajouter la volonté et les programmes d’Organisations comme l’UNESCO en faveur de la culture de la paix, tout comme la communauté de vues que manifestent, durant la dernière décennie, les différentes agences des pays du continent à l’égard des intentions consignées dans cette Proposition, lesquelles, toutefois, ne sont pas souvent passées du stade du discours à celui de la réalité.

Tous ces potentiels et d’autres encore avec lesquels l’être humain termine le présent siècle, permettent à l’Organisation des États Américains de proposer aux États membres l’objectif consistant à former, dans une première étape, une génération d’élèves du continent dans le cadre des orientations générales et des objectifs mentionnés dans cette proposition. Ces orientations générales conduisent à l’édification de la culture de la paix, car comme l’a défini la Conférence générale de l’UNESCO en 1995, "À la fin du XXe Siècle, le principal défi consiste à entamer la transition d’une culture de guerre à une culture de paix: une culture de l’harmonie sociale et du partage, fondée sur les principes de liberté, de justice et de démocratie, de tolérance et de solidarité, une culture qui rejette la violence et qui cherche à prévenir les causes des conflits dans leurs racines et à apporter des solutions aux problèmes par le dialogue et la négociation, une culture garantissant à tous le plein exercice de tous les droits ainsi que les moyens pour participer pleinement au développement endogène de sa société"11.

L’évaluation qui sera faite à la fin de ce laps de temps permettra d’approfondir les orientations générales ou au contraire de poser de nouveau les questions, mais ce qui restera à ce moment-là sera le précieux héritage d’une démarche continentale concrète et solidaire et d’une expérience particulièrement significative.

 

VII. LE PASSAGE DE LA PROPOSITION À LA PRATIQUE

La mise en oeuvre de cette proposition peut avoir différentes expressions dans le domaine de l’enseignement, de la recherche, de la coopération interinstitutionnelle, des réseaux universitaires et informatiques, au moyen de divers programmes qui maintiennent l’intentionnalité des orientations générales proposées pour les domaines de travail et évitent de se limiter à des activités transitoires ou de caractère strictement local.

Parmi les agents les plus propres à mettre en oeuvre le Programme d’éducation pour la paix dans le continent, une responsabilité prioritaire revient aux ministres de l’éducation, de la culture, des communications ou leurs équivalents et aux universités, car selon l’opinion de l’UNESCO, "La participation des universités à la création et au maintien du nouveau paradigme, dans l’édification d’une culture de paix, peut être une composante critique"12. "Les institutions d’enseignement supérieur interconnectées avec d’autres organisations ont une occasion sans précédent de promouvoir l’enseignement, la recherche et le service consacrés à une Culture de la paix"13.

Le succès du présent Programme dépendra de l’action du coordonnateur international qui sera désigné pour l’exécuter et des coordonnateurs régionaux (un par sous-région du continent) qui, conformément aux caractéristiques des différents pays et en coordination avec les autres programmes de l’OEA et ceux de l’UNESCO, mettront en oeuvre le programme et géreront le développement des initiatives qui seront formulées.

Dans le cadre de cette gestion, on organisera des réunions régionales d’experts pour évaluer périodiquement le suivi du programme et proposer de nouvelles avenues pour son développement.

 


 

1. UNESCO, L’enseignement supérieur au XXIe Siècle, Vision et action. Débat thématique: La promotion d’une culture de paix, Paris 5-9 Oct. 1998, page 3.

2. UNESCO, XVIII Conférence générale, "Recommandation concernant l’éducation pour la compréhension internationale, la coopération et la paix et l’éducation relative aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales", Paris, Novembre 1974.

3. OEA/Ser.G, CP/CSH-160/99 rev. 1, "Orientations générales d’un Programme d’éducation pour la paix dans le continent", page 4.

4. Il est entendu que le territoire est une "construction sociale" qui inclut la perception de la géographie, mais qui s’adapte à l’agenda culturel de la population qui y vit.

5. Une première tâche consistera à éloigner la guerre des salles de classe, c’est-à-dire à éliminer les agressions contre les enfants, les professeurs et les espaces de la science et de la culture; une autre tâche sera de faire en sorte que l’école, l’université et la science servent à édifier activement la paix.

6. Cf. Jacques Delors (dir.) "L’éducation renferme un trésor". Madrid: Santillana, Edic. UNESCO, 1996.

7. Le Conseil économique et social des Nations Unies avertit à ce sujet que "La "société de l’information et de la communication" nous ouvre de grandes possibilités quant à l’expansion de l’éducation grâce à l’utilisation des nouvelles technologies; cependant, il met en garde en même temps contre le danger d’expansion de nouvelles formes d’exclusion sociale plus amples et liées à de nouveaux facteurs comme l’accès ou l’absence d’accès à ces réseaux éducatifs ou le manque de formation pour utiliser tout le potentiel qu’on nous offre." (Ferrán Ferrer, "Le droit à l’éducation et aux programmes de compensation des inégalités", Nations Unies, Conseil économique et social, Comité des droits économiques, sociaux et culturels, novembre 1998, pages 8 et 9).

8. C’est le titre du débat organisé par l’UNESCO en août 1998, au cours duquel a été lancé un appel spécial aux universités pour que leur enseignement soit "un enseignement bien fondé du point de vue culturel qui donne aux étudiants une connaisance du "prochain", ce qui à son tour leur permet de mieux "se connaître eux-mêmes". Rex, Nettleford, "Mobiliser le pouvoir de la culture" à l’UNESCO, L’enseignement supérieur au XXIe Siècle. Vision et action, Paris, Octobre 1998, page 9.

9. Dans ce domaine, la promotion des droits culturels est fondamentale. Ainsi que le comprend l’Organisation des Nations Unies: "Il s’agit donc, -comme le dit un récent document de cette organisation- de droits fondamentaux sans le respect desquels aucun droit de la personne ne peut être appliqué validement. Ces droits sont porteurs immédiats de la dignité humaine en matière de liberté, d’autonomie et de créativité. Tout cela est valide au niveau personnel. Au niveau communautaire, ces droits constituent la base de toute culture démocratique" (Patrice Meyes-Bisch, "Logiques du droit à l’éducation dans le cadre des droits culturels". Nations Unies, Conseil économique et social. Comité des droits économiques, sociaux et culturels, 30 Novembre 1998, page 3).

10. "Même si les droits humains sont indivisibles, interdépendants et liés les uns aux autres, le droit à l’éducation est plus lié que la majorité des autres à la réalisation de tous les droits humains. L’éducation est un droit humain intrinsèque et un moyen indispensable de réaliser les autres droits humains, civils, culturels, économiques, politiques et sociaux" (Audrey Chapman et Sage Russel, "Violation du droit à l’éducation". Nations Unies. Conseil économique et social. Comité des droits économiques, sociaux et culturels, 30 novembre 1998, page 1).

11. UNESCO, L’enseignement supérieur au XXIe Siècle, loc. cit, page 4.

12. Ibid. page 3.

13. Ibid. page 9.

 

 

 

 


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